24 Juin 2013
|Un climat de forte insécurité s'est installé dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) au cours des dernières semaines alors que de nouvelles initiatives politiques et militaires sont en cours. Le sort de milliers de familles dans les provinces touchées par les conflits demeure tributaire du comportement des forces et groupes armés en présence.
« Des témoignages font état d’attaques indiscriminées et très violentes contre des civils ainsi que de tensions intercommunautaires de plus en plus vives, s'inquiète Franz Rauchenstein, chef sortant de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en RDC. Après plus de quatre ans passés dans le pays, je regrette de partir sans avoir pu constater une amélioration du respect de la vie et de la dignité des populations civiles dans les zones de conflit. Au contraire, les actes de violence à l'encontre de la population civile, notamment les meurtres et les violences sexuelles, restent à un niveau très préoccupant et jettent régulièrement sur les routes des milliers de familles », ajoute M. Rauchenstein.
Chirurgie de guerre
Dans ces régions, les médecins et les chirurgiens doivent régulièrement prendre en charge des blessures de guerre très complexes. Ils disposent cependant de moyens souvent très limités pour traiter les blessés. C’est la raison pour laquelle le CICR a organisé, du 11 au 13 juin, à Bukavu (Sud-Kivu), un séminaire de chirurgie de guerre, auquel ont participé une cinquantaine de praticiens opérant dans les principaux hôpitaux des provinces du Nord et Sud-Kivu. Différents thèmes y ont été abordés : la balistique lésionnelle, la gestion d’un afflux massif de blessés, l'hygiène et les techniques de pansement, ou encore la réhabilitation physique pour les amputés des membres inférieurs. Pour certains jeunes médecins, ce séminaire a aussi été l’occasion d'échanger avec des confrères plus expérimentés. « J’ai appris des techniques que je ne connaissais pas, comme le nouveau protocole de prise en charge des fractures », explique le Dr Justin Bahati, de l’hôpital de référence de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu. « Je croyais que pour faire de grandes choses, il fallait avoir un équipement important. Mais je réalise qu’avec des moyens limités, je peux soigner des blessures de guerre en faisant l’essentiel », explique le Dr Achacha Frez, de l’hôpital général de Fizi, dans la province du Sud-Kivu.
Déplacements à Walikale
Comme dans d'autres régions, les habitants du territoire de Walikale (Nord-Kivu) subissent de plein fouet les conséquences des affrontements entre groupes armés. Les personnes déplacées sont de plus en plus nombreuses. François (nom d’emprunt), un habitant de Bunyampuri, explique : « Souvent, nous fuyons les combats pour nous réfugier dans des localités où vivent des membres de nos familles ou des amis. Ils nous accueillent chez eux, et ceux qui ont du terrain nous donnent parfois un endroit pour construire un abri. » Une foire aux articles ménagers a été mise en place sur l’axe Walikale-Kibua pour soutenir les déplacés et les familles d’accueil des villages de Luvungi, Kembe et Bunyampuri, entre Walikale et Goma. Zawadi (nom d’emprunt) vient de Pinga. Elle a été accueillie par une cousine à Luvungi : « Nous avons tout perdu lors de nos déplacements. Aujourd'hui, nous pouvons nous rééquiper et améliorer quelque peu nos conditions de vie. » Chaque famille a reçu des coupons pour acheter des biens de son choix – matelas, vélos ou ustensiles de cuisine. Une quarantaine de volontaires de la Croix-Rouge de la RDC ont été mobilisés à cette occasion.
Le réseau d’approvisionnement en eau de la ville de Walikale a été réhabilité, en partenariat avec la Régie de distribution d’eau (REGIDESO). Le CICR a également négocié des prix plus bas avec la REGIDESO. « Avant, 40 litres d’eau coûtaient 100 francs congolais ; aujourd’hui, nous payons 50 francs congolais pour 120 litres. Nous ne risquons plus notre vie pour aller puiser de l’eau dans la rivière Lowa, où plusieurs personnes se sont noyées », explique Anuarite (nom d’emprunt), une jeune mère qui habite en ville.
Poste de premiers secours pour les migrants
Récemment, plusieurs dizaines de milliers de Congolais qui travaillaient en Angola, notamment dans les mines de diamant ou le petit commerce, sont retournés en RDC suite à la signature d’accords de frontière entre les provinces du Kasaï occidental (RDC) et de Lunda Norte (Angola). Le CICR et la Croix-Rouge de la RDC se sont mobilisés pour venir en aide aux Congolais de retour chez eux. Ceux-ci sont rentrés principalement par les postes frontaliers de Kamako et Mayanda, deux petites villes du territoire de Tshikapa qui ne disposent pas de ressources et d'infrastructures suffisantes pour accueillir un nombre aussi élevé de personnes.
Avec le soutien du CICR, une équipe de volontaires de la Croix-Rouge de la RDC gère aujourd'hui un poste de secours à la frontière de Kamako. « C’est la première fois que la Croix-Rouge installe un poste de secours en dehors de la capitale, Kananga », explique Aaron, responsable de la gestion des catastrophes à la Croix-Rouge de la RDC pour la province du Kasaï occidental.
Le poste est équipé de matériel de secours d’urgence. Trois équipes de sept secouristes se relaient pour assurer un service permanent à la frontière. Depuis sa mise en service le 22 mai dernier, les volontaires de la Croix-Rouge ont secouru 40 personnes de retour de l’Angola. Toutes ont ensuite été transférées vers les centres médicaux de Kamako pour y recevoir des soins.
Renforcement de l'action humanitaire
L'accès aux populations demeure un défi quotidien, en raison notamment des conditions de sécurité et des contraintes logistiques. Dans cette phase difficile, le CICR fait tout son possible pour maintenir sa présence auprès des communautés, tout en renforçant son dialogue avec les forces et les groupes armés ainsi qu’avec les divers représentants des communautés locales. Grâce à la rallonge budgétaire de 10 millions de francs suisses approuvée en mai dernier, le CICR a pu se doter de moyens supplémentaires pour la prise en charge des blessés de guerre et élargir son action, notamment dans la province du Katanga.
Au cours de dernières semaines, le CICR a également :
- distribué des vivres (riz, haricots, huile de sauge) à plus de 6000 personnes déplacées ou familles accueillant des personnes déplacées dans la région de Kamango, dans le Grand Nord (Nord-Kivu), à proximité de la frontière avec l'Ouganda. Parmi elles, plus de 4000 ont fui par crainte de la vague d’enlèvements qui sévit dans la région. Elles ont également reçu des articles de première nécessité, tels que des couvertures, des ustensiles de cuisine, des produits d'hygiène ou des houes. C’est la première fois que le CICR parvient à distribuer des secours dans cette région difficile d'accès ;
- construit un réseau d'approvisionnement en eau potable, de la source jusqu’aux 23 bornes fontaines, pour 15 000 habitants du groupement de Runingu (20 localités de la plaine de Ruzizi, au Sud-Kivu) ;
- démarré les travaux de construction d'une « maison d'écoute », où les victimes de violences – notamment sexuelles – seront recueillies et prises en charge par des assistants psychosociaux. Ce centre, situé à Matutira, dans l'extrême nord du Sud-Kivu, sera géré par une association locale.