| 22 Novembre 2013
Éradiquer  le VIH de l'organisme demeure inaccessible. En raison notamment de  stocks de virus cachés dans des cellules du système immunitaire : les  macrophages. L'équipe de Philippe Benaroch vient de montrer qu'il  était possible, grâce à des anticorps, de bloquer la libération de ces  ''troupes ennemies'' des compartiments internes où elles sont  regroupées. Cette découverte, publiée à la une de la revue Journal of Experimental Medicine, ouvre un nouveau front dans la bataille contre le virus du sida. 
 
 De mortelle, le sida est devenue une maladie chronique qui impose  des traitements à vie. Car même si les trithérapies éliminent l'immense  majorité des virus, certains restent  ''tapis'' au sein de cellules  immunitaires : dans des lymphocytes T et dans les  macrophages. Signifiant ''gros mangeurs'' en grec, les macrophages  avalent et détruisent les débris cellulaires et les microbes pathogènes  dans notre corps. Mais le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est  capable d'y rentrer, de s'y multiplier et d'y  constituer des réservoirs de particules de virales. Stockées dans des  compartiments internes, ces  particules sont difficilement accessibles  aux médicaments antiviraux et aux attaques du système immunitaire. De  plus, contrairement aux lymphocytes T qui meurent  quelques jours après avoir été infectés, les macrophages sont beaucoup  plus résistants à la présence ennemie en leur sein : ils peuvent  héberger le VIH pendant des mois, voire des années. 
 
 En  suivant le devenir de macrophages avant et après infection par le VIH,  une équipe du laboratoire immunité et cancer (Inserm/Institut Curie)  montre dans une publication de Journal of Experimental Médicine que ces compartiments internes, dans lesquels les virus s'accumulent, préexistent à l'infection. « Cela pourrait expliquer le rôle particulier des macrophages en tant que réservoirs du VIH » souligne Philippe Benaroch qui a mené l'étude. Mais à quoi servent donc ces compartiments hors période d'infection ? « On ne le sait pas encore, cela a sans doute un lien avec la fonction «  d'éboueur » des macrophages. Certains récepteurs caractéristiques  de cette fonction sont concentrés au niveau de ces compartiment et plus  spécialement le récepteur CD36 » explique l’immunologiste. 
 
 Or  en exposant des macrophages infectés à des anticorps anti-CD36, les  chercheurs ont réussi à empêcher la libération des virus hors des  macrophages infectés. « Les anticorps pénètrent et  atteignent les compartiments internes où ils piègent les particules  virales en se liant aussi bien aux récepteurs CD36 présents sur leur  enveloppe que sur ceux des compartiments » explique Philippe Benaroch. Résultat : tout le monde se trouve emmêlé et plus rien ne bouge ! Et le chercheur d'ajouter : « le VIH est assez fragile  et l'effet des traitements anticorps assez long. Si les particules  virales sont piégés pendant quelques temps dans les compartiments, nous  pensons qu'ils perdront leur pouvoir infectieux ». Un brevet a d'ailleurs été déposé. Face au VIH, « le champion du monde pour l'apparition de mutations », mieux vaut avoir plusieurs armes dans son attirail.
 
 Macrophages & cancer
 Ces travaux constituent aussi un pas en avant dans la compréhension  du fonctionnement de notre système  immunitaire. Présents dans tous les  tissus, même dans le cerveau, les macrophages joueraient aussi un rôle  dans la croissance de certaines tumeurs. Certaines  semblent ''recruter'' les macrophages pour stimuler leur développement.  
 Référence
 ''CD36-specific antibodies block release of HIV-1 from infected primary macrophages and its transmission to T cells''
 S. Berre et coll. J Exp Med, novembre 2013, PMID: 24145510 
 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24145510