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L'immunodéficience liée à l'infection par le VIH augmente le risque de cancer

Une vaste étude prospective réalisée à partir des patients inclus dans la base de données hospitalière française sur l'infection à VIH (ANRS CO4) apporte la démonstration que le déficit immunitaire joue à lui seul un rôle majeur dans la survenue des cancers classants SIDA et non classants SIDA chez les patients séropositifs. Les résultats de cette étude, publiés aujourd'hui sur le site du journal Lancet Oncology (1), indiquent en effet que plus le déficit immunitaire est prononcé et plus le risque de cancer augmente, ceci de façon indépendante des autres facteurs de risque éventuels. Cette observation plaide en faveur d'un diagnostic et d'une mise sous traitement précoce des personnes infectées par le VIH. Elle souligne également que l'objectif du traitement ne doit pas seulement être la diminution de la charge virale mais le maintien ou la restauration du nombre de lymphocytes CD4 au-dessus de 500/mm3. Cette étude est la première qui mesure le risque de survenue propre à chacun des cancers les plus fréquents chez les personnes séropositives.

Depuis l'introduction des multithérapies antirétrovirales en 1996, les cancers sont devenus la première cause de décès chez les patients infectés par le VIH. Parmi ces patients, le risque de cancer est deux à trois fois supérieur à celui de la population générale. Vaste cohorte prospective lancée en 1992 dans 62 hôpitaux principalement universitaires, la base de données hospitalière française sur l'infection par le VIH (ANRS C04) a permis d'étudier le rôle spécifique de l'immunodéficience liée au VIH, de la réplication virale et des traitements antirétroviraux sur la survenue de 7 cancers chez les patients infectés par le VIH. Trois sont des cancers figurant parmi la liste des pathologies définissant le sida : le sarcome de Kaposi, le lymphome non-hodgkinien et le cancer du col de l'utérus ; quatre sont des cancers non classant sida les plus fréquents chez les patients infectés par le VIH : le lymphome hodgkinien et les cancers du poumon, du foie et du canal anal.

Cette étude a concerné 52278 patients suivis entre 1998 et 2006 (durée médiane de suivi de 4,9 ans) ; elle présente ainsi une puissance statistique inégalée. Cela a notamment permis d'évaluer, non pas le risque global de cancer comme dans les études précédemment publiées, mais le risque propre à chacun des cancers étudiés. Pour chacun d'eux, des associations ont été recherchées avec le degré de l'immunodéficience (mesurée par le nombre de CD4/mm3) et de la réplication virale (déterminée par la charge virale ARN VIH), et en fonction de la prise ou non d'une combinaison d'antirétroviraux.

Les résultats montrent une association indépendante entre l'immunodéficience et le risque de survenue de cancers : en dessous de 500 CD4/mm3, plus le nombre de ces cellules est bas et plus le risque de cancer est élevé. Le nombre de CD4 ressort ainsi comme étant le facteur le plus prédictif pour tous les cancers étudiés, excepté le cancer du canal anal.

Parmi les trois facteurs de risques étudiés, l'immunodéficience apparaît être le seul facteur de risque identifié pour le lymphome hodgkinien et les cancers du poumon et du foie. Une association avec une charge virale non contrôlée est par ailleurs retrouvée vis-à-vis du sarcome de Kaposi et du lymphome non hodgkinien. Pour ces deux cancers, ainsi que pour le cancer du col de l'utérus, la prise d'un traitement antirétroviral est associée à une diminution du risque de survenue de ces pathologies malignes, et ce indépendamment de l'effet des traitements sur l'immunodépression et la réplication virale. Enfin, pour le cancer du canal anal, ce sont le temps cumulé avec des CD4 inférieurs à 200/mm3 et une charge virale supérieure à 100000 copies/ml qui sont associés à une augmentation du risque de survenue.

Les résultats issus d'une autre cohorte de l'Agence Nationale de Recherches sur le sida et les hépatites virales, la cohorte Aquitaine (ANRS C03), montrent également l'influence majeure du déficit immunitaire vis-à-vis du risque de cancer chez les patients infectés par le VIH. Ces résultats viennent d'être publiés dans la revue Clinical Infectious Diseases (2).

Pour le Dr Dominique Costagliola (Directrice de l'Unité mixte Inserm/Université Pierre et Marie Curie 943 « Epidemiologie, stratégies therapeutiques et virologie cliniques dans l'infection a VIH »), qui a dirigé l'étude, « il apparaît clairement qu'une immunodéficience, même modérée, est associée à une augmentation du risque de cancers chez les personnes infectées par le VIH. De surcroît, à l'exception du cancer du canal anal, ce risque apparaît réversible lorsque les lymphocytes CD4 remontent. Il est donc indispensable d'obtenir chez ces patients, avec les traitements antirétroviraux, une restauration immunitaire et un maintien de celle-ci au-dessus de 500 CD4/mm3. Cela plaide également en faveur d'un diagnostic de l'infection et d'une mise sous traitement précoces. Enfin, ces résultats renforcent l'intérêt du dépistage régulier du cancer du col de l'utérus pour les femmes séropositives ».

(1)                 M. Guiguet, F. Boué, J. Cadranel et al. Effect of immunodeficiency, HIV viral load, and antiretroviral therapy on the risk of individual malignancies (FHDH-ANRS C04): a prospective cohort study. www.thelancetoncology.com, published online October 8, 2009 DOI : 10.1016/S1470-2045(09)70282-7.

(2)                 Bruyand, M., R. Thiebaut, et al. "Role of Uncontrolled HIV RNA Level and Immunodeficiency in the Occurrence of Malignancy in HIV-Infected Patients during the Combination Antiretroviral Therapy Era: Agence Nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS) CO3 Aquitaine Cohort." Clinical Infectious Diseases 2009; 49(7): 1109-1116.