13 Mai 2020
|Nul n'ignore que la terrible période que nous traversons désorganise fortement nombre de nos psychismes humains.
Dans ce but, la pratique d'un soutien psychique et médical, ambulatoire, en cabinet, est vivement recommandé. Cependant, dans de nombreux cas, nos patients montrent des signes « d'essoufflement» devant les dangers de la maladie, la sécheresse du confinement, mais aussi, d'une certaine manière, l'hyper-information et la volonté de transparence médiatique.
Les témoignages de patients angoissés, dépassés, envahis par leurs émotions font florès dans les centres téléphoniques et les réseaux sociaux de nos établissements de santé.
Du fait de l'intensité grandissante des troubles psychiques ou de leur chronicité naissante, le retour à des prises en charge plus « médicalisées » s'impose.
Dans le domaine de la santé mentale, les approches thérapeutiques pluridisciplinaires les plus reconnues consistent en l'hospitalisation, qu'elles soient en cliniques privées ou en services d'hospitalisation publique.
Il est heureux que l'État, dans sa sagesse, n'ait pas interdit à ces secteurs d'activité médicale de fonctionner.
Ces derniers ont d'ailleurs structuré une prise en charge parfaitement opérationnelle et sécurisée.
Les patients y sont accueillis sans risque et ils reviennent en nombre, ce qui est la meilleure des choses pour leur santé.
Sauf exception, il ne faut surtout pas retarder leur prise en charge, sinon, elle se révèlera inévitablement plus difficile à soigner par la suite.
Deux poids deux mesures
Ce constat heureux et favorable pour l'hospitalisation, contraste péniblement avec un autre domaine de la santé mentale, (et plus généralement de la santé) où l'état français a pris une orientation toute différente et, à mon sens, toute contestable.
Il s'agit de la cure thermale.
Ce domaine est certes bien moins connu en psychiatrie que celui de l'hospitalisation, y compris des milieux universitaires, même s'il a, à l'occasion de 2 études scientifiques récentes, encadrées par un comité scientifique reconnu et publiées dans des revues anglo-saxonnes à impact factor, fait la preuve de son efficacité à moyen terme dans la prise en charge des troubles anxieux et celui du sevrage de la surconsommation des médicaments psychiatriques.
Environ 10 000 personnes la pratiquent durant 3 semaines, chaque année, dans l'une des 5 stations Thermales françaises ayant cette indication.
En effet, les centres thermaux ont été vus par nos ministères comme des lieux publics, des lieux commerciaux, sans intégrer à aucun moment et de manière claire qu'il s'agit, bien au-delà, de lieux de soins, qui accueillent des personnes en état de souffrance.
Nombre de nos patients curistes, souvent considérés par beaucoup comme de « pseudo-malades », nous font part de plus en plus clairement de la douleur qu'ils ressentent à ne pouvoir programmer, ni même envisager, une date pour leur prochaine cure thermale.
On pourrait considérer qu'une cure thermale n'a rien d'indispensable, après tout.
Mais sait-on au moins que la très grande majorité de nos patients envisagent leur cure comme un moyen d'éviter une hospitalisation, d'éviter l'augmentation de leur thérapeutique (ce qu'ils n'arrivent pas à contrôler sans elle), de casser un quotidien qu'ils ne peuvent plus supporter (et on peut le comprendre en ces temps de confinement), de soulager leurs douleurs chroniques, de bénéficier d'une prise en charge psychologique et éducative qui a pour but de leur apprendre à mieux maîtriser leurs angoisses.
Ces lieux de cure sont également fortement investis en ce qu'ils ne sont pas des lieux trop stigmatisants.
Les patients soignés, soulagés de leur douleur, enseignés sur la bonne compréhension qu'ils doivent avoir du processus de la maladie, restent autonomes quant à leur hébergement et leur mode de vie.
Cette médecine est essentielle pour tous ces « pseudo-malades » qui n'en peuvent plus de repousser l'heure où ils pourront enfin améliorer très significativement la pénibilité chronique de leur santé.
Il n'existe pas de « petit malade » !
Il me revient la réaction de mon Maître, le professeur Jean Pierre Olié, chef de service à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, à l'occasion d'une de ses visites dans mon centre (constitué de 2 cliniques privées et d'un établissement thermal), il y a quelques années.
Je me souviens lui avoir dit : vous voyez, en somme, il y a les « gros malades » qui sont soignés à la clinique et les « petits malades » qui vont aux thermes.
Et lui de me répondre, cinglant, mais tellement juste : « Mais, il n'y a pas de petits malades ! Ça n'existe pas ! »
C'est exactement cela !
Tout est dit !
L'anxieux n'est pas moins malade que le délirant, il souffre tout autant, même s'il est peut-être moins en danger.
Et il faut intégrer la perte de chance thérapeutique que l'on fait subir à nos patients qui sont interdits de leurs soins depuis plusieurs mois ?
Dans le centre médical que je dirige, grâce à notre outil facebook, nous animons nos réseaux et sommes, en retour, de plus en plus débordés de personnes qui attendent l'annonce de la réouverture des thermes comme une véritable libération !
Ainsi, tous ces « petits patients » sont indirectement attaqués. Ils sont non considérés. Il ne s'agit pas là, d'un simple enjeu économique pour le milieu du thermalisme.
Ceux qui le croient, n'ont pas compris à quoi sert cette profession médicale.
Il s'agit de remettre l'église au centre du village.
Contrairement au secteur de l'hospitalisation, public comme privé, parfaitement défendu et reconnu, par notre ministère, je vois le secteur d'activité thermal, gravement ignoré.
Il ne peut même pas imaginer, après 2 mois de confinement, à quel moment il lui sera possible d'accueillir ses 600 000 patients annuels dont beaucoup ne peuvent envisager de passer l'année sans leur cure !
Alors, qu'attendons-nous ?
Je suis surpris par notre gouvernement qui ne s'intéresse pas à cette médecine et par tous ceux qui semblent admettre cela comme une normalité ou une fatalité.
Mais bon sang, écoutez ce qu'a à dire notre profession de médecine thermale. Écoutez ce qu'ont à dire nos patients qui en bénéficient et en sont d'ailleurs nos meilleurs ambassadeurs.
Sommes-nous honnêtes avec ces derniers qui nous interrogent et appellent régulièrement à l'aide ?
Pour être honnête, je trouve inadmissible, en tant que médecin, de ne pouvoir leur apporter une réponse claire à leur demande.
Mon malaise est sincère et grand. Nous leur promettons des soins et, sans motif réel, aujourd'hui, nous les abandonnons.
On nous laisse croire que, dans nos stations thermales, nous ne sommes pas capables de mettre en place une organisation interne qui protégerait nos malades du risque de contamination, là où les écoles et les transports en commun apprennent à le faire, là où les grandes surfaces de distribution alimentaire le font très bien depuis le début du confinement !!
Aujourd'hui, j'ai la conviction que l'on se moque de nous ou, pire encore, que l'on ne nous porte aucun crédit, sans motif.
Et le médecin, praticien que je suis l'affirme : c'est une évidente erreur.
Il n'est jamais trop tard pour se ressaisir, surtout quand c'est pour le bien commun.
Alors, qu'attend donc le gouvernement pour nous laisser travailler et soigner les patients qui ont besoin de leurs soins ?
Dr Olivier Dubois