Valves cardiaques biologiques : Bilan 2001-2011 des incidents de matériovigilance - Point d'information 

Les valves cardiaques

En cas de dysfonctionnement ou d’endommagement des valves cardiaques (sténose aortique, insuffisance mitrale), il est possible de procéder à leur remplacement par la mise en place d’une valve mécanique ou biologique, par voie chirurgicale ou percutanée. En 2009, 14 444 valves cardiaques (mécaniques et biologiques) ont été posées en France (statistiques PMSI).

Les valves mécaniques présentent une bonne durabilité mais compte-tenu du risque élevé de formation de thrombus, elles imposent le suivi d’un traitement anticoagulant équilibré à vie. Elles sont principalement destinées aux patients « jeunes ». Les valves cardiaques biologiques, fabriquées à partir de tissu porcin, bovin ou équin présentent l’avantage de ne pas nécessiter de traitement anticoagulant à long terme. Cependant, la durabilité des valves biologiques (12 – 15 ans) qui subissent un traitement chimique est moins bonne que celle des valves mécaniques. Elles sont implantées chez des patients de plus de 65 ans (donnée HAS) ou chez les patients qui présentent des contre-indications aux anticoagulants.

La principale différence entre le tissu porcin et le tissu bovin ou équin est la partie animale utilisée pour la fabrication des valves. Les valves d’origine porcine sont fabriquées à partir de valve native de porc alors que les valves d’origine bovine ou équine sont montées à partir de péricarde. A diamètre équivalent, la surface utile d’ouverture de l’orifice de valve montée à partir de péricarde est plus grande que celle d’une valve porcine. Cependant, à ce jour, il n’existe pas de réel critère permettant d’orienter le choix de médecin vers un type de valve uniquement sur la base de l’origine du tissu de la valve.

On recense 6 fabricants de valves biologiques, notamment sur la base des communications réalisées lors de la mise sur le marché français des DM de classe IIb, III et DMIA suivant le décret n°2002-1221 du 30 septembre 2002. Les valves peuvent être d'origine équine, bovine ou porcine. Le marché semble être composé d'un peu plus d'une vingtaine de modèles de valves. Un seul modèle est d'origine équine, le reste des modèles sont à peu près à part égal d'origine bovine et porcine. Les volumes de vente recueillis auprès des fabricants et distributeurs pour les années 2009 et 2010 portant sur environ 14.000 dispositifs montrent que le marché se répartit pour 30% de valves cardiaques d'origine porcine et 70% de valves d'origine bovine. Les valves d'origine équines sont implantées seulement à quelques unités par an.

Les fabricants répertoriés sont les suivants : Edwards Lifescience, LabcorMedtronic,  Shelhigh, Sorin Biomedica Cardio, St Jude Medical.
Nous nous intéresserons ici à l’ensemble des valves cardiaques biologiques.

Complications liées à l’implantation des valves cardiaques biologiques

L’implantation de valves cardiaques expose à la survenue de complications post-opératoires telles que des désinsertions de la prothèse (lâchage de sutures, endocardite), des complications thrombo-emboliques, des endocardites (précoces ou tardives), des accidents hémorragiques, ou encore des dégénérescences des valves (calcifications, déchirure, sténose).

132 incidents toutes typologies d’incident confondues ont été enregistrés dans notre base de matériovigilance entre 2001 et 2011 dont 2 incidents survenus en Irlande.

102 incidents rapportent des complications dont la cause a été identifiée. Il s’agit de cas de complications pré ou per-opératoires (32 cas) liés à la procédure de pose ou à des défauts qualité identifiés avant l’implantation de la valve et des complications post-opératoires (70 cas) telles que la dégénérescence de la valve, la rupture de l’anneau, des fuites, des troubles de la conduction, ou des infections sans rapport avec la valve.

30 incidents décrivent des cas d’endocardite ou suspicion d’endocardite dont la cause précise n’a pas été déterminée.

Focus sur les suspicions d’endocardite ou les cas d’endocardite avérés

Les endocardites sont des complications graves connues chez les porteurs de prothèses valvulaires. La plupart des cas ne sont pas déclarés en matériovigilance. Le nombre d’endocardites sur prothèse rapporté ne reflète en aucun cas la réalité. On différencie les endocardites post-opératoires précoces (2-3 mois après l’implantation) qui peuvent être la conséquence d'une contamination per-opératoire, des endocardites tardives survenant au-delà du 2ème ou 3ème mois post-opératoire, qui peuvent provenir d'un autre foyer infectieux (infection dentaire, orl, cancer digestif, ...). D’une manière générale, le taux d’endocardites est plus élevé dans la première année qui suit l’implantation.

30 cas d’endocardite ou suspicions d’endocardite tardive ont été enregistrés dans notre base de données (4 des incidents sont survenus en Irlande).

Plusieurs cas (22) de désinsertions tardives (15 à 30 mois post-implantation) ont été rapportés suite à l’implantation des valves Cryolife évoquant un tableau d’endocardite sans qu’aucun germe n’ait été retrouvé. Les lésions observées évoquaient un équivalent d'abcès au niveau de la zone d'implantation. La cause des désinsertions observées n’a pas été déterminée. L’hypothèse d’un relargage de glutaraldéhyde ou d’un métabolite du glutaraldéhyde à partir de la collerette de la valve à travers les fils de suture a été émise. Cependant, le glutaraldéhyde se dégradant rapidement au contact des tissus, cette hypothèse n’a pas pu être confirmée. La commercialisation de ces valves a été arrêtée.
En dehors des cas de désinsertion, 3 cas d’endocardite à candida albicans ont été rapportés. Ces incidents sont des complications connues. Une contamination de la valve avait été exclue compte-tenu du délai de survenue de l’endocardite (18 mois et 3 ans).

4 cas d’endocardites à mycobactérie ont été enregistrés. 2 cas d’infections à mycobactérie survenus en Irlande suite à l’implantation de valves fabriquées par la société Shelhigh. Par précaution et dans l’attente des résultats des investigations menées, l’Afssaps avait demandé aux établissements de santé de placer les valves en quarantaine. Les résultats des expertises n’ont pas permis de remettre en cause la qualité des valves, la quarantaine a donc été levée. La cause des endocardites n’a pas été identifiée.

2 cas d’endocardite à M.chelonae, apparus 7 et 18 mois après l'implantation des valves, ont été rapportés en 2011 chez 2 patients. Le 1er patient était porteur de 2 valves : une valve aortique Hancock de chez Medtronic et 1 valve mitrale de chez Labcor. Le 2ème patient était porteur d'une valve aortique de chez Labcor. Le diagnostic d’endocardite infectieuse liée à une contamination des valves cardiaques a été posé, à l’époque, sur la base de l’identification de M. chelonae par PCR sur les trois valves et des résultats des analyses histologiques. Une publication brésilienne décrivant des cas d’endocardite à M. chelonae apparus tardivement et probablement dus à une contamination de la valve porcine à M. chelonae avant implantation avait conforté l’hypothèse d’endocardite infectieuse.
L’autorité compétente brésilienne (ANVISA) a été contactée par l’Afssaps. Elle n’a pas eu connaissance des cas d’endocardite à M. chelonae décrits dans la publication brésilienne.

Aucun évènement similaire n’a été rapporté au fabricant ni à l’Afssaps sur ces valves. Une enquête a été réalisée par l’Afssaps auprès des quatre centres implanteurs de ces valves. Aucun autre cas d’endocardite infectieuse n’a été rapporté.
Au total, 400 patients répartis sur quatre établissements ont été implantés avec ces bioprothèses, en France, entre 2009 et 2010. Les autorités compétentes des autres pays européens ont été interrogées et elles n’ont ont signalé aucun cas similaire sur ces valves.
Des analyses microbiologiques complémentaires ont été réalisées :

  • par un laboratoire indépendant mandaté par le fabricant : les analyses microbiologiques ont été réalisées par mise en culture des valves de 3 lots de stérilisation différents des lots incriminés. Aucun germe n’a été identifié.
  • par les laboratoires de contrôle de l’Afssaps.

Les analyses microbiologiques ont été réalisées par mise en culture des valves et par PCR sur des valves provenant d’un lot récent et des valves des deux lots incriminés Les résultats définitifs seront connus le 6 mai 2011 mais sont négatifs à ce jour.

1 cas d’endocardite à cocci à gram + a également été rapporté (St Jude).

Conclusion

La revue des incidents déclarés en matériovigilance sur les valves cardiaques biologiques montre qu’il n’a pas été possible d’identifier la cause précise d’un certain nombre d’incidents de type endocardite ou suspicion d’endocardite. On remarque que ces incidents sont survenus suite à l’implantation de valves cardiaques biologiques d’origine porcine.
Une publication d’un article dans le Lancet le 30 avril 2011[1] rapporte un cas d’endocardite non infectieuse suite à la pose d’une bioprothèse valvulaire porcine pouvant être lié à une réaction immunoallergique contre la valve. L’immunologiste interrogé a émis des réserves quant à la possibilité de détecter de manière prédictive des sujets pouvant faire ce type de réaction. Une étude complémentaire sur ce sujet est en cours.

[1] A deadly aversion to pork - The Lancet, Volume 377, Issue 9776, Page 1542, 30 April 2011