Addictions : le CESE appelle à diversifier les politiques publiques, en donnant toute sa place à la réduction des risques
10 Janvier 2019
|Le tabagisme et la consommation nocive d’alcool représentent respectivement les première et deuxième cause de mortalité évitable en France. Au-delà de la santé, leurs conséquences sont également sociales et économiques. C’est un large pan de la société qui est impacté par ces pratiques addictives. Si le Conseil économique, social et environnemental constate une évolution des comportements et une prise de conscience accrue de ces problématiques, il relève qu’il est tout à fait possible d’avancer plus rapidement et efficacement.
En s’appuyant sur les importants travaux de la Cour des comptes, qui a évalué les politiques publiques de lutte contre le tabagisme et la consommation nocive d’alcool, le CESE s’est attaché à proposer des solutions pour réduire les consommations à risque, notamment vis à vis de l’alcool dont les résultats sont très en deçà cède ceux obtenus pour le tabac. Pour apporter plus de cohérence et de continuité dans les mesures mises en œuvre, le CESE estime indispensable de modifier les représentations sociales de l’alcool et de promouvoir des politiques de réduction des risques afin de sortir du diptyque caricatural laxisme/prohibition.
Dans l’avis adopté en séance plénière le 9 janvier 2019, le CESE estime notamment indispensable de:
- Proposer une prise en charge adaptée à la variété des besoins et profils
Le décalage entre le nombre de personnes souffrant de troubles liés à l’usage de l’alcool ou du tabac et le nombre de patients accompagnés dans le système de soins est important. Défaut d’information, crainte de la représentation sociale et découragement figurent parmi les principales raisons avancées.
Le Conseil recommande de diversifier les solutions proposées aux patients, notamment en donnant toute sa place au baclofène dans la lutte contre l’addiction à l’alcool ou en positionnant la cigarette électronique, avec ou sans nicotine, parmi les autres dispositifs de sevrage tabagique.
Il préconise, en deuxième lieu, de cibler les publics les plus vulnérables, en soutenant la création de consultations d’addictologie pour femmes dans les CSAPA (Centres de Soin, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie) ou autres regroupements professionnels, en multipliant les consultations jeunes consommateurs «hors les murs», et en créant davantage de structures résidentielles dédiées à l’accompagnement des femmes.
- Renforcer la prévention
Pour contribuer à un environnement plus favorable à la prévention, le CESE propose de créer un périmètre sans publicité pour les boissons alcoolisées, notamment près des lieux d’éducation et de formation. Les pouvoirs publics doivent être les pilotes exclusifs de la politique de prévention afin d’éviter les conflits d’intérêt et la confusion des rôles. Le CESE préconise en outre d’instaurer un prix minimum des boissons alcoolisées vendues dans les lieux de fête.
- Sensibiliser les professionnels de santé
Le CESE préconise tout d’abord d’améliorer sensiblement le degré d’information des soignants, associations et patients sur la diversité et la complémentarité des solutions possibles relevant de la réduction des risques, leurs indications et leurs limites. Une communication des pouvoirs publics pourrait être profitable en la matière.
Par ailleurs, le CESE recommande de consolider l’implication de l’ensemble des professionnels de santé de premier recours. Les formations devraient être renforcées et une stratégie nationale de diffusion du RPIB (repérage précoce et à l'intervention brève) définie.
De même, pour le CESE, les ARS devraient être davantage impliquées dans l’organisation des interactions avec les structures hospitalières et médico-sociales. Parmi leurs missions, devraient être intégrées l’organisation du maillage territorial des dispositifs de soin et d’accompagnement en addictologie, ainsi que la complémentarité et le travail coordonné de l’ensemble des acteurs.
Ces mesures devraient être facilitées par les prémisses d’un changement de regard sur l’alcool, illustré par l’écho médiatique rencontré par le “Dry January”, mois sans alcool, initiative importée du Royaume Uni sur le modèle du mois sans tabac qui connait un succès important auprès de la population.
Cet avis, rapporté par Etienne CANIARD (Groupe de la Mutualité), et co-rapporté par Marie-Josée AUGE-CAUMON (Personnalité associée), pour la Section des Affaires sociales et de la santé, présidée par Aminata KONÉ (Groupe UNAF), a été présenté lors de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental du 9 janvier 2019.
L’avis a été adopté en plénière avec 133 voix pour, 6 abstentions et 33 voix contre.