01 Novembre 2022
|La Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique (SEROPP) déplore les attaques médiatiques répétées ces derniers mois sur le bien-fondé de l’ostéopathie pédiatrique. L’association souhaite apporter des éléments complémentaires d’information et de réflexion à la suite de la publication de son communiqué commun avec le Syndicat Français Des Ostéopathes (SFDO) et de celle du communiqué commun d’Ostéopathes De France et du Registre des Ostéopathes de France (ROF), en réponse à la tribune du collectif No FakeMed relayé par Le Figaro sur son site Internet le 4 septembre 2022.
Dans cette tribune rédigée par le collectif No FakeMed qui a pour ambition de dénoncer les « fausses médicalisations » gravitant autour de la périnatalité, l’ostéopathie est visée au même titre que l’aromathérapie, la section du frein de langue et les colliers d’ambre. Selon eux, ces interventions pratiquées par des « soi-disant thérapeutes », le plus souvent « non issus du monde soignant », « sans aucune formation médicale » et « dont les intentions ne sont pas forcément bonnes » -ni pour les bébés, ni pour leurs parents-, sont inutiles et dangereuses pour le nourrisson.
Ils affirment que les ostéopathes, allant même jusqu’à inventer le syndrome de Kiss, manipuleraient en quelque sorte les jeunes parents de bébés, profitant de leur vulnérabilité, pour leur proposer des solutions miracles pour tout ce qui arrive à leur enfant. En conséquence, les auteurs estiment que le recours à l’ostéopathie du nouveau-né et du nourrisson, dont le succès serait immérité, devrait « absolument être banni ». La tribune, relayée par Le Figaro, a cette particularité pour le moins singulière de ne pas être signée et de ne citer absolument aucune référence. Elle fait écho à un « argumentaire », également non signé, publié sur le site de No FakeMed[1].
Sur le site Internet de No FakeMed, après quelques vagues généralités dans lesquelles sont confondues ostéopathie et chiropraxie, les auteurs affirment qu’il n’existe « aucune preuve d’efficacité de ces techniques », qu’elles peuvent entraîner « des effets indésirables graves avec pronostic vital engagé ». L’ostéopathie chez le nourrisson se résumerait selon eux à une manipulation cervicale visant à traiter le syndrome de Kiss.
Plus loin, une confusion entre « manipulations et techniques d’ostéopathie crânienne » conduit à la conclusion que ces traitements sont inutiles et dangereux, avec pour seule référence un blog de médecin (Edzard Ernst), avant que les auteurs ne terminent sur des approximations au sujet de la plagiocéphalie.
Différents points de cet argumentaire amènent la SEROPP à s’interroger :
- Comment un collectif « d’experts » scientifiques peut-il argumenter un article à partir de blogs d’ostéopathes, de chiropracteurs et de médecins (edzadernst.com, oosteo.com, reflexosteo.com…), d’un article de « La maison des maternelles » et de liens inexistants (kce.fgov.be) ? Sur 10 références, une seule est issue de Pubmed (recensement de la littérature scientifique validée par un comité de lecture). Il s’agit d’un article en allemand datant de 2009 sur le syndrome de Kiss ;
- Comment ce collectif peut-il affirmer que « l’ostéopathie est dangereuse chez le nourrisson » lorsque la source qu’il cite est un rapport de l’INSERM[2] sur l’évaluation de l’efficacité chiropratique, dans lequel il est écrit que l’estimation des accidents graves après manipulation cervicale irait de 1 cas pour 400 000 à 1 cas pour 5,8 millions de manipulations selon les études. Il n’y a dans ce rapport, aucune donnée sur les effets secondaires chez l’enfant après traitement ostéopathique. De plus, ce rapport s’intéresse aux manipulations à haute vélocité (HVT = « craking ») cervicales qui sont évidemment proscrites dans la prise en charge ostéopathique du nourrisson ;
- S’ils citent la recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur la prévention des déformations crâniennes positionnelles et de la mort inattendue du nourrisson (2020), les auteurs omettent de mentionner que dans la fiche-mémo de ce rapport, l’ostéopathie est proposée en seconde intention dans la prise en charge des plagiocéphalies positionnelles[3]. Ils oublient également de préciser que les ostéopathes sont cités dans le rapport d'élaboration de cette recommandation (un ostéopathe et un médecin ostéopathe ont fait partie du groupe de travail en tant qu’experts, 4 sociétés savantes ostéopathiques ont été consultées, dont la SEROPP qui a rendu un avis officiel).
La SEROPP souhaite démentir point par point les fausses informations contenues dans cette tribune.
« Ces soi-disant thérapeutes sans aucune formation médicale », « Les manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de six mois sont d'ailleurs légalement interdites aux ostéopathes. »
Sur la formation et le champ de compétences des ostéopathes :
L’ostéopathie est une profession reconnue par l’État depuis 20 ans et réglementée depuis 15 ans.
Les ostéopathes sont issus d’une formation à temps plein de 5 ans, au sein d’établissements agréés par l’État, dont les conditions ont été définies par le décret n° 2007-435 du 25 mars de 2007, relatifs aux actes et aux conditions d’exercice de l’ostéopathie.
« Pour la prise en charge des troubles fonctionnels, l'ostéopathe effectue des actes de manipulations et mobilisations non instrumentales, directes et indirectes, non forcées, dans le respect des recommandations de bonnes pratiques établies par la Haute Autorité de Santé. »
Les manipulations du crâne, de la face et du rachis des enfants de moins 6 mois, ne sont pas interdites à l’ostéopathe mais simplement encadrées par l’article 3 du précédent décret au terme duquel, lesdites manipulations nécessitent « un certificat attestant l’absence de contre-indication médicale à l’ostéopathie ».
Ainsi, l’ostéopathe peut intervenir chez le nourrisson de moins de six mois en respectant son champ de compétences. Il est formé pour reconnaître les signes de gravité et référer le nourrisson à un médecin quand cela est nécessaire, avant une éventuelle prise en charge ostéopathique, comportant un diagnostic et un traitement ostéopathiques spécifiques.
L’ostéopathie ne se substitue en aucun cas au suivi médical de l’enfant et son champ de compétences est celui des troubles fonctionnels.
Sur la confusion autour du terme « manipulation » :
Le terme « manipulation » désigne des techniques à haute vélocité (HVT ou « craking »). Les auteurs de cet article jouent sur les mots : les « manipulations », telles que définies dans l’annexe 1 de l’arrêté du 12.12.14 relatif à la formation en ostéopathie[4], sont évidemment à proscrire chez l’enfant[5].
Les mobilisations articulaires rythmiques (progressives et douces, sans jamais de « craquement », ni de manipulation à haute vitesse), les techniques directes sur les tissus mous (étirements musculaires lents et progressifs), les techniques neuromusculaires, les techniques directes de mobilisation des sutures crâniennes sont autorisées chez le nourrisson [6].
Joël Moret-Bailly, professeur de droit de la santé, en fait une analyse sans ambiguïté dans l’article : « L’ostéopathie : profession de santé ou activité de soins ?[7] » : les mobilisations sont autorisées chez le nourrisson de moins de 6 mois.
« L'ostéopathie : dangereuse chez le nourrisson », « Le recours à l'ostéopathie du nouveau-né et du nourrisson doit absolument être banni », « Toute manipulation d'un bébé après sa naissance est inutile et peut être dangereuse ».
Sur les risques potentiels d’une prise en charge ostéopathique chez le bébé :
Dans 9 revues systématiques de la littérature existante[8] référencées sur les effets de l’ostéopathie en pédiatrie, aucune n’a mentionné d’évènement indésirable et encore moins d’effet secondaire grave survenu après un traitement ostéopathique chez l’enfant.
Sur l’efficacité de l’ostéopathie chez le nourrisson :
La recherche scientifique sur l’efficacité de l’ostéopathie en pédiatrie existe. Des résultats bénéfiques sont publiés notamment sur : le temps de pleurs et le sommeil dans les coliques du nourrisson, la rotation cervicale chez des bébés avec des plagiocéphalies positionnelles, l’asymétrie posturale, les troubles de la succion, les grands syndromes malformatifs maxillo-faciaux[9], etc. Selon une étude menée à la maternité de Grasse entre 2017 et 2020, basée sur 202 questionnaires aux parents remplis avant et 24 h après une séance d’ostéopathie au sein de la maternité, 86,2 % ont perçu une amélioration sur la posture, la douleur ou l’alimentation de leur bébé[10].
Des études multicentriques de haut niveau ont démontré l’efficacité d’une prise en charge ostéopathique sur la diminution du temps d’hospitalisation chez 1300 prématurés[11]. D’autres ont montré qu’une consultation d’ostéopathie pouvait aider à l’amélioration des paramètres neurovégétatifs (amélioration du métabolisme du système nerveux central, réduction de la variabilité de la fréquence cardiaque, augmentation de la saturation en oxygène) chez des prématurés[12]. Aucun effet secondaire n’a été rapporté. Selon Lanaro, « L’ostéopathie peut être considérée comme une stratégie émergente pour améliorer l’état de santé des nouveau-nés ».
Ces articles montrent l’utilité de cette pratique quand elle est réalisée par des ostéopathes formés et compétents en ostéopathie périnatale et pédiatrique.
« Un bébé en bonne santé n'a nul besoin de manipulations : les os et organes ne se déplacent pas spontanément, ni pendant l'accouchement ni après. »
Sur les mécanismes d’action de l’ostéopathie :
Contrairement à ce qu’affirme le collectif No Fakemed, l’ostéopathie ne « replace » pas les os et les organes « déplacés ».
Selon la définition donnée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)[13], l’ostéopathie est « une thérapeutique manuelle visant à rétablir les fonctions physiologiques de l’organisme, altérées par des dysfonctions des structures du corps ». En d’autres termes, l’ostéopathe cherche à redonner de la mobilité aux segments corporels en contrainte pour optimiser les capacités du corps à s’auto-réguler et à s’auto-guérir.
Un traitement ostéopathique a pour but d’améliorer la circulation sanguine, le tonus musculaire et la mobilité locale et de diminuer la sensation douloureuse et la réaction inflammatoire[14].
« Un syndrome a même été inventé de toutes pièces pour justifier des manipulations : le « syndrome de Kiss». »
Sur le « syndrome de Kiss » et la frénotomie :
La SEROPP a déjà réagi sur ces sujets [15]: le syndrome de Kiss n’a aucun fondement scientifique, n’est pas reconnu par la communauté ostéopathique (il a été créé par un chiropracteur allemand) et le traitement proposé par manipulation cervicale va à l’encontre des recommandations de bonnes pratiques et d’éthique rédigées par l’association et dont sont signataires tous ses adhérents.
La systématisation des frénotomies est à déplorer. Nous rappelons ici que les frénotomies sont des interventions chirurgicales pratiquées exclusivement par des membres du corps médical (ORL, dentistes…), il conviendrait peut-être pour le collectif No Fakemed de débattre avec eux du bien-fondé ou non de leurs interventions.
Ces « experts », auteurs anonymes, semblent oublier que la médecine basée sur les preuves (Evidence Based Medecine) repose sur 3 piliers : la littérature scientifique, mais également les attentes des patients et l’expertise du praticien. Un ostéopathe certifié en ostéopathie périnatale et pédiatrique respecte l’alliance thérapeutique et place son patient (et ses parents) activement au centre d’une décision partagée, lui conférant des conseils et des explications appropriés et validés lui permettant d’être autonome et actif dans le processus thérapeutique. Il doit en outre justifier de 5 années de formation à temps plein, et d’une formation en périnatalité et pédiatrie d’au moins 140 heures pour prétendre à être membre de la SEROPP.
Le collectif No FakeMed ne semble donc pas avoir jugé utile d’appliquer la rigueur scientifique et l’éthique, dont elle reproche l’absence chez les professionnels de l’ostéopathie périnatale et pédiatrique, dans l’élaboration de sa tribune affligeante.
Les auteurs, à coup d’injonctions et de fausses informations, insultent l’intelligence des parents des nouveau-nés et nourrissons que nous soignons, ainsi que notre honnêteté et notre sens de l’éthique.
Ils affirment clairement vouloir faire disparaître l’ostéopathie périnatale et pédiatrique, sur la base d’arguments d’autorité infondés, sans aucune connaissance de la cause qu’ils prétendent combattre. Quels intérêts pourraient-ils servir, volontairement ou involontairement ?
La SEROPP ne peut évidemment pas empêcher la publication de ce genre de tribune ou « d’argumentaire » visant à diffuser des contre-vérités et approximations concernant l’ostéopathie émanant directement d’individus ou de collectifs d’individus. Elle sait qu’Internet et les réseaux sociaux en regorgent.
Il est par contre consternant de constater, comme cela a été le cas ces derniers mois, la facilité avec laquelle les détracteurs de l’ostéopathie trouvent des relais médiatiques complaisants.
Comment un quotidien historique prestigieux peut-il se rendre complice, à nouveau, de la diffusion de fausses informations, d’approximations, d’amalgames et d’erreurs de droit ?
Comment peut-on faciliter la diffusion d’accusations à charge, sans donner la parole aux professionnels de santé en périnatalité et pédiatrie qui travaillent avec succès en collaboration avec des ostéopathes et qui ont une toute autre opinion sur les résultats cliniques de ces derniers et sans donner suite à notre demande de droit de réponse comme cela a été le cas la fois précédente ?
La SEROPP rappelle par ailleurs qu’elle est disponible pour apporter son expertise auprès des médias souhaitant diffuser une information objective et documentée dans le domaine de l’ostéopathie périnatale et pédiatrique. Elle est dotée d'un conseil scientifique (composé notamment de praticiens hospitaliers, professeurs d’universités, pédiatres, etc.) et est membre de l’Osteopathic International Alliance (OIA) reconnue comme interlocuteur officiel par l’OMS.
Le bureau de la SEROPP
avec tous nos remerciements pour l’aimable participation de Gianni Marangelli, ostéopathe D.O.