08 Janvier 2016
|Après le vote en décembre dernier de la loi de modernisation du système de santé qui a sacrifié sur l'autel de l'économie la loi Evin dans son volet traitant de la publicité en faveur des boissons alcooliques, c'est aujourd'hui le projet de loi « Pour une République numérique » qui constitue une nouvelle menace pour la santé publique.
Le projet de loi, qui sera présenté au Parlement à partir du 12 janvier, prévoit en effet avec son article 42 le développement des compétitions de jeux vidéo avec argent en les exemptant des dispositions restrictives applicables aux autres jeux d’argent, comme le poker, les jeux de casinos ou les loteries. Cette décision conduirait à ce que ces jeux et compétitions deviennent largement accessibles sans qu'aucun dispositif d'encadrement ou de régulation ne puisse prévenir les pratiques excessives et leurs conséquences (perte de contrôle, dépenses non maîtrisées, surendettement…).
De plus, le flou de la définition juridique des « jeux vidéo » renforce ce risque en faisant de ces compétitions une porte largement ouverte à tous les jeux d'argent (poker, jeu de grattage ou de casino…) qui pourraient avec un minimum de scénarisation, sortir du système de la régulation.
Alors que la loi se donne pour objectif de « renforcer (le) pouvoir d’agir » des personnes et « leurs droits dans le monde numérique », et de leur offrir une « protection renforcée », le projet, risque donc de les fragiliser par rapport aux puissants lobbys des jeux en ligne. Le caractère très technique du sujet laisse la porte ouverte à des dommages à la hauteur des intérêts financiers en jeu.
Les études relatives aux addictions aux jeux d'argent et de hasard montrent en effet une prévalence en population générale de 2,2 % de joueurs à risque « modéré » et de 0,5 % de joueurs « excessifs », soit plus d'un million de Français, dont 200 000 joueurs excessifs . La régulation des jeux et la prévention de l’addiction est donc un impératif majeur de santé publique.
Il est indispensable qu'une forte régulation soit mise en place pour prévenir les conduites addictives liées aux jeux vidéo, lesquelles se développeront dès lors que des incitations financières et des enjeux de compétition sont ajoutés aux contenus de ces jeux.
L'introduction d'une dimension financière et de compétition dans les jeux vidéo porte en elle-même des risques supplémentaires importants pour les mineurs, de fraudes et de blanchiment d'argent dont les victimes, in fine, sont les personnes les plus vulnérables conduites à s'endetter, voire à la ruine par leur volonté de "se refaire".
L'ANPAA, qui accueille et accompagne nombre de ces personnes devenues dépendantes aux jeux, demande que le gouvernement s'engage fermement et avec ténacité face aux lobbies économiques à préserver la jeunesse et la santé publique au moyen d'une forte régulation accompagnée des contrôles indispensables pour en assurer la pleine application.