13 Octobre 2012
|Au sein d’un consortium international, des équipes de l’INRA, du CNRS, des universités de Lorraine et d’Aix-Marseille ont séquencé le génome du champignon de Paris (Agaricus bisporus). Les chercheurs ont identifié les mécanismes génétiques en jeu dans la formation de ce champignon et ses capacités d’adaptation au milieu dans lequel il vit. Plus largement, ces travaux permettent de mieux comprendre le rôle des champignons forestiers dans les processus de recyclage du carbone dans l’environnement. Publiés la semaine du 8 octobre 2012 dans la revue PNAS, ces résultats conduiront également à améliorer la culture industrielle du champignon de Paris.
Depuis plus de 300 ans, le processus de fructification du champignon de Paris est maîtrisé dans les champignonnières à des fins alimentaires. La production mondiale dépasse les 1 400 000 tonnes dont plus de 100 000 tonnes par an pour la France (essentiellement dans la région du Val de Loire). À l’état sauvage, le champignon de Paris est plutôt rare et pousse principalement sur les litières dans les forêts (surtout de cyprès) et les prairies.
Dans le cadre d’un vaste projet de séquençage d’une trentaine de génomes de champignons saprophytes1 mené aux États-Unis par le Joint Genome Institute, des
équipes de l’INRA, du CNRS, des universités de Lorraine et d’Aix Marseille2 ont analysé le génome de deux variétés d’Agaricus bisporus, le champignon de Paris (ou champignon de couche) très proches génétiquement ; l’une poussant dans un désert californien et l’autre utilisée en culture.
En comparant le répertoire de gènes de ces Agarics avec ceux de plusieurs champignons xylophages (qui dégradent le bois mort), les chercheurs ont mis en évidence différents mécanismes enzymatiques propres au champignon de Paris. Ces processus spécifiques lui permettent de survivre et de proliférer sur un milieu complexe très riche en acides humiques freinant la croissance de la plupart des autres micro-organismes. Ces acides s’accumulent dans l’humus des litières forestières, des prairies ou le compost dans les champignonnières, sur lesquels poussent abondamment les champignons de Paris.
L’utilisation efficace de cette matière organique nécessite un arsenal d’enzymes de détoxication et de dégradation particulièrement performant. Ainsi, l’étude révèle, chez le champignon de Paris, l’existence de 24 formes d’une peroxydase (une enzyme permettant l’oxydation) particulièrement efficace dans la dégradation des acides
1 Les champignons saprophytes se développent sur les feuilles et les bois morts, les cadavres, etc. Ces décomposeurs jouent un rôle essentiel dans l'écologie des milieux forestiers et des prairies.
2 Les unités de recherche impliquées : « Interactions Arbres/Microorganismes » (INRA/Université de Lorraine), « Mycologie & Sécurité des Aliments » de l’INRA ; « Architecture et Fonctions des Macromolécules Biologiques » (CNRS/Aix-Marseille Université)
humiques, là où les champignons xylophages n’en présentent qu’une seule. Ces résultats permettent de mieux comprendre comment les champignons décomposeurs du bois et d’humus, en agissant de concert, jouent un rôle écologique majeur et assurent le recyclage du carbone dans l’environnement. Ces travaux confirment également le lien entre la niche écologique de ces champignons et leur patrimoine génétique.
Par ailleurs, les scientifiques ont identifié un ensemble de facteurs génétiques contrôlant la croissance et la formation du champignon de Paris. Ouvrant la voie à de nouvelles améliorations génétiques de cette espèce, ces résultats aboutiront à la sélection de nouvelles souches pour la filière agro-alimentaire.
Référence :
“Genome sequence of the button mushroom Agaricus bisporus reveals mechanisms governing adaptation to a humic-rich ecological niche”, Morin et al.
Proceedings of the National Academy of Sciences, en ligne la semaine du 8 octobre 2012