25 Février 2012
|Un M2 réservé à quelques-uns pour des actes relevant déjà de la compétence de tous les orthophonistes, la FNO avait bien compris, le ministre de la Santé abat enfin les cartes !
Le courrier adressé par Nicole DENNI-KRICHEL, présidente de la Fédération Nationale des Orthophonistes, est repris ci-dessous, dans son intégralité.
Monsieur le Ministre
Par courrier du 16 février vous nous informez de votre interprétation des pratiques avancées en orthophonie.
Nous nous permettons d’attirer votre attention sur la définition des pratiques avancées que donne monsieur Laurent HENART dans son rapport.
Selon lui, la pratique avancée :
- intègre recherche, éducation, pratique et organisation ;
- implique un haut degré d’autonomie professionnelle ;
- repose sur le suivi individuel des patients ;
- fait appel à des compétences élargies dans le domaine de l’évaluation clinique, de l’application du jugement clinique et du raisonnement diagnostic ;
- implique la mise en oeuvre du processus de consultation ;
- implique des actions de planification, de mise en oeuvre et d’évaluation de projets ;
- positionne le professionnel comme une ressource de première ligne pour les usagers.
« Une pratique avancée renvoie à un double concept :
- pratique : centrée de manière privilégiée sur le domaine de la pratique clinique ;
- avancée : impliquant que cette pratique se distingue de la pratique habituelle. »
Depuis la modification du décret 2 mai 2002 définissant les missions et les actes effectués par les orthophonistes, suivie de la refonte de la nomenclature générale des actes professionnels du 28 juin de la même année, la pratique orthophonique peut parfaitement illustrer la définition des pratiques avancées du rapport Hénart.
Depuis le dernier arrêté définissant le contenu de la formation initiale des orthophonistes, les champs d’intervention de l’orthophonie ont été mieux définis, les techniques ont évolué, les progrès des sciences fondamentales dans lesquels l’orthophonie puise ses modèles théoriques d’intervention ont été intégrés dans la pratique professionnelle.
Il convient donc de procéder à une actualisation de la formation initiale.
Les orthophonistes ont développé une formation continue particulièrement riche, variée, et largement fréquentée. Elle leur permet de conforter leurs connaissances théoriques et pratiques, de les mettre à jour pour que leur développement professionnel continu reste au plus près des besoins de leurs patients en fonction de l’évolution des techniques et des apports des sciences dont se nourrit la pratique orthophonique.
Cela ne peut remplacer une formation initiale complète dont la formation continue n’a pas vocation à suppléer les lacunes.
La Fédération Nationale des Orthophonistes a donc pris connaissance avec intérêt de la réponse au directeur de Cabinet du ministre de l’Emploi, du Travail et de la Santé.
Nous partageons l’attachement qu’ont porté les quatre représentants de la FSM, membres des conseils nationaux professionnels consultés, « à voir garanti un égal accès de tous à des soins d’orthophonie de proximité, et à l’importance de maintenir une formation socle de qualité pour tous les orthophonistes permettant d’assurer cette présence et des soins de qualité pour l’ensemble de la population. »
Nous ne pouvons cependant souscrire aux propositions de pratiques avancées telles que proposées par la FSM. En effet, les champs proposés sont déjà inclus dans le décret d’actes des orthophonistes, plus particulièrement dans les articles R.4341-2 et R4341-3 du Code de la Santé Publique. Ils font donc naturellement partie de l’exercice de tout orthophoniste généraliste et tout citoyen doit pouvoir bénéficier des compétences d’orthophonistes généralistes aptes à pratiquer une évaluation cognitive, à traiter une dysphagie, à prendre en charge les troubles relevant de son décret d’actes dans le cas d’une maladie dégénérative ou d’une surdité. Ces actes figurent par ailleurs au sein de certains libellés de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels permettant la participation de l’Assurance Maladie au remboursement des traitements orthophoniques.
Dans son courrier, monsieur le Président de la FSM précise « Quant à l’intérêt de formations spécialisées, susceptibles de contribuer au développement de champs de pratiques avancées et à une universitarisation complète de cette importante profession de santé, et sous réserve du respect des enjeux de santé publique énoncés plus haut, les quatre spécialités ont convenu qu’il était important que celles-ci se développent, sans limiter naturellement le champ d’exercice du métier socle. »
La FSM rejoint les réserves du rapport de monsieur Laurent HENART mentionnées en page 8 dans sa proposition n°2 « Conforter et développer les métiers socles : Ce pré-requis consiste à stabiliser d’abord les métiers socles, à en faire évoluer les contours et l’envergure et si nécessaire les niveaux de formation, bref à en tirer tout le potentiel au regard des nouveaux besoins en santé. »
Vous aurez bien noté que les propositions de la FSM portent sur les points suivants :
- les troubles de la déglutition et leur prévention ;
- l’évaluation des troubles cognitifs avec une approche thérapeutique ;
- des compétences des orthophonistes transversales, sans aller vers des compartiments par domaine cognitif ;
- approfondir un domaine particulier d’exercice ou un niveau de maitrise supplémentaire du traitement du langage oral ou écrit ;
- la surdité de l’enfant ;
- les troubles de la déglutition du jeune prématuré, des malformations cranio-faciales ainsi que ceux liés à des séquelles post chirurgicales.
- la prise en charge de l’évolution de maladies neurodégénératives telles que la sclérose latérale amyotrophique ou la maladie de Parkinson et de la maladie d’Alzheimer.
Dans leur pratique quotidienne et dans le respect de leur décret d’actes, les orthophonistes évaluent les troubles cognitifs de leurs patients porteurs de troubles du langage oral et écrit, ils accueillent et dispensent leurs soins aux personnes atteintes de maladie dégénératives, Parkinson, Alzheimer mais aussi SLA et SEP, ils interviennent auprès de personnes âgées présentant des dysphagies, enfin, la surdité ou les troubles de la déglutition et de l’oralité de l’enfant quels que soient son âge et son handicap, relèvent aussi de la pratique des orthophonistes qui fait l’objet d’une participation de l’Assurance Maladie.
Ces interventions ne se distinguent pas de la pratique habituelle bien que centrées de manière privilégiée sur le domaine de la pratique clinique.
Ainsi, la réponse de la FSM consistant à tenter de satisfaire l’objet de votre demande s’inscrit par construction dans le schéma que vos services ont proposé à la profession le 28 octobre 2011. Cette construction a provoqué une vive réaction des orthophonistes qui l’ont analysée comme la création d’une « orthophonie à deux vitesses ». Vos dernières propositions nous confortent dans cette analyse.
Proposer à une partie des orthophonistes un niveau de formation complémentaire pour l’exécution d’actes que tout orthophoniste est déjà autorisé à exécuter revient à créer une orthophonie de spécialistes ou d’experts, ce que nous qualifions « d’orthophonie à deux vitesses. »
Nous nous permettons de vous rappeler une proposition du rapport Hénart en page 8 intitulée « Imposer la démarche métier : les professions de santé restent encore marquées par des lignes de force récurrentes telles que la primauté du diplôme, l’exigence d’un lien direct entre le diplôme détenu et la profession exercée ou la nette suprématie de la formation initiale. La question centrale est celle de la nature des besoins de la population et des différentes manières d’y répondre. A l’enchaînement diplôme → métier, la mission propose de substituer systématiquement le suivant : besoin → activités → compétences → métier → formation →diplôme. »
C’est exactement la démarche que vous avez choisie en nous imposant une méthodologie, commune à l’ensemble des professions paramédicales, afin de déterminer le niveau nécessaire à l’autorisation d’exercice de la profession. Nous en avons respecté toutes les étapes et votre ministère a validé les référentiels activités et compétences. A partir de ces référentiels, nous avons construit sous le contrôle du ministère de l’Enseignement supérieur, tutelle de notre formation initiale, un référentiel formation qui est finalisé.
Nous demandons donc que la règle initiale établie soit respectée et que le processus entrepris soit mené à son terme, en toute objectivité, sans considération parasite de nécessité de niveau commun à l’ensemble des professions relevant du livre 3 du Code de la Santé Publique.
L’orthophonie, comme toutes les professions de santé, doit pouvoir évoluer à son rythme et selon les exigences de qualité de soins que sont en droit de recevoir nos concitoyens en attente de soins conformes aux données les plus récentes de la science.
Monsieur le Ministre, vous avez en face de vous une profession unie et déterminée à faire valoir son droit à une formation initiale de qualité répondant à des critères objectifs fixés par le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé. Vous ne pourrez imposer à cette profession une formation initiale qu’elle refuse, ce d’autant plus que 50% des enseignements théoriques sont assurés par les orthophonistes eux-mêmes et que ces mêmes orthophonistes accueillent la formation pratique.
Monsieur le Ministre vous pouvez avoir à côté de vous une profession volontaire, passionnée et engagée dans une démarche qualité, plus que jamais convaincue de la nécessité de mettre en oeuvre une formation initiale rénovée adaptée aux contraintes d’une harmonisation européenne, conforme aux exigences du métier d’orthophoniste.
Nous restons à votre disposition, une fois le processus de réingénierie achevé avec le ministère de l’Enseignement supérieur, pour reconsidérer le niveau de délivrance du diplôme autorisant l’exercice professionnel de l’orthophonie.
Nous vous prions d’agréer, monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Nicole DENNI-KRICHEL
Présidente