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Le Défenseur des droits et le ministère de la santé et de la prévention, représenté par la Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (DREES) et la Direction de la sécurité sociale (DSS) rendent publics les résultats d’une étude réalisée par l’Institut des politiques publiques sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) et de l’aide médicale de l’État (AME), dans trois spécialités médicales : médecine générale, ophtalmologie et pédiatrie. Cette étude s’appuie sur un testing téléphonique réalisé entre mars et septembre 2022 auprès de plus de 3 000 praticiens. Elle fait suite à un premier testing réalisé en 2019 sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’Aide au paiement d’une assurance complémentaire santé (ACS) à l’initiative du Fonds CMU et du Défenseur des droits, et s’inscrit dans le cadre des missions de suivi, d’analyse et d’évaluation de la complémentaire santé solidaire (mise en place en 2019) confiées à la DREES et à la DSS.


Cette étude, menée par une équipe de recherche de l’Institut des politiques publiques, s’appuie sur un testing téléphonique pour laquelle 34 000 appels ont été passés. Elle a été réalisée entre mars et septembre 2022 auprès de plus de 3 000 praticiens. Elle vise à évaluer l’existence de discriminations dans l’accès aux soins des bénéficiaires de la CSS1 et de l’AME2 à l’occasion d’une demande de rendez-vous médical (pour un motif non urgent). La discrimination est mesurée à travers les taux et les délais d’obtention d’un rendez-vous médical auprès des professionnels de santé pour trois profils de patients : bénéficiaires de la CSS, bénéficiaires de l’AME et ceux dits « patients de référence » ne déclarant recevoir aucune de ces deux aides.


Des difficultés de prises de premiers rendez-vous par téléphone
L’étude montre des difficultés d’accès à un rendez-vous pour tous : seule la moitié des patients de référence demandant une prise en charge pour un motif sans caractère d’urgence obtiennent un rendez-vous avec un généraliste, un ophtalmologue ou un pédiatre. Quatre appels sont nécessaires, en moyenne, pour parvenir à entrer en contact avec un cabinet médical. Pour les personnes ayant obtenu un rendez-vous, les délais proposés sont parfois très longs : si les médecins généralistes proposent des rendez-vous en moyenne dans les 8 jours, ce délai dépasse 25 jours pour les pédiatres et plus de 55 jours pour les ophtalmologues.


Les chances d’obtenir un rendez-vous médical pour les bénéficiaires de la CSS sont similaires à celles des patients de référence

Les patients bénéficiaires de la CSS obtiennent un rendez-vous médical dans les mêmes proportions que les patients de référence. Ce résultat contraste avec ceux d’études par testing précédentes portant sur l’accès aux soins des bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS. Les bénéficiaires de la CSS font néanmoins face à des refus discriminatoires formulés de façon explicite dans 1 à 1,5 % des cas.


Une discrimination constatée à l’encontre des bénéficiaires de l’AME
Les résultats de l’étude mettent pour la première fois en évidence des discriminations envers les bénéficiaires de l’AME qui, en moyenne, doivent appeler 1,3 fois plus que les patients de référence pour obtenir un rendez-vous médical. Par rapport aux patients de référence, les bénéficiaires de l’AME ont entre 14 et 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous chez un généraliste, entre 19 et 37 % de chances en moins chez un ophtalmologue et entre 5 et 27 % chez un pédiatre, et ce quels que soient le genre et le secteur d’exercice des praticiens.


Une discrimination envers les bénéficiaires de l’AME observée chez une minorité de médecins mais souvent pratiquée de manière explicite
Dans un contexte marqué par des difficultés d’accès aux soins pour tous, les patients bénéficiaires de l’AME font l’objet de discriminations, qui constituent un obstacle supplémentaire à l’accès aux soins de ces publics fragiles. Ces discriminations sont le fait d’une minorité de praticiens, mais ont une ampleur non négligeable et sont souvent exprimées de manière explicite : 4 % des demandes de rendez-vous des patients bénéficiaires de l’AME chez un généraliste se soldent par un refus discriminatoire explicite, 7 % des appels pour un rendez-vous chez un pédiatre et 9 % des appels chez un ophtalmologue. Globalement, près d’un refus de rendez-vous sur dix opposé aux bénéficiaires de l’AME est explicitement discriminatoire.


Des discriminations qui peuvent s’expliquer par la crainte d’une prise en charge ou de démarches administratives plus complexes
Ces refus de soins illégaux, manifestes ou déguisés, contreviennent de manière évidente aux dispositions législatives garantissant un accès universel aux soins à des publics fragilisés ou précaires, de même qu'à l'intérêt général en matière de santé publique, puisqu'ils nuisent aux mesures de prévention et de détection précoce des pathologies ainsi qu'à leur traitement.
Cette réticence à l’égard de la prise en charge des bénéficiaires de l’AME est susceptible de s’expliquer à la fois par des préjugés selon lesquels la prise en charge de ces patients serait plus complexe (patients en moins bonne santé, ne maîtrisant pas ou peu le français, consultations plus longues…) et par l’anticipation de démarches administratives plus lourdes pour les professionnels de santé (et les caisses d’assurance maladie) dans la mesure où ces patients ne bénéficient pas de la carte Vitale.


La fusion de la CMU-C et de l’ACS ainsi que l’extension du tiers payant, deux facteurs essentiels de la diminution des refus de soins discriminatoires à l’issue de la création de la CSS

La fusion de la CMU-C et de l’ACS dans la CSS en novembre 2019 et l’extension de la pratique du tiers payant semblent en revanche avoir permis une simplification de la gestion de la prestation pour les professionnels de santé et participent ainsi à la diminution des refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CSS. Le Défenseur des droits rappelle qu’un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique, est un délit au regard de la loi, et un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale.


Cadre légal et règlementaire concernant les refus de soins discriminatoires

Un refus de soins est discriminatoire lorsqu’un professionnel de santé refuse de recevoir ou traite moins bien un patient sur le fondement de l’un des critères énumérés par l’article 225-1 du Code pénal (origine, état de santé, handicap, orientation sexuelle, particulière vulnérabilité économique, etc.). Un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique, est un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale, et un délit au regard de la loi.


1La CSS vise à faciliter l’accès à une assurance complémentaire santé pour les personnes résidant en France de façon stable et régulière et disposant de faibles ressources financières.
2L’AME s’adresse aux étrangers en situation irrégulière, résidant en France depuis au moins 3 mois et disposant de faibles ressources financières.


A propos de la DREES

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) est le service statistique ministériel dans les domaines de la santé et du social. Créée par décret en 1998, elle fait partie du service statistique public. A ce titre, son action s’appuie sur un engagement déontologique fort reposant notamment sur l’indépendance, la qualité, le respect du secret statistique, l’impartialité et l’objectivité.

La DREES intervient également en appui à la conception et à l’évaluation des politiques publiques.
Elle apporte par ailleurs ses compétences pour développer le partage des données, algorithmes et codes au sein des ministères chargés de la santé et des solidarités.


À propos du Défenseur des droits

Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante inscrite dans la Constitution. Son champ de compétence s’étend à la défense des droits des usagers des services publics, la défense et la promotion des droits de l’enfant, la lutte contre les discriminations, le respect de la déontologie des professionnels de la sécurité et l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte. Elle s'est vu confier deux missions : défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et mener des actions de promotion de l'égalité et de l'accès aux droits. À ce titre, le Défenseur des droits conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches.


À propos de la DSS

La Direction de la sécurité sociale (DSS) est une direction d’administration centrale chargée de la conception et du pilotage de la mise en œuvre des politiques publiques en matière de sécurité sociale : assurance maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite, famille, autonomie. Elle dépend à ce jour de plusieurs ministères : le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, le ministère de la Santé et de la Prévention, et le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des personnes handicapées.


À propos de l’IPP

L’Institut des politiques publiques, laboratoire de recherche en économie issu d’un partenariat de recherche entre Paris School of Economics et le Groupe des écoles nationales d’économie et de statistique (GENES), vise à développer la recherche scientifique et l’évaluation dans le domaine des politiques publiques mais aussi à favoriser l’appropriation par les citoyens des termes du débat public. C’est dans ce cadre qu’il publie, via le format des synthèses et/ou des notes, une version plus accessible des travaux de ses chercheurs et des évaluations que ces derniers peuvent mener pour les acteurs publics.

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