altLe projet de loi qui vous est soumis répond à l’obligation de révision prévue par la loi de bioéthique de 2004.
Il a déjà fait l’objet de deux lectures par l’Assemblée nationale. Votre Assemblée va à présent l’examiner en deuxième lecture.

D’ores et déjà, les travaux en commission et les débats parlementaires ont permis de trouver des accords et d’aboutir à un vote conforme sur plusieurs points. En particulier :
- la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes a été écartée, au terme de débats approfondis et de qualité qui ont conduit le Gouvernement à se rallier à cette position ;
- le transfert post mortem d’un embryon a été rejeté, conformément au souhait du Gouvernement ; quelle que soit la compassion qu’inspire ces situations douloureuses, rien ne peut justifier de priver délibérément un enfant de père.

Je tiens à saluer la qualité des débats conduits sur ces questions difficiles, à la mesure des enjeux en présence.
Ils ont mis en évidence, au-delà des divergences d’opinion  ur certains points, notre adhésion commune profonde aux valeurs fondamentales affirmées par les lois de bioéthique successives. Je pense en particulier à la dignité de la personne humaine et au refus de la marchandisation.

Il vous revient à nouveau de vous prononcer sur plusieurs questions sensibles et complexes. La recherche des justes points d’équilibre se poursuit, dans ces domaines où il nous faut concilier d’une part la liberté individuelle et l’autonomie de la personne, d’autre part la préservation de valeurs essentielles, dignité humaine et respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, principe du don anonyme et solidaire.
Il s’agit de conjuguer harmonieusement l’intime et le vouloir vivre ensemble.

Avant d’en venir aux sujets les plus sensibles, je tiens à exprimer ma satisfaction des avancées réalisées sur le don d’organe. Un accord a été trouvé sur l’essentiel. C’est tout à fait important, car le développement des possibilités de greffes dans le cadre du don entre vifs permettra de réduire le nombre de personnes en attente de greffe, et surtout de réduire le nombre de décès.
Rappelons que le nombre de greffes n’a que faiblement augmenté depuis 2004 (de 3900 à 4600), avec un nombre très réduit et stable de donneurs vivants.
La pratique du don croisé d’organes fait l’objet d’un accord de principe de la part de vos assemblées. Elle est rigoureusement encadrée, dans la mesure où elle rompt le lien direct familial entre le donneur et le receveur.

Il est impératif d’empêcher toute possibilité de pression quelconque sur le donneur.

Le texte de loi prévoit en outre d’autoriser au-delà de la parentèle le don entre personnes unies par un lien, étroit, stable et avéré. Le Gouvernement s’est rallié à cette ouverture supplémentaire, qui appelle une vigilance renforcée. Une condition de durée préalable de la relation paraît souhaitable.

Rappelons par ailleurs que les donneurs vivants ne représentaient en 2009 que moins de 8% des donneurs.

Les avancées réalisées concernant les donneurs vivants ne doivent pas conduire à délaisser les dons post mortem, qui doivent faire l’objet d’une information renforcée pour donner sa pleine portée au régime de consentement présumé. Les dispositions législatives ont été renforcées en ce sens. Ainsi, le DMP comportera dorénavant une mention indiquant que la personne a reçu l’information sur le don d’organe.

Trois questions cruciales à cet égard seront enfin au coeur de vos débats :
- Le diagnostic prénatal,
- La clause de révision.
- Les recherches sur l’embryon

Je serai particulièrement attentive à vos débats. Je souhaite néanmoins d’ores et déjà souligner certains points qui me paraissent importants.

1/ Pour ce qui concerne le diagnostic prénatal, le texte qui vous est soumis correspond aux attentes du Gouvernement.
- Il met en oeuvre en particulier une approche cohérente et équilibrée du dépistage prénatal. Le droit à l’information de la femme enceinte et son autonomie de décision sont respectées, et le cadre règlementaire est renforcé pour prévenir tout risque de dérive eugénique.
Je crois important à cet égard que l’accès aux examens de dépistage fasse l’objet d’une demande de la femme enceinte :
l’information sur le dépistage est délivrée à toute femme, mais une manifestation de volonté de la femme enceinte est requise pour en bénéficier.
Par ailleurs, en cas de risque avéré d’anomalie génétique, une liste d’associations de patients concernées sera proposée à la femme enceinte pour compléter, si elle le souhaite, son information.

2/ Pour ce qui concerne la clause de révision de la loi, le projet qui vous est présenté la restaure contrairement au souhait du Gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Il faut bien sûr exercer toute la vigilance nécessaire à l’égard des avancées biomédicales, et apporter des réponses aux nouvelles attentes de la société.
Mais une clause de révision périodique n’est pas le seul moyen d’y parvenir. Réviser les lois de bioéthique tous les cinq ans présente de sérieux inconvénients, en particulier :
- Cela expose le législateur au manque de réactivité face à de nouvelles menaces ;
- Cela bloque tous les ajustements, utiles et nécessaires, qui se trouvent différés à l’échéance de la révision ;
- Cela nécessite une procédure lourde, qui aboutit dans les faits à allonger sensiblement les délais prévus ;
- Cela tend à radicaliser les positions des uns et des autres, alors que la bioéthique nécessite au contraire de cheminer sereinement vers de justes compromis.
De plus, les lois de bioéthique constituent aujourd’hui un socle juridique abouti et équilibré, qui ne nécessite plus de remise en chantier récurrente.

Enfin, les dispositions intégrées au projet qui vous est présenté permettent au Parlement d’exercer toute la vigilance nécessaire pour proposer au moment opportun des ajustements et des novations, avec toute la fluidité requise.

Une clause de révision figerait, à l’inverse toute adaptation et toute évolution des textes. Sa suppression est pleinement justifiée.
Le gouvernement déposera donc un amendement de suppression de cette clause de révision.

3/ J’en viens enfin à la question la plus délicate, les recherches sur l’embryon.
Le projet qui vous est soumis pérennise le dispositif en vigueur. C’est un point essentiel.
En revanche, votre commission a souhaité substituer au régime d’interdiction assorti de dérogations un régime d’autorisation dans un cadre strict.

C’est un véritable point de désaccord que je ne souhaite pas minimiser. Le Gouvernement n’entend pas renoncer au principe d’interdiction des recherches sur l’embryon, assorti de possibilités de dérogations.
Pourquoi ?

C’est d’abord un choix de continuité avec les lois de 1994 et de 2004, et de cohérence avec l’ensemble des dispositions relatives à l’embryon qui visent à garantir la protection de l’embryon.

C’est ensuite le principe qui permet le mieux de contenir tout risque d’instrumentalisation de l’embryon humain. Les embryons surnuméraires n’ont pas vocation à devenir systématiquement un objet de recherche, ils ne sauraient être réduits au statut de ressource biologique potentielle pour les chercheurs. Il est important à cet égard de n’accorder d’autorisation que dans un cadre dérogatoire strict.

La recherche sur l’embryon n’est pas une recherche comme les autres parce qu’elle touche à l’origine de la vie.

Pour conclure, je tiens à souligner que ce régime juridique d’interdiction assorti de dérogations n’a pas pénalisé la recherche française. Il n’y a donc pas de raison d’en changer et d’opter pour un régime d’autorisation encadré comportant des risques de réification de l’embryon. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émettra un avis favorable à l’amendement du Président GAUDIN, réintroduisant le régime d’interdiction
assorti de dérogation.

Enfin, je rappelle que le projet de loi permet d’organiser une veille et des débats publics autour des questions soulevées.
Le débat pourra ainsi se poursuivre sur la délicate question de la recherche sur l’embryon, au vu notamment du bilan qui peut en être fait en France comme à l’étranger. Il convient aujourd’hui de ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre des avancées médicales décisives, sans que les contraintes n’aboutissent à bloquer de fait toute recherche.

Je constate que sur certains points, les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat se rapprochent néanmoins.
Ainsi, il n’est pas proposé de distinguer les recherches sur l’embryon des recherches sur les cellules souches embryonnaires. Ce choix est judicieux, car il existe évidemment

un continuum entre l’embryon et les cellules souches, qui ne peuvent être prélevées sur l’embryon sans le détruire.
J’espère que le débat qui s’ouvre aujourd’hui nous permettra de cheminer vers un consensus plus large en faveur du maintien d’une interdiction de principe, qui j’y insiste, n’a pas pénalisé la recherche.

Tels sont les points, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, qu’il m’a paru important de souligner. Il vous revient d’examiner à nouveau ces propositions. Je ne doute pas qu’au-delà de positions partisanes, le débat permettra d’approfondir l’ensemble des enjeux de ce texte.

Je vous remercie de votre attention.


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