altUn consortium de scientifiques et la start-up PlatOD ont mis au point un dispositif expérimental capable de produire en quelques heures une grande quantité de plaquettes sanguines, des cellules indispensables à la coagulation du sang. S’appuyant sur des écoulements microfluidiques, la technologie mime les conditions naturelles de production de ces cellules à partir de leurs précurseurs médullaires, les mégacaryocytes. Elle laisse entrevoir de nouvelles sources d’approvisionnement en plaquettes pour la transfusion des malades.

Qu’ont en commun une leucémie, une aplasie médullaire, une chimiothérapie et une radiothérapie ? Toutes ces maladies hématologiques et ces traitements lourds affectent plus ou moins sévèrement la moelle osseuse, lieu de production des cellules sanguines, et entraînent une chute du nombre de ces cellules. Transfuser régulièrement les patients avec des produits sanguins devient une priorité absolue, pour notamment renouveler le stock de plaquettes sanguines. Ces petites cellules dépourvues de noyaux sont indispensables à la coagulation du sang. Elles jouent un rôle essentiel dans l’hémostase - le maintien du sang dans l’organisme - en arrêtant ou empêchant les hémorragies grâce à la formation d’un caillot. Face à l’augmentation des chimiothérapies et des transplantations de moelle osseuse, les besoins en dons de plaquettes explosent, d’autant plus que ces cellules ne se conservent que cinq jours après un don.

C’est pour répondre à cette demande croissante en plaquettes que s’est créé un consortium rassemblant des chercheurs du laboratoire Gulliver1, des biologistes et médecins des universités Paris Descartes et Paris Diderot, de l’Inserm et de l’AP-HP, et des membres de la start-up PlatOD, start-up innovante issue du secteur de la biologie des plaquettes. Ensemble, ils ont travaillé à la mise au point d’un dispositif micrométrique innovant2, capable de produire des plaquettes sanguines en quelques heures et en grande quantité. La technologie fait intervenir des écoulements microfluidiques mimant les conditions de production naturelle des plaquettes.

Dans l’organisme, les plaquettes sont issues de précurseurs médullaires, les mégacaryocytes. Au cours de leur maturation, ces cellules géantes migrent jusqu’à la paroi des capillaires sanguins qui irriguent la moelle osseuse. Sous l’action de l’écoulement sanguin, le cytoplasme des mégacaryocytes se fragmente et libère des milliers de plaquettes dans la circulation sanguine. Le dispositif développé par le consortium comprend un microcanal équipé d’une forêt de micropiliers, dans lequel les chercheurs perfusent une solution de mégacaryocytes. Recouverts par une protéine de la paroi des vaisseaux sanguins reconnaissant spécifiquement la membrane des mégacaryocytes, les piliers retiennent les cellules par adhérence. Piégés dans l’écoulement, les mégacaryocytes subissent alors des forces hydrodynamiques favorisant leur élongation. Leur cytosquelette se réorganise sous la forme de colliers de perles et le cytoplasme se fragmente en libérant régulièrement des plaquettes dans le flux de la perfusion.

Jusqu’à présent, les dispositifs d’écoulements microfluidiques développés par les spécialistes du domaine ne produisaient que de faibles quantités de plaquettes, incompatibles avec une caractérisation biologique approfondie. Grâce à la grande quantité de plaquettes produites par ce nouveau système au cours des premiers essais, les chercheurs ont pu démontrer la conservation de l’état fonctionnel de ces plaquettes à la sortie du petit bioréacteur et leur sensibilité à une activation chimique. Les plaquettes produites seraient donc aptes à remplir leur rôle antihémorragique.

Bien que de nombreuses études restent à mener (tests de coagulation in vivo chez l’animal puis essais cliniques), ces travaux laissent espérer de nouvelles sources d’approvisionnement en plaquettes à grande échelle pour la transfusion sanguine.

Principe du dispositif expérimental : la solution de mégacaryocytes est perfusée dans un microcanal rempli d’une forêt de micropiliers (a). Grâce à une interaction spécifique entre une protéine qui recouvre la paroi des micropiliers et la membrane des mégacaryocytes, les cellules sont piégées dans l’écoulement microfluidique (b) et se réorganisent sous l’effet de l’écoulement, jusqu’à leur fragmentation et la production de plaquettes (c).

1Laboratoire Gulliver (CNRS/ESPCI Paris).

2 Brevet EP13306582.1 19/11/2013 – demande Internationale WO2015075030.

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