01 Février 2019
|Pour détecter la présence de cellules cancéreuses dans le prélèvement d'un patient, un médecin pathologiste, ou un technicien de laboratoire spécialisé en cytologie, doit passer en revue les centaines de milliers de cellules que comporte une seule lame d'observation au microscope. Un long travail qui, sous l'effet de la fatigue, peut induire des erreurs quand des cellules anormales échappent à l'observation. C'est pour accélérer et fiabiliser le dépistage des cancers liés à l'amiante qu'un logiciel d'analyse automatique d'images a été développé au Groupe de recherche en informatique, image, automatisme et instrumentation de Caen1, en collaboration avec des médecins et des biologistes du Centre hospitalier public du Cotentin, à Cherbourg.
La startup Datexim, dont le projet a été porté par des chercheurs du laboratoire et accompagné par Normandie Incubation, est fondée en 2011 pour valoriser ces travaux. Elle décide alors de développer, en s'inspirant des recherches menées au laboratoire, un outil dédié au dépistage du cancer du col de l'utérus. Ce logiciel, baptisé CytoProcessorTM, est aujourd'hui un dispositif médical de diagnostic in-vitro qui a obtenu son autorisation de mise sur le marché. Il a été validé par le service d'Anatomie et cytologie pathologiques du Centre hospitalier de Cherbourg et par un laboratoire privé de la région de Lyon, lors d'évaluations cliniques. Le centre hospitalier continue à mener l'expérimentation en poursuivant en parallèle l'observation manuelle des lames de microscopie. Deux laboratoires privés utilisent désormais ce logiciel en routine pour améliorer leurs diagnostics tout en gagnant du temps.
«Il s'agit d'un outil d'assistance, dont les résultats sont infirmés ou confirmés par le spécialiste qui établit le diagnostic », indique Abderrahim Elmoataz, chercheur au Groupe de recherche en informatique, image, automatisme et instrumentation de Caen et professeur à l'université de Caen. À partir d'une lame de microscope numérisée, le logiciel extrait automatiquement les cellules dont les noyaux sont remarquables par leur forme, leur taille ou leur texture, puis les présentent sous la forme d'une classification au médecin qui réalise le diagnostic. «L'analyse automatique prend environ 30 secondes, alors qu'il faut 10 à 15 minutes pour une évaluation manuelle», explique Grégoire Olivier, technicien biologiste au Centre hospitalier public du Cotentin, et qui joue le rôle d'intermédiaire entre les médecins et les chercheurs en traitement d'images. «Dans les laboratoires privés, les temps observés sont plutôt de l'ordre de 4 à 5 minutes en moyenne lors d'une évaluation manuelle et de 1 à 1 minute 30 avec l'assistance de CytoProcessor», précise Arnaud Renouf, président de Datexim. Ce gain de temps est réalisé tout en améliorant les taux de détection, localement ou à distance via internet.
Ces expérimentations sont l'aboutissement de sept thèses, de cinq programmes de recherche et de cinq ans d'investissement3 de la société Datexim dans la R&D (six chercheurs actuellement). Les premières études, soutenues par l'association Cœur et Cancer et par la Région Normandie, ont établi une collaboration suivie entre informaticiens, médecins et biologistes, et débouché sur un premier logiciel prometteur. L'arrivée de la technologie des lames virtuelles, qui autorise la numérisation d'une lame complète de microscope, et l'achat d'un scanner de lames, ont alors permis la mise au point d'une solution opérationnelle.
La collaboration entre la société, le laboratoire de recherche et le centre hospitalier de Cherbourg se poursuit dans le cadre du projet Planuca (Plateforme numérique de pathologie pour la prise en charge des Cancers)2, bientôt rejoint par le CHU de Caen. De nouveaux algorithmes d'analyses d'images sont développés par la société et le laboratoire pour améliorer le diagnostic des cancers gynécologiques, et notamment la détection de cellules pré-cancéreuses. Par ailleurs, les chercheurs du laboratoire mettent au point un module d'analyse d'images appliqué à l'immunohistochimie, technique qui permet de guider les médecins dans le choix d'un traitement, cette fois pour les cancers du sein.
Le laboratoire dispose d’une plateforme logicielle CeLLIA de traitement et d’analyse d’images de microscopie cellulaire en cytologie et histologie dont l’objectif est de faciliter le développement de logiciel en cancérologie. Elle est composée de modules de prétraitement, de segmentation et de classification utilisant des méthodes unifiées basées sur les équations aux dérivées partielles sur graphes et sur l’apprentissage profond. Datexim développe aussi de nouveaux outils pour la pathologie digitale, basés sur l'apprentissage profond (deep learning).
1 Groupe de recherche en informatique, image, automatisme et instrumentation de Caen (CNRS/Université de Caen/Ensicaen)
2 Le financement du projet est assuré par la région Normandie, les fonds Feder (Fonds européens de développement régional) et l'association Cœur et Cancer.
3 Les investissements ont été réalisés grâce à des fonds Feder, des aides régionales de la Normandie, des aides publiques BPI, un prix au concours national OseoÂÂ en 2012 et des investissements privés via deux levées de fonds.