10 Février 2011
|Des chercheurs français associant l'Université Paris Descartes, le CNRS et l'Inserm au sein de l'Institut Cochin, en collaboration avec la société Mymetics et avec le soutien de l’ANRS, ont développé un candidat-vaccin contre la transmission sexuelle du VIH chez des macaques femelles. Cinq singes, vaccinés par voies nasale et intramusculaire, ont été protégés contre l’infection par le VIH par voie vaginale. Ce candidat-vaccin est le fruit de quinze années de recherche sur l’entrée du virus dans l’organisme et sur l’immunité locale au niveau des muqueuses. L’approche est nouvelle : elle consiste à induire la production d’anticorps spécifiques de la surface du virus au niveau des muqueuses génitales, mimant le phénomène observé dans une population de femmes naturellement immunisées contre le VIH et qui résistent à l’infection. Ces travaux sont publiés online dans la revue Immunity du 10 février 2011.
Les pistes de recherche habituellement poursuivies ont pour objectif d’induire la production d’anticorps sanguins et/ou de cellules tueuses contre le VIH. L’originalité du candidat-vaccin développé par les chercheurs est d’induire la production d’anticorps au niveau des muqueuses, qui soient capables de prévenir très tôt l’infection par voie muqueuse, c'est-à-dire avant la multiplication du virus et sa dissémination dans le sang. Cinq macaques femelles (Macaca mulatta) ont été vaccinées par voies intramusculaire et nasale. Six mois plus tard, elles ont été exposées de façon répétée (13 fois) au VIH par inoculation vaginale. Les cinq animaux se révèlent protégés du développement de l’infection et restent séronégatifs, six mois après la dernière infection par le VIH.
« L’analyse comparative des anticorps induits par la vaccination dans le sang et au niveau des muqueuses montre que ce sont seulement les anticorps muqueux spécifiques de la surface du virus -aussi bien IgG que IgA- qui permettent de protéger les macaques de l’infection par voie muqueuse. Ce type d’anticorps a été décrit comme un corrélat de la protection chez des femmes résistant à l’infection malgré des rapports sexuels non protégés et qui seraient donc naturellement 10 février 2011 immunisées. Cela permet de penser que notre candidat-vaccin simule ce type de réponse naturelle », explique Morgane Bomsel.
Pour élaborer ce candidat-vaccin, les chercheurs ont étudié la protéine transmembranaire Gp41 de l’enveloppe du VIH. Il s’agit de la partie de l’enveloppe virale variant le moins parmi toutes les souches virales du sida. Gp41 contrôle, à la fois, l’entrée du virus dans les cellules de la muqueuse et l’infection d’une famille de lymphocytes T, les principales cellules cibles du VIH. Pour favoriser l’induction d’anticorps neutralisants lors de l’immunisation, les autres parties de l’enveloppe du VIH, non-neutralisantes, ont été retirées du candidat-vaccin.
Le vecteur vaccinal de ce candidat-vaccin ou virosome est utilisé depuis plus de 10 ans dans plusieurs candidat-vaccins destinés à l’Homme. Grâce à sa surface lipidique mimant la surface du virus, ce virosome permet aux antigènes de Gp41 d’adopter une structure similaire à celle qu’ils ont in situ. Cela favorise l’induction d’anticorps neutralisants lors de la vaccination. « En plus d’une réponse immune de type humorale (c'est-à-dire liée à la production d’anticorps) anti-VIH puissante au niveau des muqueuses, sans avoir besoin d’une réponse cellulaire cytotoxique, le vaccin fonctionne relativement bien in vitro contre les sous-types B et C du VIH, responsables de 95% des cas aux Etats-Unis, en Europe et en Inde. Ce succès est prometteur », indique Morgane Bomsel.
« Cependant, il reste beaucoup de travail à réaliser. Il existe plusieurs limites à ces résultats : le vaccin n’a été testé que sur des singes femelles. Il protège d’une infection vaginale non traumatique, ne reflétant pas nécessairement la réalité. Reste donc à étudier le vaccin chez des mâles et à voir son efficacité contre d’autres voies d’infection sexuelles (rectum, tractus oro-uro-génital). Enfin, il faut poursuivre cette étude, notamment quant à la durée de la réponse immunitaire protectrice », conclut Morgane Bomsel
En tout état de cause, comme l’a récemment souligné le Pr Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine, les modèles animaux montrent leur pertinence dans les recherches visant à développer des candidats-vaccins.
Ce travail a été rendu possible grâce au financement de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), SIDACTION – Ensemble contre le sida et la fondation pour la recherche médicale (FRM) et réalisé en collaboration avec la société américaine Mymetics (Nyon, Suisse).
Publication :
Immunization with HIV-1 gp41 Subunit Virosomes Induces Mucosal Antibodies Protecting Nonhuman Primates against Vaginal SHIV Challenges
Morgane Bomsel1,2,3,* Daniela Tudor1,2,3 Anne-Sophie Drillet1,2,3 Annette Alfsen1,2,3 Yonatan Ganor 1,2,3, Marie-Gaëlle Roger4 Nicolas Mouz4, Mario Amacker5, Anick Chalifour6, Lorenzo Diomede7, Gilles
Devillier8, Zhe Cong9, Qiang Wei9, Hong Gao9, Chuan Qin9, Gui-Bo Yang10, Rinaldo Zurbriggen5,11, Lucia Lopalco7 and Sylvain Fleury6
1Mucosal Entry of HIV-1 and Mucosal Immunity, Cell Biology and Host Pathogen Interactions Department, Cochin Institute, CNRS (UMR 8104), 22 rue Me´ chain, 75014 Paris, France
2INSERM U1016, 75014 Paris, France
3Paris Descartes University , 75006 Paris, France
4PX’Therapeutics, 38040 Grenoble Cedex 9, France
5Pevion Biotech Ldt, CH-3063 Ittigen/Bern, Switzerland
6Mymetics Corporation, CH 1066 Epalinges, Switzerland
7San Rafaele Institute, 20127 Milan, Italy
8BD Medical-Pharmaceutical Systems, 38801 Le Pont de Claix, France
9Institute of Laboratory Animal Science, Chaoyang District, Beijing 100021, People’s Republic of China
10National Center for AIDS/STD Control and Prevention, Chinese Center For Disease Control and Prevention, Beijing 100050, People’s Republic of China
11Present address: Lonza AG, CH-3930 Visp, Switzerland
Immunity 34, 1–12, February 25, 2011
DOI 10.1016/j.immuni.2011.01.015