Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l’aide médicale de l’État
				
							
								
					
				
							
								
					
				
					
						
		| 13 Mai 2023

Le Défenseur des droits et le ministère de la santé et de la prévention, représenté par la Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (DREES) et la Direction de la sécurité sociale (DSS) rendent publics les résultats d’une étude réalisée par l’Institut des politiques publiques sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) et de l’aide médicale de l’État (AME), dans trois spécialités médicales : médecine générale, ophtalmologie et pédiatrie. Cette étude s’appuie sur un testing téléphonique réalisé entre mars et septembre 2022 auprès de plus de 3 000 praticiens. Elle fait suite à un premier testing réalisé en 2019 sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’Aide au paiement d’une assurance complémentaire santé (ACS) à l’initiative du Fonds CMU et du Défenseur des droits, et s’inscrit dans le cadre des missions de suivi, d’analyse et d’évaluation de la complémentaire santé solidaire (mise en place en 2019) confiées à la DREES et à la DSS.
Cette étude, menée par une équipe de recherche de l’Institut des politiques publiques, s’appuie sur un testing téléphonique pour laquelle 34 000 appels ont été passés. Elle a été réalisée entre mars et septembre 2022 auprès de plus de 3 000 praticiens. Elle vise à évaluer l’existence de discriminations dans l’accès aux soins des bénéficiaires de la CSS1 et de l’AME2 à l’occasion d’une demande de rendez-vous médical (pour un motif non urgent). La discrimination est mesurée à travers les taux et les délais d’obtention d’un rendez-vous médical auprès des professionnels de santé pour trois profils de patients : bénéficiaires de la CSS, bénéficiaires de l’AME et ceux dits « patients de référence » ne déclarant recevoir aucune de ces deux aides.
Des difficultés de prises de premiers rendez-vous par téléphone
L’étude  montre des difficultés d’accès à un rendez-vous pour tous : seule la  moitié des patients de référence demandant une prise en charge pour un  motif sans caractère d’urgence obtiennent un rendez-vous avec un  généraliste, un ophtalmologue ou un pédiatre. Quatre appels sont  nécessaires, en moyenne, pour parvenir à entrer en contact avec un  cabinet médical. Pour les personnes ayant obtenu un rendez-vous, les  délais proposés sont parfois très longs : si les médecins généralistes  proposent des rendez-vous en moyenne dans les 8 jours, ce délai dépasse  25 jours pour les pédiatres et plus de 55 jours pour les ophtalmologues.
Les chances d’obtenir un rendez-vous médical pour les bénéficiaires de la CSS sont similaires à celles des patients de référence
Les patients bénéficiaires de la CSS obtiennent un rendez-vous médical dans les mêmes proportions que les patients de référence. Ce résultat contraste avec ceux d’études par testing précédentes portant sur l’accès aux soins des bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS. Les bénéficiaires de la CSS font néanmoins face à des refus discriminatoires formulés de façon explicite dans 1 à 1,5 % des cas.
Une discrimination constatée à l’encontre des bénéficiaires de l’AME
Les  résultats de l’étude mettent pour la première fois en évidence des  discriminations envers les bénéficiaires de l’AME qui, en moyenne,  doivent appeler 1,3 fois plus que les patients de référence pour obtenir  un rendez-vous médical. Par rapport aux patients de référence, les  bénéficiaires de l’AME ont entre 14 et 36 % de chances en moins d’avoir  un rendez-vous chez un généraliste, entre 19 et 37 % de chances en moins  chez un ophtalmologue et entre 5 et 27 % chez un pédiatre, et ce quels  que soient le genre et le secteur d’exercice des praticiens.
Une  discrimination envers les bénéficiaires de l’AME observée chez une  minorité de médecins mais souvent pratiquée de manière explicite
Dans  un contexte marqué par des difficultés d’accès aux soins pour tous, les  patients bénéficiaires de l’AME font l’objet de discriminations, qui  constituent un obstacle supplémentaire à l’accès aux soins de ces  publics fragiles. Ces discriminations sont le fait d’une minorité de  praticiens, mais ont une ampleur non négligeable et sont souvent  exprimées de manière explicite : 4 % des demandes de rendez-vous des  patients bénéficiaires de l’AME chez un généraliste se soldent par un  refus discriminatoire explicite, 7 % des appels pour un rendez-vous chez  un pédiatre et 9 % des appels chez un ophtalmologue. Globalement, près  d’un refus de rendez-vous sur dix opposé aux bénéficiaires de l’AME est  explicitement discriminatoire.
Des discriminations qui peuvent s’expliquer par la crainte d’une prise en charge ou de démarches administratives plus complexes
Ces  refus de soins illégaux, manifestes ou déguisés, contreviennent de  manière évidente aux dispositions législatives garantissant un accès  universel aux soins à des publics fragilisés ou précaires, de même qu'à  l'intérêt général en matière de santé publique, puisqu'ils nuisent aux  mesures de prévention et de détection précoce des pathologies ainsi qu'à  leur traitement. 
Cette réticence à l’égard de la prise en charge  des bénéficiaires de l’AME est susceptible de s’expliquer à la fois par  des préjugés selon lesquels la prise en charge de ces patients serait  plus complexe (patients en moins bonne santé, ne maîtrisant pas ou peu  le français, consultations plus longues…) et par l’anticipation de  démarches administratives plus lourdes pour les professionnels de santé  (et les caisses d’assurance maladie) dans la mesure où ces patients ne  bénéficient pas de la carte Vitale.
La  fusion de la CMU-C et de l’ACS ainsi que l’extension du tiers payant,  deux facteurs essentiels de la diminution des refus de soins  discriminatoires à l’issue de la création de la CSS
La fusion de la CMU-C et de l’ACS dans la CSS en novembre 2019 et l’extension de la pratique du tiers payant semblent en revanche avoir permis une simplification de la gestion de la prestation pour les professionnels de santé et participent ainsi à la diminution des refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CSS. Le Défenseur des droits rappelle qu’un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique, est un délit au regard de la loi, et un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale.
Cadre légal et règlementaire concernant les refus de soins discriminatoires
Un refus de soins est discriminatoire lorsqu’un professionnel de santé refuse de recevoir ou traite moins bien un patient sur le fondement de l’un des critères énumérés par l’article 225-1 du Code pénal (origine, état de santé, handicap, orientation sexuelle, particulière vulnérabilité économique, etc.). Un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique, est un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale, et un délit au regard de la loi.
1La  CSS vise à faciliter l’accès à une assurance complémentaire santé pour  les personnes résidant en France de façon stable et régulière et  disposant de faibles ressources financières.
2L’AME  s’adresse aux étrangers en situation irrégulière, résidant en France  depuis au moins 3 mois et disposant de faibles ressources financières.
A propos de la DREES
La  Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des  statistiques (DREES) est le service statistique ministériel dans les  domaines de la santé et du social. Créée par décret en 1998, elle fait  partie du service statistique public. A ce titre, son action s’appuie  sur un engagement déontologique fort reposant notamment sur  l’indépendance, la qualité, le respect du secret statistique,  l’impartialité et l’objectivité.
La DREES intervient également en appui à la conception et à l’évaluation des politiques publiques.
Elle  apporte par ailleurs ses compétences pour développer le partage des  données, algorithmes et codes au sein des ministères chargés de la santé  et des solidarités.
À propos du Défenseur des droits
Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante inscrite dans la Constitution. Son champ de compétence s’étend à la défense des droits des usagers des services publics, la défense et la promotion des droits de l’enfant, la lutte contre les discriminations, le respect de la déontologie des professionnels de la sécurité et l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte. Elle s'est vu confier deux missions : défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et mener des actions de promotion de l'égalité et de l'accès aux droits. À ce titre, le Défenseur des droits conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches.
À propos de la DSS
La Direction de la sécurité sociale (DSS) est une direction d’administration centrale chargée de la conception et du pilotage de la mise en œuvre des politiques publiques en matière de sécurité sociale : assurance maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite, famille, autonomie. Elle dépend à ce jour de plusieurs ministères : le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, le ministère de la Santé et de la Prévention, et le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des personnes handicapées.
À propos de l’IPP
L’Institut des politiques publiques, laboratoire de recherche en économie issu d’un partenariat de recherche entre Paris School of Economics et le Groupe des écoles nationales d’économie et de statistique (GENES), vise à développer la recherche scientifique et l’évaluation dans le domaine des politiques publiques mais aussi à favoriser l’appropriation par les citoyens des termes du débat public. C’est dans ce cadre qu’il publie, via le format des synthèses et/ou des notes, une version plus accessible des travaux de ses chercheurs et des évaluations que ces derniers peuvent mener pour les acteurs publics.






