altUne étude épidémiologique conduite par le Groupement d’Intérêt Scientifique EPI-PHARE (ANSM-CNAM) montre une augmentation constante de l’utilisation du mycophénolate [1] chez les femmes en âge de procréer entre 2010 et 2017 en France (+44 % sur la période) et un nombre persistant de grossesses exposées à ce produit (de l’ordre de 50 par an).

Compte-tenu du risque accru de malformations congénitales en cas d’exposition pendant la grossesse, cet immunosuppresseur est contre-indiqué pendant la grossesse et chez les femmes susceptibles de procréer qui n’utilisent pas de méthode contraceptive efficace.

Dans ce contexte, l’ANSM rappelle que les conditions et recommandations d’utilisation du mycophénolate doivent être strictement respectées en accord avec les mesures additionnelles de réduction du risque mises en place en 2016 et modifiées en 2018[2] .

L’ANSM rappelle également qu’aucune interruption de traitement par mycophénolate ou par tout autre immunosuppresseur ne doit être décidée sans avis médical, même en cas de suspicion ou de découverte de grossesse.

Le mycophénolate est un immunosuppresseur largement utilisé pour prévenir le risque de rejet après une greffe d'organe. Il est également prescrit hors AMM dans le cadre de protocoles nationaux de diagnostic et de soins pour traiter certaines maladies auto-immunes.

Les résultats de l’étude épidémiologique conduite à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS) fournissent des informations sur l’utilisation du mycophénolate[3] parmi les femmes en âge de procréer et lors de la survenue d’une grossesse en France entre 2010 et 2017 :

Utilisation croissante du mycophénolate parmi les femmes en âge de procréer

Au cours des huit années couvertes par l’étude, 17 726 femmes en âge de procréer (13-49 ans) ont eu au moins une dispensation de mycophénolate. L’utilisation du mycophénolate par ces femmes n’a cessé d’augmenter entre 2010 et 2017 (+44%).

Un peu plus de la moitié (52%) des utilisatrices avaient un antécédent de greffe (principalement une transplantation rénale). Parmi les patientes sans antécédent de greffe identifié, le lupus érythémateux, certaines glomérulopathies et la sclérose en plaque constituaient les principaux diagnostics de maladies auto-immunes retrouvés.

Relai ou interruption fréquents du mycophénolate avant le début de grossesse

Les résultats ont mis en évidence une baisse importante de l’utilisation de ce médicament en période pré et péri-conceptionnelle, et ce quel que soit le contexte d’utilisation. Parmi les femmes transplantées, un relai était mis en place principalement par l’azathioprine (dans plus de 70% des cas) ; parmi les femmes sans antécédent de greffe d’organe, le mycophénolate était le plus souvent remplacé par l’azathioprine (dans environ un tiers des cas) ou interrompu (dans environ un tiers des cas également).

Près de 400 grossesses exposées au mycophénolate en France entre 2010 et 2017

L’étude a permis d’identifier 383 grossesses pour lesquelles au moins un remboursement de mycophénolate a eu lieu dans les 3 mois précédant et/ou pendant la grossesse en France entre 2010 et 2017. Sur ces huit années couvertes par l’étude, le nombre annuel de grossesses concernées est resté stable, autour de 50 par an.

Parmi ces 383 grossesses, 41% ont été interrompues (interruption volontaire ou médicale de grossesse). Chez les nouveau-nés exposés, 12% avaient un diagnostic de malformation à la naissance.

Rappel des conditions et recommandations d’utilisation du mycophénolate

Le risque important de fausse couche et de malformations chez l’enfant à naître en cas d’exposition au mycophénolate impose le rappel des informations suivantes concernant la contraception chez les femmes susceptibles de procréer :

  • Le mycophénolate est contre-indiqué chez les femmes enceintes et chez les femmes susceptibles de procréer n’utilisant pas de méthode contraceptive efficace et adaptée, sauf en l’absence d’alternative thérapeutique appropriée, pour prévenir le rejet de greffe ou traiter la pathologie. Le mycophénolate est également contre-indiqué pendant l’allaitement.
    Les patientes doivent être pleinement informées par leur médecin des risques sur la grossesse associés à la prise du traitement et des mesures à respecter pour limiter ces risques.
  • Pour initier un traitement, la patiente doit consulter un médecin spécialiste à l’hôpital. Celui-ci discutera avec elle des points suivants :
    • nécessité de fournir un test de grossesse négatif (un second test est recommandé pour confirmer le résultat négatif),
    • nécessité de mise en place d’une contraception efficace et adaptée ,
    • nécessité de compléter et signer un formulaire d’accord de soins lors de la consultation hospitalière.
  • Pendant son traitement, la patiente :
    • poursuit sa contraception efficace et adaptée,
    • réalise des tests de grossesse lorsque nécessaire (oubli de prise de contraceptif, cycle irrégulier, suspicion d’interaction médicamenteuse ...)
    • consulte une fois par an son spécialiste hospitalier pour renouveler son ordonnance et son accord de soins,
    • présente une copie du formulaire d’accord de soins signé pour toute dispensation ,
    • planifie tout projet de grossesse et en discute avec son spécialiste afin d’envisager un autre traitement,
    • consulte en urgence son médecin en cas de suspicion ou de découverte de grossesse mais n’arrête pas de prendre son traitement dans l’intervalle.
  • A la fin de son traitement, la patiente :
    • poursuit une contraception efficace et adaptée au moins pendant 6 semaines.

Concernant les hommes traités par mycophénolate :

  • Les données cliniques limitées ne montrent pas de risque tératogène accru pour les enfants nés d’un père traité par mycophénolate.
    La situation est donc différente pour les hommes et pour les femmes. Toutefois, le mycophénolate étant une substance génotoxique[4] , le risque d’altération génétique chez l’enfant à naitre ne peut être totalement exclu. Ainsi pour écarter tout risque, il est préférable d’utiliser une méthode contraceptive efficace pendant le traitement et durant au moins 90 jours après l’arrêt du traitement. Cette contraception peut être suivie par le patient ou par sa/ses partenaire(s) féminine(s).
    En cas de projet de grossesse , le patient homme traité par mycophénolate doit discuter avec son médecin spécialiste du traitement le plus approprié. En cas de découverte ou de suspicion de grossesse chez sa partenaire , le patient doit en informer son spécialiste. Les hommes traités par mycophénolate ne doivent pas réaliser de don de sperme pendant la durée de leur traitement et jusqu’à 90 jours après la fin de celui-ci.

Quelle que soit leur situation, les patients traités par mycophénolate, ou par tout autre immunosuppresseur, ne doivent jamais arrêter leur traitement sans avis médical.

L’ANSM rappelle que l’ensemble de ces conditions et recommandations d’utilisation doit être strictement respecté, y compris lors d’utilisations hors AMM, en particulier dans le traitement de certaines maladies auto-immunes.

Le suivi des données d’utilisation sera poursuivi notamment pour mesurer l’évolution de l’exposition au mycophénolate à la suite de la modification des mesures additionnelles de réduction du risque effectuées en 2018.

Lire aussi

Documents de réduction du risque

Fiche Mesures additionnelles de réduction du risque :

[1] Mycophénolate : mycophénolate mofétil (CellCept® et génériques) + mycophénolate sodique (Myfortic®)
[2] Point d’information du 19 juin 2018 ; Actualisation des mesures de réduction du risque lié à l’exposition au mycophénolate au cours de la grossesse
[3] L’utilisation du mycophénolate a été définie par l’existence d’au moins un remboursement pour une délivrance d’une spécialité à base de mycophénolate
[ 4] Une substance est dite génotoxique si elle peut provoquer des altérations de la structure ou du nombre de chromosomes d’une cellule, pouvant ainsi endommager les gènes.



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