26 Avril 2018
|Et si les infirmiers de pratique avancée (IPA) étaient une des solutions ?
Paris, le 24 avril 2018. Vieillissement de la population, baisse de la démographie médicale ou encore difficultés d’accès aux soins sont autant de problématiques à prendre en compte pour améliorer la santé de demain. Et si, parmi les différentes solutions envisagées et envisageables, les infirmiers de pratiques avancée (IPA) tenaient une place de choix ? ReAGJIR, le syndicat qui rassemble et représente les jeunes médecins généralistes (remplaçants, jeunes installés et chefs de clinique), présente cette nouvelle profession dont les contours restent encore à définir.
Les IPA, qu’est-ce que c’est ?
Les Infirmiers de Pratique Avancée (IPA) existent déjà dans plus de 50 pays. En France, ce statut a été instauré en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé mais est encore méconnu du grand public et pour cause : il n’a pas encore de cadre réglementaire.
Il s’agit d’une formation complémentaire de niveau master 2, ouverte aux infirmiers et qui positionne ses détenteurs entre les auxiliaires médicaux et les médecins. «Les infirmiers de pratique avancée forment en quelque sorte le maillon manquant, un «super infirmier» qui aura de nouvelles responsabilités dans la prise en charge du patient.», explique le Dr. Yannick Schmitt, Président de ReAGJIR.
L’idée principale est d’aller plus loin que ce qui existe déjà, à savoir les infirmiers issus du protocole Asalée, qui s’applique aux infirmiers qui exercent en libéral et en équipe au sein de maisons de santé pluriprofessionnelles. Ce protocole leur permet, après une formation spécifique, d’agir par délégation des médecins, quand l’IPA disposera d’une autonomie élargie. Les infirmiers Asalée assurent par exemple déjà le suivi de certains patients diabétiques, en veillant à ce que les examens de suivi soient réalisés régulièrement ou en leur proposant des séances d’éducation thérapeutique.
Concrètement, l’IPA dispose de compétences et d’une autonomie qui lui permettent de prendre en charge certaines pathologies. Cela passe par une prise en charge globale du patient, la possibilité de prescrire certains examens ou de renouveler certains traitements. Ces IPA s’inscriront au sein d’une équipe de professionnels pour une répartition et une réorganisation nouvelles des soins autour du patient, ce qui n’est pas un luxe quand on sait les difficultés d’accès aux soins dans une partie du territoire français.
Bien que ce statut ne soit pas encore officiel dans l’hexagone, le décret devrait sortir d’ici quelques jours – ils sont déjà 300 à être en formation voire déjà en poste pour certains. Alors que peut-on en attendre ?
Des enjeux qui ne sont pas dénués de freins
Aujourd’hui l’attente envers les IPA est double :
- qu’ils soient un lien supplémentaire entre l’infirmier et le médecin,
- qu’ils viennent compléter le panel de l’offre de soins.
Le décret encadrant cette profession, en cours d’écriture, provoque de vives réactions et des désaccords côté infirmier et côté médecin, mais une partie de ces professionnels de santé, infirmiers comme médecins, a réussi à se mettre d’accord sur une vision commune qu’ils partagent dans une tribune publiée ce jour sur lefigaro.fr.
Comme l’explique la tribune, «les infirmiers de pratique avancée ne prendront la place de personne, mais viendront compléter l’offre de soin proposée à la population ». Dans un contexte de désertification médicale et de promotion de l’exercice interprofessionnel, la formation des IPA et leurs capacités à prendre en charge les patients en collaboration avec l’ensemble des professionnels de santé est salutaire. Bien sûr, pour que cela porte ses fruits il est essentiel que le décret encadrant cette nouvelle pratique en définisse les contours autant dans sa pratique en tant que telle que dans l’organisation entre professionnels de santé. «Il incombe aussi aux médecins de laisser aux IPA une véritable place afin qu’ils travaillent en bonne intelligence et le plus efficacement possible.», ajoute Yannick Schmitt.
En ce qui concerne la formation, le plus gros reste à faire puisqu’actuellement il existe uniquement deux cursus de formation en France. «Si nous voulons que les IPA répondent aux problématiques de soins actuelles, il faut commencer par développer des masters dédiés et surtout que tous les infirmiers puissent s’y inscrire : autant ceux qui veulent enchaîner directement après l’obtention de leur licence, que ceux qui exercent déjà et souhaitent compléter leur formation.», explique le Dr. Marie Brosset, Porte-parole de ReAGJIR.
Autre questionnement : les premiers IPA sont appelés à exercer majoritairement à l’hôpital et il ne faudrait pas que la médecine dite «de ville» (exercée en dehors de l’hôpital par des libéraux) soit mise de côté. Ce d’autant que le champ d’exercice des IPA reste aujourd’hui limité à certaines pathologies : l’insuffisance rénale, la cancérologie et huit pathologies chroniques stabilisées (dont le diabète ou l’accident vasculaire cérébral par exemple). «Cette logique organo-centrée ne pourra répondre aux attentes des équipes de soins primaires sur le terrain qui souhaiteraient une plus grande souplesse afin de s’adapter réellement aux besoins de chaque territoire.», ajoute le Dr. Marie Brosset. L’ouverture aux soins primaires est donc indispensable pour contribuer à renforcer l’offre de soins partout où cela est nécessaire. D’autant plus que les besoins en termes de santé et de prise en charge y sont aussi très importants. Quel que soit le lieu d’exercice, la pratique avancée reste un exercice d’équipe où la délégation de tâches cède la place à la collaboration pluridisciplinaire.
Le projet est ambitieux, notamment parce qu’il va au-delà des spécialités de chaque professionnel et crée un nouvel échelon entre les infirmiers et les médecins. «Autonomie», «recherche» et «compétences étendues» sont les maîtres-mots de ce nouveau métier qui, en multipliant le nombre d’interlocuteurs possible, répond avant tout aux enjeux de santé publique.