Écrit par Ministère de la Santé			
				
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				07 Octobre 2013			
			
				
		
				
				
		
Intervention de Marisol Touraine Ministre des Affaires sociales et de la Santé
Monsieur le président,
Madame la présidente de la commission des Affaires sociales,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et messieurs les députés,
C’est avec une grande 
fierté que je présente aujourd’hui ce projet de loi garantissant 
l’avenir et la justice de notre système de retraite.
La grandeur de la politique, c’est de donner du sens à l’action collective.
 Pour être à la fois juste et efficace, notre réforme doit s’inscrire 
dans notre histoire, marquée par l’attachement profond des Français à 
notre pacte social, et elle doit en même temps permettre de relever les 
défis d’aujourd’hui. En ouvrant de nouveaux droits sociaux pour les 
travailleurs, comme la prise en compte de la pénibilité, nous reprenons 
le flambeau des conquêtes sociales passées et nous renouons avec 
l’ambition d’un modèle de cohésion qui a forgé l’identité de notre pays. Aujourd’hui, nous montrons qu’une réforme des retraites peut être porteuse de progrès social et de droits nouveaux. 
La retraite, c’est d’abord un rempart contre l’incertitude. Elle est un droit inaliénable qui garantit à tous les retraités de ne plus être les victimes de la grande pauvreté et « d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » (Préambule de la Constitution 1946). Elle est un droit universel qui a effacé de notre paysage national la figure du « vieillard indigent ». Elle protège et empêche de basculer dans la précarité.
La retraite, 
c’est aussi la promesse faite à chaque Français, qu’après une vie de 
travail, il y a une vie libérée des contraintes du temps.
 C’est la garantie que la fin de la vie active n’est pas le début d’une 
vie sans activité, mais bien l’opportunité proposée à chacun de 
participer autrement à la construction de notre nation. C’est la 
possibilité donnée à tous nos concitoyens d’exercer une autre forme de 
liberté, de suivre cette « ligne de vie et d’espoir »
 (P. Mauroy), d’inventer un nouvel âge, désormais pleinement vécu, plus 
souvent attendu que redouté, celui des loisirs, de la famille, de la 
transmission, de l’engagement associatif…
La retraite, enfin, est un puissant facteur d’égalité.
 C’est notre système par répartition qui a permis de rapprocher le 
niveau de vie de nos âgés de celui des actifs occupés. Aujourd’hui, nul 
n’est plus obligé de choisir entre travailler jusqu’à la fin de ses 
jours ou dépendre de ses enfants. Nul n’est plus obligé d’être bien né 
ou fortuné pour vivre ses dernières années dans la dignité. La retraite 
est et doit rester le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, si nous 
voulons que continue de briller la flamme du pacte social et 
républicain.
Car tout cela, nous le 
devons à notre système de retraite par répartition, voulu à la 
Libération par le Conseil National de la Résistance. Le génie de ces fondateurs est d’avoir créé un modèle en phase avec la société d’après-guerre. Mais
 c’est aussi d’avoir forgé des valeurs universelles, inaltérables, 
immuables, que nous devons consolider et transformer, afin de mieux les 
transmettre.
1. Alors que
 face aux nouveaux défis s’élèvent des voix pour contester notre 
protection sociale et prôner le chacun pour soi de la capitalisation, je
 veux ici réaffirmer avec force mon attachement profond, et celui de 
tout le gouvernement, à notre système de retraites par répartition. 
Cet attachement n’est pas la marque de l’immobilisme car l’immobilisme serait le plus sûr chemin vers l’abandon. Face à l’attentisme des uns et au renoncement des autres, il y a une autre voie :
 celle d’une gauche déterminée, résolument fidèle aux principes qui nous
 ont permis d’assurer aux Français un haut niveau de protection, et 
résolument tournée vers l’avenir pour garantir aux générations qui 
s’engagent dans la vie active qu’elles pourront à leur tour prétendre à 
cette solidarité collective.
La responsabilité du gouvernement, c’est de regarder les choses en face, avec lucidité et de dire la vérité à nos concitoyens : aujourd’hui, nous devons agir pour garantir notre système de retraites par répartition. La
 réforme que nous engageons n’obéit à aucune injonction extérieure, elle
 répond à l’exigence que nous, femmes et hommes de gauche, portons pour 
notre système social. C’est ainsi que, dès sa formation, le gouvernement
 a annoncé qu’une réforme s’imposait, et qu’il a sans attendre répondu 
aux injustices les plus criantes nées des décisions du précédent 
gouvernement. C’est le sens du décret que j’ai signé dès juillet 2012 et qui a d’ores et déjà permis à plus de 50 000 personnes, ayant commencé à travailler tôt, de partir à 60 ans. A terme, 100 000 personnes seront concernées.
La responsabilité du gouvernement, c’est aussi de répondre avec ambition aux transformations de notre société. D’abord
 bien sûr, et c’est une chance formidable, l’allongement de l’espérance 
de vie. Les générations du baby-boom vivent plus longtemps. En 2000, la 
France comptait 4 retraités pour 10 actifs ; aujourd’hui, ce sont 5 
retraités pour 10 actifs ; en 2035, il y aura 7 retraités pour 10 
actifs. Cet allongement sans précédent de l'espérance de vie devrait continuer d'augmenter d'une année tous les 10 ans, jusqu’en 2060. Dans le même temps, la
 natalité de notre pays est parmi les plus élevées d’Europe : elle 
atteint en France 2 enfants par femme contre 1,4 en Allemagne. Ce 
dynamisme démographique est un atout d’avenir et de confiance majeur, mais il ne nous exonère pas de notre responsabilité immédiate. 
Nous vivons plus longtemps, et les conditions de vie et de travail se sont diversifiées.
Il y a 70 ans, la grande
 majorité des enfants quittait l’école à 14 ans pour travailler. Les 
femmes s’occupaient de la vie domestique, elles devaient demander une 
autorisation à leur mari pour exercer un métier ou pour gérer leur 
propre compte bancaire. Les couples ne divorçaient pas. Les salariés 
entraient dans une entreprise après leurs études et la quittaient quatre
 décennies plus tard.
Ce « monde d’hier » a disparu et qui peut le regretter ? 
En ignorant ces nouvelles réalités et en limitant la question des retraites à de simples ajustements comptables, la droite a laissé l’injustice surgir et s’enraciner. Nous avons construit notre système de retraite par répartition pour garantir à tous une fin de vie digne. Nous devons désormais l’adapter pour permettre à chacun que les aléas nés de la carrière professionnelle ou de la vie personnelle soient pris en compte. A
 ce jour, aucune réforme n’a eu la volonté, ou l’audace, de prendre en 
compte cette réalité simple : nous ne pouvons tous partir en retraite 
dans les mêmes conditions.
Les jeunes ont 
été les grands oubliés des réformes précédentes. Ils sont les premiers à
 avoir perdu confiance, à ne plus croire en notre système par 
répartition. Ils sont de plus en plus nombreux
 à faire le choix de l’apprentissage, à travailler en même temps qu’ils 
étudient, à suivre des stages longs. Leur entrée dans la vie active est 
pour beaucoup un parcours du combattant. Ils ne connaîtront pas les 
carrières linéaires qui assuraient à leurs parents la certitude d'une 
retraite complète. C’est donc à la jeunesse, que notre projet de loi 
s’adresse en priorité, parce que c’est à elle qu’il faut redonner 
confiance dans l’avenir de notre système de retraites.
Nous devons ensuite répondre à la plus grande des injustices, l’inégalité face à la vieillesse. Les situations de pénibilité au travail concernent chaque année près d’un salarié sur cinq.
 Leur état de santé en sera affecté de manière irréversible. Nous ne 
pouvons pas demander à un ouvrier de partir à la retraite dans les mêmes
 conditions qu’un cadre, alors que son espérance de vie reste inférieure
 de 6 ans. Nous ne pouvons pas davantage accepter que les salariés précaires d’aujourd’hui deviennent demain des retraités sacrifiés. 
Les femmes, enfin, perçoivent des pensions qui restent inférieures d’un tiers à celles des hommes.
 Parce qu’elles occupent les emplois les plus précaires, les moins 
qualifiés et les moins bien rémunérés. Parce qu’elles subissent 
massivement le temps partiel. Parce qu’elles sont les premières à 
sacrifier leur vie professionnelle à leur vie familiale. Notre système de retraites ne pourra à lui seul réduire ces inégalités et cela n’est d’ailleurs pas sa vocation. Le combat pour l’égalité doit se mener tout au long de la vie. C’est
 la bataille pour l’emploi et pour l’égalité salariale. C’est l’ambition
 d’un meilleur partage des responsabilités familiales. Pour autant, nous ne pouvons pas accepter que nos régimes de retraites entretiennent ou même accentuent de telles injustices.
La lutte contre
 les injustices est au cœur de notre projet. Mais elle sera vaine si 
nous ne relevons pas le défi financier auquel sont confrontés nos 
régimes de retraite. Les 
réformes qui ont émaillé les vingt dernières années n’ont pas garanti la
 pérennité de notre système. Faut-il le rappeler ? Il y a trois ans à 
peine, alors que la crise était déjà là, Eric WOERTH promettait « zéro déficit en 2018 ».
 Le précédent président de la République déclarait : « avec cette loi, 
notre régime de retraite par répartition est sauvé (…) les Français sont
 désormais assurés qu’ils pourront compter sur leur retraite ».
Aujourd’hui, le constat est là, implacable : si nous n’agissons pas, le déficit atteindra 20 milliards d’euros en 2020, et plus de 26 mds en 2040. Les
 périodes de crise ne doivent jamais servir d’alibi pour affaiblir les 
protections collectives : face à ceux qui prônent la privatisation et 
les fonds de pensions, nous voulons garantir que notre modèle social ne 
servira pas de variable d’ajustement. 
2. Pour faire face à ses responsabilités, le gouvernement a fait le choix d’une longue concertation.
Ce projet de loi, nous ne l’avons pas imposé par la force ou la brutalité. Nous avons consulté, concerté et dialogué. Cette méthode, c’est notre manière de gouverner. Le
 président de la République s’y est engagé avec force : nous ne pouvons 
faire des choix majeurs pour l’avenir de notre pays sans faire vivre 
notre démocratie sociale.
Cette réforme 
est donc l’aboutissement d’une longue période de concertation et 
d’échanges, entamée dès la Grande Conférence sociale de l’été 2012.
 Concertation et échanges, avec les représentants des salariés, des 
agents publics et des entrepreneurs de notre pays. Leurs contributions 
ont été précieuses.
Notre méthode a
 fait ses preuves. Il y a trois ans, des millions de Français se sont 
opposés à une réforme brutale et non concertée. Aujourd’hui encore, le
 président du principal parti d’opposition explique qu’une fois revenu 
au pouvoir, il réformerait la France en moins de six mois à coups 
d’ordonnances !
La 
concertation, la volonté d’une réforme porteuse d’avancées sociales 
historiques, ont permis de rassembler. A tel point qu’après m’avoir 
demandé si je ne redoutais pas un automne explosif, on m’interroge pour 
savoir s’il ne fallait pas aller plus loin ! Mais plus loin pour faire 
quoi ? La droite a tellement imposé l’idée que réformer signifiait 
brutaliser, elle a tellement distillé le sentiment que nos retraites 
étaient condamnées, que l’on en oublie la réalité des défis financiers à
 relever.
20 milliards en 2020, 26 milliards en 2040. Et ces défis, nous les relevons.
3. Notre projet de loi permettra de garantir la pérennité financière de notre système de retraites.
Nous avons retenu trois principes.
D’abord, nous inscrire dans un horizon long, pour rompre avec les tentatives de colmatage et de rafistolage passées. 2040, cette date est l’horizon de notre réforme, parce que c’est en 2040 que
 les jeunes actifs, qui ont aujourd’hui 35 ans, atteindront l’âge de la 
retraite. Il est indispensable de leur offrir davantage de visibilité, 
de stabilité, de définir dès aujourd’hui les conditions dans lesquelles 
ils pourront partir à la retraite. C’est la condition de la confiance.
Le 2ème principe qui nous a guidés est celui du respect des projets de ceux qui s’apprêtent à partir en retraite. Nous
 n’avons pas voulu bouleverser les conditions de départ pour les 
prochaines années, ce qui nous a amenés à ne mettre en œuvre 
l’allongement de la durée de cotisation qu’à partir de 2020. Sinon, ce 
seraient les mêmes Français qui ont subi le choc de la dernière réforme 
qui seraient concernés.
Enfin, le 3ème principe
 qui nous a menés est celui d’une mobilisation de l’ensemble des 
composantes de notre société, parce qu’il s’agit de rénover notre pacte 
social et que personne ne peut prétendre s’appuyer sur ce pacte sans y 
contribuer. Toutes les générations contribueront donc, tous les acteurs 
économiques et tous les régimes, les régimes spéciaux comme ceux du 
public et du privé. 
Jusqu’en 2020, d’abord, des mesures immédiates de redressement répondent à l’urgence.
Les entreprises et les actifs
 verront leurs cotisations croître de façon mesurée et progressive, de 
0,15% en 2014 puis de 0,05% par an pour atteindre +0,30% au total en 
2017. Cela représentera un effort de 2,15€ par mois pour un salarié 
gagnant le SMIC l’année prochaine, 3,50€ pour celui qui gagne 2500€.
Les retraités 
seront également appelés à contribuer, puisque la revalorisation de leur
 pension, à l’exception de l’ASPA, interviendra le 1er octobre 2014 et non le 1er avril. C’est un effort ponctuel, puisque
 leur retraite sera ensuite revalorisée normalement, chaque année. C’est
 un effort limité, qui représentera quelques euros par mois pendant 6 
mois. C’est un effort responsable, puisque les retraites ne baisseront pas.
Ces 
contributions représentent un effort pour chacun, il ne s’agit pas de le
 nier. Mais cet effort a un sens : permettre de payer nos pensions sans
 recourir systématiquement à l’emprunt ; il a un objectif : cesser de 
faire peser sur les générations futures le poids de l’indécision du 
passé ; il a une ambition : ouvrir de nouveaux droits aux salariés 
d’aujourd’hui.
A partir de 
2020, le relais sera pris par l’allongement de la durée de cotisation 
qui sera progressivement portée à 43 ans en 2035.
Si 
l’augmentation de la durée de cotisation est juste, c’est parce qu’elle 
est en phase avec l’allongement de l’espérance de vie : lorsqu’on vit 
plus longtemps, il est normal de travailler un peu plus longtemps.
 La durée de cotisation augmentera d’un trimestre tous les 3 ans, et 
cette règle sera désormais inscrite dans la loi. Ainsi, les jeunes 
générations bénéficieront d’une durée de retraite au moins égale à celle
 de leurs aînés. Cette durée sera même de deux ans plus longue pour les 
jeunes de 25 ans aujourd’hui, d’une année pour ceux de 35 ans. 
Désormais, la durée de cotisation devient le socle de notre système et le principal critère d’arbitrage pour les salariés. 
 En la portant à 43 ans à l’horizon 2035 pour tous, salariés, 
fonctionnaires et agents des régimes spéciaux, nous prenons acte de la 
diversité des parcours professionnels et du fait que certains ont commencé à travailler tôt.
Nous privilégions ainsi une vision de long terme. 
Porter une vision de long terme, c’est aussi en finir avec la navigation à vue qui a nourri la défiance des Français. L’instauration d’un mécanisme de pilotage constitue une innovation majeure.
 Ce dispositif s’appuiera sur le Conseil d’Orientation des Retraites mis
 en place en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin et sur un nouveau
 Comité de surveillance des retraites, que vous avez souhaité rebaptiser
 comité de suivi, dont les recommandations seront un élément essentiel 
du débat public et permettront de suivre les équilibres financiers et 
sociaux de nos régimes. Pour faire face à d’éventuelles difficultés 
ponctuelles, le comité pourra recommander des transferts du Fonds de 
réserve des retraites. Cette procédure de suivi doit contribuer à dédramatiser les débats sur les retraites.
4. 
L’objectif de réduction des déficits est décisif, mais il ne peut 
constituer un projet de société. Il nous revient aujourd’hui de renouer 
avec le sens du progrès, afin de préserver la solidarité qui est au cœur
 de notre système.
Désormais, 
notre système de retraites tiendra compte de la diversité des parcours 
professionnels et de leur impact sur l’espérance de vie :
 le port de charges lourdes dans les métiers du bâtiment ou de la 
manutention, l’exposition au bruit, à des températures élevées, à des 
produits dangereux, le travail de nuit, qui touche de plus en plus de 
femmes…
En 2010, la droite connaissait cette réalité et elle l’a ignorée.
 Rien n’a été fait pour avancer sur le terrain des droits sociaux. Vous 
vous étiez ainsi contentés d’un leurre : mettre en place un dispositif 
médicalisé et individualisé, qui n’a concerné à ce jour que 6000 
personnes, alors que les situations de pénibilité concernent plus de 3 
millions de Français !
Dix critères de pénibilité ont été identifiés et élaborés par les partenaires sociaux. A partir du 1er janvier 2015, chaque Français exposé à l’un de ces facteurs se verra doté d’un compte de prévention de la pénibilité
 lui permettant de cumuler des points. Un trimestre d’exposition vaudra 
un point, lorsque le salarié sera exposé à au moins deux facteurs de 
pénibilité, il sera crédité pour la même période de deux points. 
Le compte pénibilité
 doit permettre en priorité aux salariés de faire le choix  de 
réorienter leur carrière grâce à la formation. C’est pour cela que les 
20 premiers points du compte, ne pourront être utilisés qu’à cette fin. 
Au-delà, le salarié pourra bénéficier de temps partiel rémunéré à temps 
plein ou se voir valider jusqu’à 8 trimestres pour le calcul de sa 
retraite. Pour permettre aux salariés proches de la retraite de 
bénéficier aussi de cette avancée sociale, des règles transitoires 
seront aménagées. Vous avez amélioré le dispositif prévu en souhaitant 
que les salariés de 52 ans et plus (et non 57 ans et plus) ne soient pas
 contraints de transformer leurs points en formation, mais puissent 
bénéficier de retraite anticipée ou de temps partiel. 
Ce compte sera financé par les entreprises, car ce doit être une incitation pour elles à aménager leurs conditions de travail. Nous allons travailler en 2014 pour mettre en place un dispositif que je veux simple, accessible et pratique. 
Notre réforme comporte également une avancée sociale majeure pour les femmes.
 Elle leur permettra de valider l’intégralité de leurs congés de 
maternité, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas, aussi stupéfiant cela 
puisse-t-il paraître ! Les femmes sont par ailleurs les premières 
victimes du temps partiel : à l’avenir, 150 heures de travail rémunérées
 au Smic suffiront à valider un trimestre, contre 200 heures 
actuellement. Concrètement, cela signifie qu’une femme à temps partiel 
pourra valider quatre trimestres de retraite, dès lors qu’elle aura 
travaillé 12 heures par semaine pendant une année. Au-delà, le 
gouvernement a exprimé sa volonté de revoir notre système de droits 
familiaux de manière à ce qu’ils bénéficient davantage aux femmes.
Les jeunes 
sont confrontés aux difficultés croissantes d’entrée dans la vie active.
 Je veux rappeler que, contrairement à ce que j’entends parfois, l’âge 
moyen du début de la carrière est de 22 ans. 
Répondre aux aspirations des jeunes, c’est d’abord garantir aux 400 000 apprentis
 actuellement en formation, que tous leurs trimestres de travail en 
alternance seront validés. C’est ensuite faciliter la validation des 
périodes de chômage non indemnisé pour ceux qui connaissent des périodes
 de chômage ou de travail précaire. C’est encore permettre à tous ceux 
qui travaillent pour financer leurs études de valider plus facilement 
ces périodes grâce à la réduction du seuil de validation d’un trimestre.
 Enfin, nous proposons à tous ceux qui ont obtenu un diplôme après le 
baccalauréat de valider jusqu’à quatre trimestres en cotisant à un tarif
 préférentiel dans les années qui suivent leur diplôme. Vous avez 
exprimé le souhait que des périodes de stage puissent bénéficier de 
règles favorables, et le gouvernement sera attentif à vos propositions, 
dès lors que les principes que j’ai posés en commission seront 
respectés : pas de validation sans cotisation, pas de banalisation des 
stages au regard des contrats de travail.
La justice, c’est également prendre en compte la situation des personnes handicapées, ainsi que celle de leurs aidants, dont l’engagement est encore trop peu reconnu :
 les premiers auront demain plus facilement accès à la retraite 
anticipée et pourront bénéficier plus rapidement d’une retraite à taux 
plein. Pour les seconds, nous faisons en sorte que le temps passé auprès
 d’un proche en situation de handicap soit mieux pris en compte au 
moment de la retraite grâce à la création d’une nouvelle majoration 
d’assurance. Nous ouvrons l’accès à l’assurance vieillesse des parents 
aux foyers, quelles que soient leurs ressources, ce qui garantira aux 
aidants familiaux une continuité dans leurs droits à retraite.
Notre projet s’adresse enfin au monde agricole. Les plus faibles pensions de notre pays sont celles des agriculteurs. Cette situation exigeait une réponse forte. Les
 plus modestes des chefs d’exploitation verront, d’ici à 2017, leurs 
pensions portées à 75% du Smic. Les retraites des femmes d’exploitants 
seront aussi significativement améliorées.
5. Enfin, le
 manque de transparence et de lisibilité de notre système de retraite 
entretient la défiance de nos concitoyens. C’est pourquoi j’ai tenu à ce
 que la réforme simplifie la retraite pour les Français.
Oui, notre système est complexe et nos régimes de retraite sont nombreux. Mais cette complexité est le fruit de l’histoire
 et du souhait d’adapter chaque régime aux réalités des différents 
métiers. Les Français réclament une clarification des règles, une 
simplification des démarches et une transparence accrue des dispositifs.
A l’avenir, chaque Français aura son compte individuel de retraite,
 qui lui permettra de suivre l’évolution de ses droits et de faciliter 
l’ensemble de ses démarches. Les règles de calcul et le versement des 
pensions seront unifiés pour les polypensionnés, afin qu’ils ne soient 
plus pénalisés dans leur retraite. 
Nous avons été, une fois
 encore, pragmatiques. C’est ce que les Français attendent de nous et 
c’est ainsi que nous rétablirons la confiance.
Depuis 70 ans, tout a changé : la vie avant, pendant et après le travail.
La loi ne peut ignorer ces transformations profondes de notre société.
Mesdames et messieurs les députés,
Certains veulent 
sacrifier les droits sociaux sur l’autel de la crise. La pérennité de 
notre système social appelle de l’audace. Le texte dont nous allons 
débattre dépasse largement la seule question de l’avenir de nos 
retraites. Il emporte la question de la pérennité de notre modèle social tout entier, et donc de notre cohésion démocratique. 
La crise ronge inlassablement les piliers de notre république sociale.
 C’est à vous qu’il revient aujourd’hui de les fortifier et de les 
adapter aux temps nouveaux pour mieux les enraciner dans l’avenir. Votre
 responsabilité est immense parce que vous êtes les gardiens du lien qui
 unit toutes les générations, les protecteurs de notre vivre-ensemble.
Intervention de Marisol Touraine
Ministre des Affaires sociales et de la Santé
Examen du projet de loi sur les retraites – 1ère lecture – Assemblée nationale
Lundi 7 octobre 2013.
Monsieur le président,
Madame la présidente de la commission des Affaires sociales,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et messieurs les députés,
C’est avec une grande fierté que je 
présente aujourd’hui ce projet de loi garantissant l’avenir et la 
justice de notre système de retraite.
La grandeur de la politique, c’est de donner du sens à l’action collective.
 Pour être à la fois juste et efficace, notre réforme doit s’inscrire 
dans notre histoire, marquée par l’attachement profond des Français à 
notre pacte social, et elle doit en même temps permettre de relever les 
défis d’aujourd’hui. En ouvrant de nouveaux droits sociaux pour les 
travailleurs, comme la prise en compte de la pénibilité, nous reprenons 
le flambeau des conquêtes sociales passées et nous renouons avec 
l’ambition d’un modèle de cohésion qui a forgé l’identité de notre pays. Aujourd’hui, nous montrons qu’une réforme des retraites peut être porteuse de progrès social et de droits nouveaux. 
La retraite, c’est d’abord un rempart contre l’incertitude. Elle est un droit inaliénable qui garantit à tous les retraités de ne plus être les victimes de la grande pauvreté et « d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » (Préambule de la Constitution 1946). Elle est un droit universel qui a effacé de notre paysage national la figure du « vieillard indigent ». Elle protège et empêche de basculer dans la précarité.
La retraite, c’est aussi la promesse 
faite à chaque Français, qu’après une vie de travail, il y a une vie 
libérée des contraintes du temps.
 C’est la garantie que la fin de la vie active n’est pas le début d’une 
vie sans activité, mais bien l’opportunité proposée à chacun de 
participer autrement à la construction de notre nation. C’est la 
possibilité donnée à tous nos concitoyens d’exercer une autre forme de 
liberté, de suivre cette « ligne de vie et d’espoir »
 (P. Mauroy), d’inventer un nouvel âge, désormais pleinement vécu, plus 
souvent attendu que redouté, celui des loisirs, de la famille, de la 
transmission, de l’engagement associatif…
La retraite, enfin, est un puissant facteur d’égalité.
 C’est notre système par répartition qui a permis de rapprocher le 
niveau de vie de nos âgés de celui des actifs occupés. Aujourd’hui, nul 
n’est plus obligé de choisir entre travailler jusqu’à la fin de ses 
jours ou dépendre de ses enfants. Nul n’est plus obligé d’être bien né 
ou fortuné pour vivre ses dernières années dans la dignité. La retraite 
est et doit rester le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, si nous 
voulons que continue de briller la flamme du pacte social et 
républicain.
Car tout cela, nous le devons à notre 
système de retraite par répartition, voulu à la Libération par le 
Conseil National de la Résistance. Le génie de ces fondateurs est d’avoir créé un modèle en phase avec la société d’après-guerre. Mais
 c’est aussi d’avoir forgé des valeurs universelles, inaltérables, 
immuables, que nous devons consolider et transformer, afin de mieux les 
transmettre.
1. Alors que face aux nouveaux 
défis s’élèvent des voix pour contester notre protection sociale et 
prôner le chacun pour soi de la capitalisation, je veux ici réaffirmer 
avec force mon attachement profond, et celui de tout le gouvernement, à notre système de retraites par répartition. 
Cet attachement n’est pas la marque de l’immobilisme car l’immobilisme serait le plus sûr chemin vers l’abandon. Face à l’attentisme des uns et au renoncement des autres, il y a une autre voie :
 celle d’une gauche déterminée, résolument fidèle aux principes qui nous
 ont permis d’assurer aux Français un haut niveau de protection, et 
résolument tournée vers l’avenir pour garantir aux générations qui 
s’engagent dans la vie active qu’elles pourront à leur tour prétendre à 
cette solidarité collective.
La responsabilité du gouvernement, c’est de regarder les choses en face, avec lucidité et de dire la vérité à nos concitoyens : aujourd’hui, nous devons agir pour garantir notre système de retraites par répartition. La
 réforme que nous engageons n’obéit à aucune injonction extérieure, elle
 répond à l’exigence que nous, femmes et hommes de gauche, portons pour 
notre système social. C’est ainsi que, dès sa formation, le gouvernement
 a annoncé qu’une réforme s’imposait, et qu’il a sans attendre répondu 
aux injustices les plus criantes nées des décisions du précédent 
gouvernement. C’est le sens du décret que j’ai signé dès juillet 2012 et qui a d’ores et déjà permis à plus de 50 000 personnes, ayant commencé à travailler tôt, de partir à 60 ans. A terme, 100 000 personnes seront concernées.
La responsabilité du gouvernement, c’est aussi de répondre avec ambition aux transformations de notre société. D’abord
 bien sûr, et c’est une chance formidable, l’allongement de l’espérance 
de vie. Les générations du baby-boom vivent plus longtemps. En 2000, la 
France comptait 4 retraités pour 10 actifs ; aujourd’hui, ce sont 5 
retraités pour 10 actifs ; en 2035, il y aura 7 retraités pour 10 
actifs. Cet allongement sans précédent de l'espérance de vie devrait continuer d'augmenter d'une année tous les 10 ans, jusqu’en 2060. Dans le même temps, la
 natalité de notre pays est parmi les plus élevées d’Europe : elle 
atteint en France 2 enfants par femme contre 1,4 en Allemagne. Ce 
dynamisme démographique est un atout d’avenir et de confiance majeur, mais il ne nous exonère pas de notre responsabilité immédiate. 
Nous vivons plus longtemps, et les conditions de vie et de travail se sont diversifiées.
Il y a 70 ans, la grande majorité des 
enfants quittait l’école à 14 ans pour travailler. Les femmes 
s’occupaient de la vie domestique, elles devaient demander une 
autorisation à leur mari pour exercer un métier ou pour gérer leur 
propre compte bancaire. Les couples ne divorçaient pas. Les salariés 
entraient dans une entreprise après leurs études et la quittaient quatre
 décennies plus tard.
Ce « monde d’hier » a disparu et qui peut le regretter ? 
En ignorant ces nouvelles réalités et en limitant la question des retraites à de simples ajustements comptables, la droite a laissé l’injustice surgir et s’enraciner. Nous avons construit notre système de retraite par répartition pour garantir à tous une fin de vie digne. Nous devons désormais l’adapter pour permettre à chacun que les aléas nés de la carrière professionnelle ou de la vie personnelle soient pris en compte. A
 ce jour, aucune réforme n’a eu la volonté, ou l’audace, de prendre en 
compte cette réalité simple : nous ne pouvons tous partir en retraite 
dans les mêmes conditions.
Les jeunes ont été les grands oubliés
 des réformes précédentes. Ils sont les premiers à avoir perdu 
confiance, à ne plus croire en notre système par répartition. Ils sont de plus en plus nombreux
 à faire le choix de l’apprentissage, à travailler en même temps qu’ils 
étudient, à suivre des stages longs. Leur entrée dans la vie active est 
pour beaucoup un parcours du combattant. Ils ne connaîtront pas les 
carrières linéaires qui assuraient à leurs parents la certitude d'une 
retraite complète. C’est donc à la jeunesse, que notre projet de loi 
s’adresse en priorité, parce que c’est à elle qu’il faut redonner 
confiance dans l’avenir de notre système de retraites.
Nous devons ensuite répondre à la plus grande des injustices, l’inégalité face à la vieillesse. Les situations de pénibilité au travail concernent chaque année près d’un salarié sur cinq.
 Leur état de santé en sera affecté de manière irréversible. Nous ne 
pouvons pas demander à un ouvrier de partir à la retraite dans les mêmes
 conditions qu’un cadre, alors que son espérance de vie reste inférieure
 de 6 ans. Nous ne pouvons pas davantage accepter que les salariés précaires d’aujourd’hui deviennent demain des retraités sacrifiés. 
Les femmes, enfin, perçoivent des pensions qui restent inférieures d’un tiers à celles des hommes.
 Parce qu’elles occupent les emplois les plus précaires, les moins 
qualifiés et les moins bien rémunérés. Parce qu’elles subissent 
massivement le temps partiel. Parce qu’elles sont les premières à 
sacrifier leur vie professionnelle à leur vie familiale. Notre système de retraites ne pourra à lui seul réduire ces inégalités et cela n’est d’ailleurs pas sa vocation. Le combat pour l’égalité doit se mener tout au long de la vie. C’est
 la bataille pour l’emploi et pour l’égalité salariale. C’est l’ambition
 d’un meilleur partage des responsabilités familiales. Pour autant, nous ne pouvons pas accepter que nos régimes de retraites entretiennent ou même accentuent de telles injustices.
La lutte contre les injustices est au
 cœur de notre projet. Mais elle sera vaine si nous ne relevons pas le 
défi financier auquel sont confrontés nos régimes de retraite. Les
 réformes qui ont émaillé les vingt dernières années n’ont pas garanti 
la pérennité de notre système. Faut-il le rappeler ? Il y a trois ans à 
peine, alors que la crise était déjà là, Eric WOERTH promettait « zéro déficit en 2018 ».
 Le précédent président de la République déclarait : « avec cette loi, 
notre régime de retraite par répartition est sauvé (…) les Français sont
 désormais assurés qu’ils pourront compter sur leur retraite ».
Aujourd’hui, le constat est là, implacable : si nous n’agissons pas, le déficit atteindra 20 milliards d’euros en 2020, et plus de 26 mds en 2040. Les
 périodes de crise ne doivent jamais servir d’alibi pour affaiblir les 
protections collectives : face à ceux qui prônent la privatisation et 
les fonds de pensions, nous voulons garantir que notre modèle social ne 
servira pas de variable d’ajustement. 
2. Pour faire face à ses responsabilités, le gouvernement a fait le choix d’une longue concertation.
Ce projet de loi, nous ne l’avons pas imposé par la force ou la brutalité. Nous avons consulté, concerté et dialogué. Cette méthode, c’est notre manière de gouverner. Le
 président de la République s’y est engagé avec force : nous ne pouvons 
faire des choix majeurs pour l’avenir de notre pays sans faire vivre 
notre démocratie sociale.
Cette réforme est donc 
l’aboutissement d’une longue période de concertation et d’échanges, 
entamée dès la Grande Conférence sociale de l’été 2012.
 Concertation et échanges, avec les représentants des salariés, des 
agents publics et des entrepreneurs de notre pays. Leurs contributions 
ont été précieuses.
Notre méthode a fait ses preuves. Il y
 a trois ans, des millions de Français se sont opposés à une réforme 
brutale et non concertée. Aujourd’hui encore, le
 président du principal parti d’opposition explique qu’une fois revenu 
au pouvoir, il réformerait la France en moins de six mois à coups 
d’ordonnances !
La concertation, la volonté d’une 
réforme porteuse d’avancées sociales historiques, ont permis de 
rassembler. A tel point qu’après m’avoir demandé si je ne redoutais pas 
un automne explosif, on m’interroge pour savoir s’il ne fallait pas 
aller plus loin ! Mais plus loin pour faire quoi ? La droite a tellement
 imposé l’idée que réformer signifiait brutaliser, elle a tellement 
distillé le sentiment que nos retraites étaient condamnées, que l’on en 
oublie la réalité des défis financiers à relever.
20 milliards en 2020, 26 milliards en 2040. Et ces défis, nous les relevons.
3. Notre projet de loi permettra de garantir la pérennité financière de notre système de retraites.
Nous avons retenu trois principes.
D’abord, nous inscrire dans un horizon long, pour rompre avec les tentatives de colmatage et de rafistolage passées. 2040, cette date est l’horizon de notre réforme, parce que c’est en 2040 que
 les jeunes actifs, qui ont aujourd’hui 35 ans, atteindront l’âge de la 
retraite. Il est indispensable de leur offrir davantage de visibilité, 
de stabilité, de définir dès aujourd’hui les conditions dans lesquelles 
ils pourront partir à la retraite. C’est la condition de la confiance.
Le 2ème principe qui nous a guidés est celui du respect des projets de ceux qui s’apprêtent à partir en retraite. Nous
 n’avons pas voulu bouleverser les conditions de départ pour les 
prochaines années, ce qui nous a amenés à ne mettre en œuvre 
l’allongement de la durée de cotisation qu’à partir de 2020. Sinon, ce 
seraient les mêmes Français qui ont subi le choc de la dernière réforme 
qui seraient concernés.
Enfin, le 3ème principe
 qui nous a menés est celui d’une mobilisation de l’ensemble des 
composantes de notre société, parce qu’il s’agit de rénover notre pacte 
social et que personne ne peut prétendre s’appuyer sur ce pacte sans y 
contribuer. Toutes les générations contribueront donc, tous les acteurs 
économiques et tous les régimes, les régimes spéciaux comme ceux du 
public et du privé. 
Jusqu’en 2020, d’abord, des mesures immédiates de redressement répondent à l’urgence.
Les entreprises et les actifs
 verront leurs cotisations croître de façon mesurée et progressive, de 
0,15% en 2014 puis de 0,05% par an pour atteindre +0,30% au total en 
2017. Cela représentera un effort de 2,15€ par mois pour un salarié 
gagnant le SMIC l’année prochaine, 3,50€ pour celui qui gagne 2500€.
Les retraités seront également 
appelés à contribuer, puisque la revalorisation de leur pension, à 
l’exception de l’ASPA, interviendra le 1er octobre 2014 et non le 1er avril. C’est un effort ponctuel, puisque
 leur retraite sera ensuite revalorisée normalement, chaque année. C’est
 un effort limité, qui représentera quelques euros par mois pendant 6 
mois. C’est un effort responsable, puisque les retraites ne baisseront pas.
Ces contributions représentent un 
effort pour chacun, il ne s’agit pas de le nier. Mais cet effort a un 
sens : permettre de payer nos pensions sans
 recourir systématiquement à l’emprunt ; il a un objectif : cesser de 
faire peser sur les générations futures le poids de l’indécision du 
passé ; il a une ambition : ouvrir de nouveaux droits aux salariés 
d’aujourd’hui.
A partir de 2020, le relais sera pris
 par l’allongement de la durée de cotisation qui sera progressivement 
portée à 43 ans en 2035.
Si l’augmentation de la durée de 
cotisation est juste, c’est parce qu’elle est en phase avec 
l’allongement de l’espérance de vie : lorsqu’on vit plus longtemps, il 
est normal de travailler un peu plus longtemps.
 La durée de cotisation augmentera d’un trimestre tous les 3 ans, et 
cette règle sera désormais inscrite dans la loi. Ainsi, les jeunes 
générations bénéficieront d’une durée de retraite au moins égale à celle
 de leurs aînés. Cette durée sera même de deux ans plus longue pour les 
jeunes de 25 ans aujourd’hui, d’une année pour ceux de 35 ans. 
Désormais, la durée de cotisation devient le socle de notre système et le principal critère d’arbitrage pour les salariés. 
 En la portant à 43 ans à l’horizon 2035 pour tous, salariés, 
fonctionnaires et agents des régimes spéciaux, nous prenons acte de la 
diversité des parcours professionnels et du fait que certains ont commencé à travailler tôt.
Nous privilégions ainsi une vision de long terme. 
Porter une vision de long terme, c’est aussi en finir avec la navigation à vue qui a nourri la défiance des Français. L’instauration d’un mécanisme de pilotage constitue une innovation majeure.
 Ce dispositif s’appuiera sur le Conseil d’Orientation des Retraites mis
 en place en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin et sur un nouveau
 Comité de surveillance des retraites, que vous avez souhaité rebaptiser
 comité de suivi, dont les recommandations seront un élément essentiel 
du débat public et permettront de suivre les équilibres financiers et 
sociaux de nos régimes. Pour faire face à d’éventuelles difficultés 
ponctuelles, le comité pourra recommander des transferts du Fonds de 
réserve des retraites. Cette procédure de suivi doit contribuer à dédramatiser les débats sur les retraites.
4. L’objectif de réduction des 
déficits est décisif, mais il ne peut constituer un projet de société. 
Il nous revient aujourd’hui de renouer avec le sens du progrès, afin de 
préserver la solidarité qui est au cœur de notre système.
Désormais, notre système de 
retraites tiendra compte de la diversité des parcours professionnels et 
de leur impact sur l’espérance de vie :
 le port de charges lourdes dans les métiers du bâtiment ou de la 
manutention, l’exposition au bruit, à des températures élevées, à des 
produits dangereux, le travail de nuit, qui touche de plus en plus de 
femmes…
En 2010, la droite connaissait cette réalité et elle l’a ignorée.
 Rien n’a été fait pour avancer sur le terrain des droits sociaux. Vous 
vous étiez ainsi contentés d’un leurre : mettre en place un dispositif 
médicalisé et individualisé, qui n’a concerné à ce jour que 6000 
personnes, alors que les situations de pénibilité concernent plus de 3 
millions de Français !
Dix critères de pénibilité ont été identifiés et élaborés par les partenaires sociaux. A partir du 1er janvier 2015, chaque Français exposé à l’un de ces facteurs se verra doté d’un compte de prévention de la pénibilité
 lui permettant de cumuler des points. Un trimestre d’exposition vaudra 
un point, lorsque le salarié sera exposé à au moins deux facteurs de 
pénibilité, il sera crédité pour la même période de deux points. 
Le compte pénibilité
 doit permettre en priorité aux salariés de faire le choix  de 
réorienter leur carrière grâce à la formation. C’est pour cela que les 
20 premiers points du compte, ne pourront être utilisés qu’à cette fin. 
Au-delà, le salarié pourra bénéficier de temps partiel rémunéré à temps 
plein ou se voir valider jusqu’à 8 trimestres pour le calcul de sa 
retraite. Pour permettre aux salariés proches de la retraite de 
bénéficier aussi de cette avancée sociale, des règles transitoires 
seront aménagées. Vous avez amélioré le dispositif prévu en souhaitant 
que les salariés de 52 ans et plus (et non 57 ans et plus) ne soient pas
 contraints de transformer leurs points en formation, mais puissent 
bénéficier de retraite anticipée ou de temps partiel. 
Ce compte sera financé par les entreprises, car ce doit être une incitation pour elles à aménager leurs conditions de travail. Nous allons travailler en 2014 pour mettre en place un dispositif que je veux simple, accessible et pratique. 
Notre réforme comporte également une avancée sociale majeure pour les femmes.
 Elle leur permettra de valider l’intégralité de leurs congés de 
maternité, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas, aussi stupéfiant cela 
puisse-t-il paraître ! Les femmes sont par ailleurs les premières 
victimes du temps partiel : à l’avenir, 150 heures de travail rémunérées
 au Smic suffiront à valider un trimestre, contre 200 heures 
actuellement. Concrètement, cela signifie qu’une femme à temps partiel 
pourra valider quatre trimestres de retraite, dès lors qu’elle aura 
travaillé 12 heures par semaine pendant une année. Au-delà, le 
gouvernement a exprimé sa volonté de revoir notre système de droits 
familiaux de manière à ce qu’ils bénéficient davantage aux femmes.
Les jeunes sont confrontés aux 
difficultés croissantes d’entrée dans la vie active. Je veux rappeler 
que, contrairement à ce que j’entends parfois, l’âge moyen du début de 
la carrière est de 22 ans. 
Répondre aux aspirations des jeunes, c’est d’abord garantir aux 400 000 apprentis
 actuellement en formation, que tous leurs trimestres de travail en 
alternance seront validés. C’est ensuite faciliter la validation des 
périodes de chômage non indemnisé pour ceux qui connaissent des périodes
 de chômage ou de travail précaire. C’est encore permettre à tous ceux 
qui travaillent pour financer leurs études de valider plus facilement 
ces périodes grâce à la réduction du seuil de validation d’un trimestre.
 Enfin, nous proposons à tous ceux qui ont obtenu un diplôme après le 
baccalauréat de valider jusqu’à quatre trimestres en cotisant à un tarif
 préférentiel dans les années qui suivent leur diplôme. Vous avez 
exprimé le souhait que des périodes de stage puissent bénéficier de 
règles favorables, et le gouvernement sera attentif à vos propositions, 
dès lors que les principes que j’ai posés en commission seront 
respectés : pas de validation sans cotisation, pas de banalisation des 
stages au regard des contrats de travail.
La justice, c’est également prendre en compte la situation des personnes handicapées, ainsi que celle de leurs aidants, dont l’engagement est encore trop peu reconnu :
 les premiers auront demain plus facilement accès à la retraite 
anticipée et pourront bénéficier plus rapidement d’une retraite à taux 
plein. Pour les seconds, nous faisons en sorte que le temps passé auprès
 d’un proche en situation de handicap soit mieux pris en compte au 
moment de la retraite grâce à la création d’une nouvelle majoration 
d’assurance. Nous ouvrons l’accès à l’assurance vieillesse des parents 
aux foyers, quelles que soient leurs ressources, ce qui garantira aux 
aidants familiaux une continuité dans leurs droits à retraite.
Notre projet s’adresse enfin au monde agricole. Les plus faibles pensions de notre pays sont celles des agriculteurs. Cette situation exigeait une réponse forte. Les
 plus modestes des chefs d’exploitation verront, d’ici à 2017, leurs 
pensions portées à 75% du Smic. Les retraites des femmes d’exploitants 
seront aussi significativement améliorées.
5. Enfin, le manque de 
transparence et de lisibilité de notre système de retraite entretient la
 défiance de nos concitoyens. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que la 
réforme simplifie la retraite pour les Français.
Oui, notre système est complexe et nos régimes de retraite sont nombreux. Mais cette complexité est le fruit de l’histoire
 et du souhait d’adapter chaque régime aux réalités des différents 
métiers. Les Français réclament une clarification des règles, une 
simplification des démarches et une transparence accrue des dispositifs.
A l’avenir, chaque Français aura son compte individuel de retraite,
 qui lui permettra de suivre l’évolution de ses droits et de faciliter 
l’ensemble de ses démarches. Les règles de calcul et le versement des 
pensions seront unifiés pour les polypensionnés, afin qu’ils ne soient 
plus pénalisés dans leur retraite. 
Nous avons été, une fois encore, 
pragmatiques. C’est ce que les Français attendent de nous et c’est ainsi
 que nous rétablirons la confiance.
Depuis 70 ans, tout a changé : la vie avant, pendant et après le travail.
La loi ne peut ignorer ces transformations profondes de notre société.
Mesdames et messieurs les députés,
Certains veulent sacrifier les droits 
sociaux sur l’autel de la crise. La pérennité de notre système social 
appelle de l’audace. Le texte dont nous allons débattre dépasse 
largement la seule question de l’avenir de nos retraites. Il emporte la question de la pérennité de notre modèle social tout entier, et donc de notre cohésion démocratique. 
La crise ronge inlassablement les piliers de notre république sociale.
 C’est à vous qu’il revient aujourd’hui de les fortifier et de les 
adapter aux temps nouveaux pour mieux les enraciner dans l’avenir. Votre
 responsabilité est immense parce que vous êtes les gardiens du lien qui
 unit toutes les générations, les protecteurs de notre vivre-ensemble.