Université d’été « Ethique et Société 2011 » consacrée à la maladie d’Alzheimer lundi 12 septembre 2011 : Discours de Madame Nora Berra
13 Septembre 2011
|Monsieur le sous-préfet, Francois Proisy
Monsieur le Directeur de l’espace Ethique de l’AP-HP et de l’EREMA, cher Emmanuel HIRSCH,
Madame la Présidente de France ALZHEIMER, chère Marie-Odile DESSENA,
Monsieur le Directeur général de l’ARS PACA, Dominique de ROUBAIX,
Monsieur le Professeur Joel Ménard,
Madame Genevieve Laroque, Présidente de la fondation nationale de gérontologie,
Mesdames et Messieurs,
L’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer a été constitué il y a quelques mois, grâce à l’engagement de France Alzheimer, de la Fondation Médéric Alzheimer, de l’Espace éthique de l’AP-HP. Cet espace a apporté une dimension humaine supplémentaire au Plan Alzheimer 2008-2012, en inscrivant les questions du droit de la personne et de l’éthique des soins apportés aux malades au coeur des enjeux de la lutte contre cette maladie.
Cette Université d’été Alzheimer éthique et société 2011 en est la plus encourageante et la plus éclatante illustration. Il etait important pour moi de venir car je voulais vous exprimer le soutien sans faille du Ministère de la Santé dans votre démarche.
Car ce que vous faites ici s'inscrit pleinement dans la philosophie du plan que je porte avec Roselyne Bachelot et il répond à l’absolue nécessité de faire valoir le droit de toutes les personnes confrontées à la maladie d’Alzheimer.
En cette année des patients et de leurs droits, il était en effet crucial de réaffirmer plus particulièrement le droit des personnes touchées par cette maladie, le droit à la dignité, au respect de leur personne, et de leurs familles. C’est le combat d’une société toute entière pour ses valeurs d’humanité, et pour une conception humaniste du vivre ensemble.
Alzheimer, nous le savons tous, est une ombre au formidable progrès que constitue l’allongement continu de la durée de la vie.
Face à la progression constante du nombre de personnes touchées par ce mal, notre pays a mis en oeuvre une politique volontariste, devenue une cause nationale.
C’est ainsi que nous avons encouragé la recherche, développé l’accueil des personnes dépendantes au sein d’institutions spécialisées, adapté les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes afin d’en faire des lieux de soins, mais aussi des lieux de vie qui respectent l’individualité et la dignité de chaque personne âgée.
Dans ma responsabilité précédente au service de nos aînés, je me suis également engagée, aux côtés du Président de la République, pour renforcer le lien intergénérationnel dans notre société, et promouvoir une meilleure inclusion sociale des personnes âgées seules ou fragilisées.
Au coeur de cet enjeu social, il y avait un enjeu éthique, non seulement pour le respect de la dignité des personnes touchées par la dépendance, mais aussi pour proteger les aidants familiaux. Car mon objectif politique, mon éthique étaient de tout faire pour que ces aidants ne deviennent pas les deuxièmes victimes de la maladie d’Alzheimer, et qu’elles puissent être soulagées dans l’aide quotidienne de leurs proches touchés par la maladie d’Alzheimer.
Tout ce combat n’avait pas que le but d’apporter les meilleures réponses matérielles, médicales et juridiques aux besoins qui s’expriment. Car nous avons aussi tous ressenti combien la dimension éthique de la prise en charge des personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer était fondamentale, indispensable.
Permettez-moi d’abord de rendre hommage aux professionnels de santé, aux aidants, aux familles des malades dont l’engagement n’a cessé de se renforcer, de s’organiser en ce sens. Grâce à eux, les témoignages, les expériences, les réponses innovantes n’ont cessé de se développer ces dernières années, ces derniers mois.
Aujourd’hui l’heure est venue de les mettre en commun, en regard. Et vous incarnez cette volonté.
L’atout majeur de cette université d’été, c’est d’abord d’avoir réussi à mobiliser un très grand nombre de participants d’horizons très différents. Je sais qu’il y a parmi vous de nombreux professionnels médicaux et paramédicaux, des médecins, des psychologues, des directeurs d’EHPAD et de centres hospitaliers, des assistantes sociales, mais également des sociologues, des philosophes, des écrivains. Je sais aussi que vous avez eu ce matin un témoignage riche en émotion avec cette jeune malade d' Alzheimer Blandine Prévost, Présidente de l' association AMA Diem (aime le jour avec et malgré la maladie) qu a dit avec force a quel point elle ne voulait que l'on décide pour elle défendant sa liberté.
Vous incarnez un véritable élan de notre société pour appréhender collectivement la maladie du silence, en y apportant des réponses qui dépassent largement la médecine.
Vous êtes la preuve que l’action de terrain qui est la vôtre, la pratique des soins ne sont pas dissociés de l’éthique.
Si la solitude des malades d’Alzheimer est grande, celle de leurs proches l’est aussi. La mission de l’Espace national de réflexion de la maladie d’Alzheimer, le sens et le but de cette université d’été, comme vous l’avez dit avec une grande justesse, cher Emmanuel Hirsch, sont bien « d’être un lien, une passerelle entre le monde de la maladie et le reste de la Cité ».
Les questions essentielles que vous abordez aujourd’hui, concernant notamment « le choix du malade, pour le malade et autour du malade » sont le reflet de cette démarche éthique collective.
En effet, Alzheimer n’est pas une maladie comme une autre.
Elle suscite dans notre société un véritable malaise, car quels sont ceux qui, parmi nous, dans leur entourage, n’ont pas été bouleversés par cette maladie du repli, qui est totalement étrangère à l’univers normé et contrôlé dans lequel vivent la plupart d’entre nous ?
Les dépendances, les démences et les altérations liées à la maladie ne doivent plus être une souffrance intime pour un conjoint, un fils, un petit-fils, qui conduirait à un repli sur soi.
Il faut qu’une parole collective et solidaire réponde à ce genre de situation. C’est cela le sens d’une cause nationale !
Et l’enjeu de cette Université d’été est de faire émerger une intelligence, non plus individuelle, isolée de la maladie, mais une intelligence commune.
La maladie d’Alzheimer suscite le refus de voir détruit tout ce que l’homme peut avoir construit rationnellement : son identité, sa personnalité, son jugement, son libre-arbitre.
Sur tous les sujets essentiels qui touchent à la santé, et dont j’ai la responsabilité, la dignité, le respect, la liberté de la personne malade mettent constamment en regard les droits et les devoirs de chacun par rapport à soi-même, et par rapport à l’ensemble des citoyens.
Dans les débats citoyens que je porte au sein de mon ministère, les questions d’éthique sont aussi bien ancrées au coeur de notre politique de santé que de notre pacte social :
- l’éthique est au coeur de nos préoccupations citoyennes, lorsqu’il s’agit de garantir la dignité des personnes en fin de vie,
- l’éthique est au coeur de nos préoccupations citoyennes lorsqu’il s’agit d’aborder les questions de bioéthique, où les progrès de la science, confrontés au besoin de liberté, nous interrogent collectivement sur le respect et le sens de la vie,
- l’éthique a été au coeur de cette grande réforme sur les médicaments que nous lançons avec Xavier Bertrand, - l’éthique a été au coeur de mes préoccupations, lorsqu’il s’est agi de mettre en oeuvre la réforme
des soins psychiatriques, qui a du traiter de questions particulièrement sensibles, comme celle de prodiguer des soins à des personnes qui ne sont pas en mesure d’y apporter leur consentement alors qu'elles présentent un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
Permettez-moi, Mesdames et Messieurs de conclure mon propos en vous faisant part d’une conviction : la question de l’éthique, dans notre domaine de la santé, a une dimension proprement politique.
Les médecins, les psychologues, les sociologues, les politologues, les philosophes, les écrivains, les membres de la société civile de tous horizons présents aujourd’hui parmi nous en sont l’illustration. Car ils abordent les devoirs de la société envers tous ses membres, non en termes de morale, mais en termes de droit et de dignité.
Au-delà de la recherche, de la technique médicale et de ses progrès, au-delà de la prise en charge quotidienne des malades, l’éthique, dans le contexte d’Alzheimer, constitue l’âme et le souffle de l’ensemble des démarches et des actions qui doivent être conduites.
Seule l’éthique leur donne un sens, une ambition, et une cohérence, qui est déjà, et sera demain plus encore, une valeur partagée.