Si les traitements disponibles pour soigner les leucémies sont de plus en plus performants, dans 20 à 50% des cas, une rechute peut se produire. Les  leucémies qui se développent alors sont en général particulièrement résistantes aux traitements. La collaboration entre des chercheurs et cliniciens du CEA, de l’Inserm, de l’AP-HP[1] et des universités Paris-Sud 11, Paris Diderot-Paris 7 et Pierre et Marie Curie a permis de mettre au point, chez la souris, un modèle de greffe reproduisant les leucémies développées par les patients en rechute. Ce modèle constitue un outil précieux pour tester de nouvelles molécules ou de nouvelles associations de traitements efficaces en cas de rechute. Ces travaux ont été publiés en ligne le 4 avril  par la revue J. Exp. Med.

Les leucémies aigües lymphoblastiques (LAL) sont des cancers du sang caractérisés par une surproduction de lymphocytes « jeunes » bloqués dans leur développement normal et qui, de ce fait, ne remplissent pas leur fonction. Les LAL sont diverses : parmi elles, les LAL-T sont définies par la présence d’anomalies dans les lymphocytes T, aussi appelées cellules leucémiques T humaines. Les traitements classiques des différentes LAL consistent en une administration de corticoïdes suivie d’une chimiothérapie visant à bloquer la multiplication des cellules. Ces traitements conduisent à l’élimination des cellules anormales. Cependant dans 20 à 50% des cas, avec des variations importantes selon que l’on traite un enfant ou un adulte, une rechute de la leucémie peut se produire. La nouvelle leucémie qui se développe est en général particulièrement résistante aux traitements.

Les chercheurs viennent de montrer que la leucémie obtenue après la greffe de cellules leucémiques humaines chez des souris (on parle alors de « xénogreffe ») est représentative des rechutes observées chez les patients. Cette découverte devrait ainsi contribuer à la compréhension des mécanismes de rechute et au développement de traitements plus adaptés. L’ensemble de cette étude a nécessité la mise au point de plusieurs techniques : la technique de xénogreffe des cellules leucémiques T humaines à des souris immunodéficientes[2], l’obtention d’échantillons de leucémies primaires[3] et à la rechute, des techniques d’analyse extrêmement précises du génome et des profils d’expression, le développement d’un système de culture des cellules T leucémiques in vitro et la modification génétique de ces cellules, procédures que peu de laboratoires ont à leur disposition.

xenogreffe

Figure : principe du modèle de xénogreffe des cellules leucémiques (©CEA/AP-HP)

Les chercheurs ont pu comparer les cellules issues des xénogreffes à celles des patients obtenues lors des leucémies primaires et lors des rechutes. « L’analyse génétique des cellules leucémiques des patients a montré que le profil des anomalies varie souvent entre les leucémies primaires et les leucémies à la rechute » explique le Professeur Jean Soulier, l’un des responsables de cette étude. « Toutefois, certaines anomalies restent communes, ce qui montre que les cellules à la rechute proviennent d’une cellule ancestrale et ont subi des modifications génétiques les rendant plus agressives et difficiles à traiter ».

Les chercheurs ont donc étudié la possibilité que leur modèle de xénogreffe puisse reproduire cette évolution entre les leucémies primaires et celles à la rechute. « Nous avons observé que les cellules leucémiques humaines détectées dans les souris sont différentes des cellules leucémiques primaires transplantées. » précise le Dr Françoise Pflumio, autre responsable du projet. « En revanche elles présentent des anomalies génétiques proches de celles des patients ayant rechuté. Ainsi la leucémie développée chez la souris peut mimer la rechute chez le patient. Nous avons ensuite confirmé par des expériences fonctionnelles que ce modèle reproduisait les étapes majeures de la progression tumorale lors de la rechute. »

Jusqu’à présent la recherche de nouveaux traitements était effectuée sur des lignées cellulaires ou sur des souris transgéniques qui ne représentent pas la diversité des leucémies observées chez l’Homme. Avec ces deux modèles expérimentaux (culture et xénogreffe) bien mieux représentatifs des rechutes de LAL-T humaines, les chercheurs disposent de moyens pour tester plus efficacement de nouvelles molécules ou de nouvelles associations de traitements. A terme ces travaux laissent entrevoir la possibilité d’adapter à chaque patient son traitement en fonction des caractéristiques génétiques de sa rechute.

Ces travaux ont bénéficié du soutien financier du CEA, de l’Inserm, des universités Paris Diderot-Paris 7 et Paris-Sud 11, de l’Institut National du Cancer (INCA), du Cancéropôle d’Ile de France, du programme Carte d’Identité des Tumeurs de la Ligue Nationale contre le Cancer, de la Société Française d’Hématologie, de la Ligue Nationale contre le Cancer et de l’association Laurette Fugain.

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Référence :

Clonal selection in xenografted human T-cell acute lymphoblastic leukemia recapitulates gain of malignancy at relapse. Emmanuelle Clappier, Bastien Gerby, François Sigaux, Marc Delord, Farah Touzri,

Lucie Hernandez, Paola Ballerini, André Baruchel, Françoise Pflumio and Jean Soulier. J. Exp. Med., online, 2011.

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Référence des équipes :

- CEA/DSV/iRCM/Laboratoire de recherche sur les cellules Souches Hématopoïétiques normales et Leucémiques, 92265 Fontenay-aux-Roses cedex, France. Inserm U967, Université Paris Diderot-Paris 7 et Université Paris-Sud 11, 92265 Fontenay-aux-Roses cedex

- Équipe Génome et Cancer, INSERM U944, Institut Universitaire d’Hématologie, Hôpital Saint-Louis et Université Paris Diderot-Paris 7

- Laboratoire d’Hématologie AP-HP, Hôpital Saint-Louis, Paris

- Département de Génétique, Hôpital Robert Debré, AP-HP, Paris

- Service d’Hématologie Biologique, Hôpital Trousseau AP-HP ; Université Pierre et Marie Curie, Paris

- Service d'Hématologie Pédiatrique, Hôpital Saint-Louis et Robert Debré, AP-HP, Paris



[1] Assistance Publique - Hôpitaux de Paris : Hôpital Saint-Louis, Hôpital Robert Debré et Hôpital Trousseau

[2] Souris immunodéficientes : dépourvues de système immunitaire donc incapables de rejet de greffe

[3] Cellules de leucémie primaire : cellules prélevées lors du diagnostic de la maladie

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