La 17ème conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI 2010) s’est déroulée à San Francisco du 16 au 19 février. Parmi les études soutenues par l’ANRS, deux concernaient la vaccination. Elles se sont intéressées à la vaccination des personnes séropositives contre l’hépatite B d’une part, et contre la grippe A/H1N1 d’autre part.



Professeur Delfraissy - Professeur Molina


1. Vaccination contre le VHB : de nouvelles recommandations pour les personnes vivant avec le VIH ?

Voies sanguine, sexuelle et de la mère à l’enfant : le virus du sida (VIH) et celui de l’hépatite B (VHB) partagent des modes de transmission communs. En 2004 en France, on estimait à au moins 50% la proportion des séropositifs infectés ou ayant été en contact avec le VHB, contre 7% dans l’ensemble de la population[1]. En outre, en cas d’infection par le VHB, ils développent plus souvent une forme chronique de la maladie hépatique, qui évolue plus vite vers une cirrhose ou un cancer du foie. De ce fait, la mortalité est plus élevée chez les personnes co-infectées par les deux virus que chez celles atteintes par le seul VIH.

La vaccination contre le VHB est donc fortement recommandée aux personnes vivant avec le VIH. Toutefois, elle ne déclenche une réponse immunitaire que chez 17,5 à 56% des adultes atteints par le VIH, contre 95% dans la population adulte générale (le déficit immunitaire induit par le virus du sida rendrait la vaccination moins efficace). D'où l’intérêt de l’essai ANRS HB03 VIHVAC-B qui a démarré fin juin 2007 et a été mené en France dans 33 centres cliniques du réseau de l’ANRS.

Les chercheurs ont comparé l’efficacité et la tolérance générées par deux schémas vaccinaux alternatifs au schéma standard, sur des adultes représentatifs de la population séropositive vivant dans les pays développés. Un premier groupe de 145 patients a reçu le schéma standard efficace dans la population adulte générale : une première injection intramusculaire de GENHEVAC B® 20 μg[2], puis deux autres injections similaires 4 et 24 semaines plus tard. Un second groupe de 148 patients a reçu un schéma alternatif déjà testé et validé chez les insuffisants rénaux en hémodialyse, une population de malades également immunodéprimée. Il se compose d’une première double injection intramusculaire de GENHEVAC B® 20 μg (soit 40 μg), puis de trois autres doubles injections similaires 4, 8 et 24 semaines plus tard. Enfin, un troisième groupe de 144 patients a reçu un autre schéma alternatif : une première injection intradermique de GENHEVAC B® 4 μg (soit 1/5e de la dose standard), suivie de trois injections similaires 4, 8 et 24 semaines plus tard.

Les résultats sont en faveur du schéma proposé dans le second groupe (4 injections intramusculaires doubles doses) : 82% des patients ont présenté une réponse immunitaire protectrice (mesurée par la production d’anticorps spécifiques). 72% de cette population présente par ailleurs une réponse immunitaire dix fois plus élevée que le seuil protecteur. Les chiffres sont respectivement de 77% et 53% dans le troisième groupe (4 injections intradermiques faible dose) et seulement 65%[3] et 40% dans le premier groupe (schéma standard). En outre, les patients du second groupe ont été plus rapidement protégés : ils étaient déjà 46% après la deuxième injection, contre 27% dans le troisième groupe et seulement 22% dans le premier. Enfin, quel que soit le groupe, aucun effet indésirable grave n’a été enregistré.

Un suivi des patients permettra d’étudier la durée de protection conférée par les trois schémas. Une étape nécessaire car les personnes infectées par le VIH perdent plus facilement les anticorps générés par la vaccination.

« Ces résultats nous permettent d’ores et déjà de suggérer qu’un schéma en quatre injections intramusculaires doubles doses soit discuté par les experts comme nouveau standard de vaccination contre l’hépatite B chez les personnes infectées par le VIH», annonce le Dr Odile Launay, investigateur principal de cet essai (Centre d'investigation clinique de vaccinologie Cochin-Pasteur, Université Paris Descartes, AP-HP, Hôpital Cochin, Inserm).

2. Vaccination des personnes vivant avec le VIH contre la grippe A/H1N1 : plus immunogène avec adjuvant après la première dose

En raison de leur déficit immunitaire, les personnes infectées par le virus du sida seraient plus exposées au risque d’infection grippale. Dans le cas de la grippe A/H1N1, en l’absence de données spécifiques, les experts recommandent deux injections de vaccin avec adjuvant[4] aux adultes atteints par le VIH, contre une seule pour la population adulte générale. Mais est-ce la meilleure stratégie pour cette population ? Une question posée par l’Organisation Mondiale de la Santé à laquelle l’essai ANRS 151 HIFLUVAC lancé fin octobre 2009 par l’ANRS (qui en est le promoteur) et l’Institut thématique multi-organismes « microbiologie et maladies infectieuses » apportent une réponse. « Nous sommes les premiers à comparer l’efficacité et la tolérance générées par une vaccination avec et sans adjuvant chez les adultes séropositifs, précise le Dr Odile Launay, investigateur principal (Centre d'investigation clinique de vaccinologie Cochin-Pasteur, Université Paris Descartes, AP-HP, Hôpital Cochin, Inserm). Si cet essai a pu être mené si rapidement, c’est notamment grâce au réseau des centres cliniques de l’ANRS ».

Un premier groupe de 154 patients vivant avec le VIH a reçu deux doses du vaccin Pandemrix® contenant l’adjuvant[5] AS03A et 3,8 μg de l’antigène (hémagglutinine[6]), à 21 jours d’intervalle ; un second groupe de 152 patients a bénéficié de deux doses de l’équivalent sans adjuvant qui contient uniquement 15 μg d’hémagglutinine, avec le même intervalle d’administration [7]. Les premiers résultats, trois semaines après la première dose, montrent un taux de séroprotection[8] de plus de 90% chez les patients du groupe « vaccin avec adjuvant » et de près de 80% dans l’autre groupe. Dans les deux groupes, aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. Les données obtenues après la seconde injection sont en cours d’analyse. On peut ajouter qu’il n’y a pas eu d’impact du vaccin, ni sur les CD4, ni sur la charge virale VIH dans les deux groupes.

« Cet essai montre tout d’abord que l’adjuvant améliore l’immunogénicité du vaccin contre le virus de la grippe A/H1N1 chez les personnes vivant avec le VIH. Il est par ailleurs bien toléré, tant chez les patients recevant des antirétroviraux que chez ceux qui n’en prennent pas, explique le Dr Odile Launay. Il indique également qu’une seule dose suffit à les protéger de manière efficace.  S’ils se confirmaient, ces résultats pourraient inciter certains pays du Sud à n’utiliser, pour les personnes vivant avec le VIH, qu’une dose du vaccin contre la grippe A/H1N1avec adjuvant. Ils pourraient par ailleurs modifier les stratégies de vaccination des personnes atteintes par le VIH au profit de vaccins avec adjuvant ».


Sources


1. A Randomized Controlled Trial Comparing the Efficacy and Safety of Four Intramuscular Double Doses or Four Intradermal Low Doses with Three Intramuscular Standard Doses of Hepatitis B vaccine in HIV-infected adults : Results of the ANRS HB03 VIHVAC-B Trial

Odile Launay*1, Diane van der Vliet1, Arielle Rosenberg2, Marie-Louise Michel3, Olivier Lortholary4, Nathalie Colin de Verdière5, Laurence Slama6, Lionel Piroth7, David Rey8, Fabrice Carrat9, and ANRS HB03 Trial Group

1Univ Paris Descartes, Cochin Hosp, Inserm, Paris, France~ 2Univ Paris Descartes, Cochin Hosp, Paris, France~ 3Pasteur Inst, Inserm, Paris, France~ 4Univ Paris Descartes, Necker Hosp., Paris, France~ 5Saint-Louis Hsop., Paris, France~ 6Tenon Hosp., Paris, France~ 7Haut Bocage Hosp., Dijon, France~ 8Hôpitaux Universitaires, Strasbourg, France~ and 9Pierre et Marie Curie Univ, Inserm, Saint-Antoine Hosp., Paris, France


2. Immunogenicity of One Dose of Influenza A H1N1v 2009 Vaccine Formulated with and without AS03A-Adjuvant in HIV_ Adults: Preliminary Report of the ANRS 151 Randomized HIFLUVAC Trial

Odile Launay*1, C Desaint1, C Durier2, PLoulergue1, X Duval3, G Pialoux4, J Ghosn5, F Raffi6, J Reynes7, J-P Aboulker2, and Natl Network of Clin Investigation in Vaccinology and ANRS

1Univ Paris Descartes, Ctr for Clin Investigation Vaccinology Cochin- Pasteur, Paris, France; 2INSERM SC10, Villejuif, France; 3Hosp Bichat Claude Bernard, Paris, France; 4Hosp Tenon, Paris, France; 5Hosp Bicetre, Le Kremlin-Bicetre, France; 6Hosp Hotel Dieu, Nantes, France; and 7Hosp Gui de Chauliac, Montpellier, France


1 http://www.invs.sante.fr/publications/2006/prevalence_b_c/vhb_france_2004.pdf

[2] Vaccin contenant des protéines de la surface du VHB. Il a été gracieusement fourni par Sanofi Pasteur MSD. L’industriel n’a pas participé au projet scientifique ni à l’analyse des données.

[3] Ce résultat meilleur que ceux observés au cours des etudes précédentes s’explique principalement par le fait que 80% des patients de l’essai étaient traités par antirétroviraux, avec une charge virale contrôlée.

[4] Pour les séropositifs présentant un taux de lymphocytes TCD4 350, une charge virale non contrôlée et/ou un autre facteur de risque de forme grave.

[5] Composant du vaccin destiné à amplifier la réponse immunitaire avec une dose moindre d’antigène (ici l’hémagglutinine).

[6] Protéine présente à la surface du virus.

[7] Le laboratoire GlaxoSmithKline Biologicals a mis à disposition les deux vaccins de l’étude. L’analyse de la réponse immunitaire a été réalisée par le SC10 Inserm, sur la base des résultats des tests effectués en aveugle par le laboratoire GlaxoSmithKline Biologicals.

[8] Le taux de séroprotection représente le pourcentage de sujets vaccinés ayant un titre en anticorps ciblant l’hémagglutinine ³ 1 :40. Ce titre est généralement considéré comme indicateur et protection contre l’infection.

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