02 Juillet 2018
|En France, l’isolement et la contention dans les services de psychiatrie générale sont en hausse sans pour autant être toujours justifiées. Comment les établissements de santé peuvent-ils améliorer leurs pratiques ? Et comment la HAS peut-elle les aiderÂÂ ? Des réponses ont été apportées, en mai 2018, lors de la Paris Healthcare Week.
Dans le cadre de la Paris Healthcare Week, la HAS a organisé une conférence sur les réponses graduées à apporter face aux comportements violents en psychiatrie générale. Elle a permis de faire un état des lieux sur l’isolement et la contention en France et d’esquisser des bases de réflexion pour améliorer leur encadrement dans le cadre de la prochaine procédure de certification. Mise en œuvre par la HAS en 1999, la certification est un dispositif d’évaluation externe des établissements de santé. Cette procédure obligatoire est réalisée tous les 4 ans. La 5e version de la certification, qui s’appliquera à partir de 2020, sera davantage centrée sur la prise en charge du patient au sens des résultats de santé, tout en étant plus simple dans sa mise en œuvre.
Isolement et contention : un contexte réglementaire qui évolue rapidement
La loi de santé de 2016 a précisé le cadre juridique de l'isolement et de la contention. Elle a rappelé que ce « sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée». De son côté, la HAS a mis à disposition des professionnels différents outils relatifs aux comportements violents en psychiatrie. En 2016, a été publié un outil d'amélioration des pratiques intitulé «Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence dans l’évolution clinique des patients adultes lors des hospitalisations en services de psychiatrie ». Son objectif ? Aider les équipes à renforcer leurs compétences dans la prévention et la prise en charge des moments de violence.
Puis, une recommandation de bonne pratique «Isolement et contention en psychiatrie générale» a été publié en 2017. Cette recommandation avait notamment pour objectifs d’aider la prise de décision dans le choix des soins, d’améliorer et d’harmoniser les pratiques, de réduire les recours inutiles aux mesures d’isolement et de contention, tout en répondant aux exigences cliniques, légales, éthiques et organisationnelles.
Isolement, contention, des pratiques qui ont eu tendance à augmenter
Des données du Rim-P1 avaient montré que les placements en isolement étaient en recrudescence. Ainsi, en 2015, ils concernaient 8,3 % des patients hospitalisés à temps plein en psychiatrie, contre 7,2 % en 2013 et 6,6 % en 2011. Une étude réalisée dans le service des urgences du centre hospitalier Sainte-Anne à Paris2 retrouvait une prévalence d’usage de la contention mécanique de 1,4 %.
Au cours de la conférence, Philippe Laly, chef du service certification des établissements de santé de la HAS, a présenté une analyse menée par le service de certification et par des membres de la Commission de certification sur les rapports de certification de 400 établissements possédant un service de psychiatrie. Sur ces 400 établissements, 166 étaient concernés par des écarts, constatés en visite, ayant trait à l’isolement, à la restriction de liberté ou à la contention.
Un groupe de travail composé d’experts du domaine mobilisé par la HAS s’est prononcé sur le degré d’acceptabilité de ces écarts : « 90 % d’entre eux ne sont pas conformes aux recommandations de bonnes pratiques de la HAS ni du texte de loi, a précisé Philippe Laly. On relève des pratiques que la Commission de certification entend pointer comme non conformes, appelant donc une mobilisation des établissements et des équipes. L’observation de ces situations très éloignées de ce qui est attendu au plan des pratiques professionnelles a conduit la HAS à prendre des décisions lourdesÂÂ en matière de certification ».
Évaluer les pratiques de contention ou d’isolement dans la certification V2020
La nouvelle procédure de certification des établissements de santé intégrera un contenu spécifique à la psychiatrie et à la santé mentale en s’appuyant sur des experts du domaine. Les constats et analyses que nous faisons alimentent nos travaux pour la V2020, a indiqué Philippe Laly. Celle-ci permettra d’aller au plus près des pratiques de terrain, de renforcer la place du patient dans nos évaluations et de placer la pertinence des soins au cœur du sujet.
On s’aperçoit qu’il existe de fortes disparités entre les établissements concernant la contention ou l’isolement d’où la nécessité d’évaluer la manière dont les équipes abordent pluriprofessionnellement le recours à ces pratiques sous l’angle de la pertinence, ainsi que leur niveau d’appropriation des recommandations de bonnes pratiques.
Des outils existent afin d’éviter de recourir abusivement à ces procédés de dernier recours : ils sont efficaces dans la mesure où les professionnels peuvent se les approprier et les mettre en œuvre, en prenant en compte les spécificités et contraintes propres à chaque équipe ».
«La finalité est d’améliorer la prise en charge des patients. Il faut veiller au respect de leurs droits fondamentaux en incitant les soignants à réfléchir en équipes à leurs pratiques, à l’aide notamment des outils pédagogiques mis à leur disposition par la HAS, pour que la contention et l’isolement ne soient utilisées qu’en dernier recours» a conclu le Dr Marielle Lafont, conseillère à la HAS.
Propos recueillis par Citizen press
- Recueil d’information médicalisée en psychiatrie.
- Guedj M.J., Raynaud P., Braitman A., Vanderschooten D. Pratique de la contention dans un service d'urgences psychiatriques. L'Encéphale 2004;30(1):32-9.