Discours de Madame Nora BERRA, Secrétaire d'Etat à la Santé à l’occasion des Rencontres des Acteurs publics

Mesdames et Messieurs les Directeurs des administrations, et les Acteurs du renouveau du service public, Mesdames et Messieurs, Je suis particulièrement heureuse de me trouver parmi vous aujourd’hui, à l’occasion de ces Rencontres des Acteurs publics. Elles constituent en effet un moment d’évaluation et de prospective essentiel pour mieux comprendre les enjeux auxquels est confronté notre service public, et je vous remercie de m’y avoir conviée.

Après avoir affronté l’une des crises économiques et financières les plus dures de notre histoire, nous sommes plus que jamais convaincus de la nécessité d’une protection sociale performante pour sauvegarder et améliorer le principe de couverture universelle à laquelle les Français sont attachés.

Pour moi, le rôle de l’Etat est d’être le garant de ce système, de sauvegarder et d’améliorer constamment le socle social commun à tous les Français.
Cela est particulièrement vrai dans le domaine de la santé, dont j’ai la responsabilité, car il est un bien commun, universel, qui concerne chacun d’entre nous. Et c’est bien parce que la santé est l’affaire de chacun qu’elle est aussi l’affaire de l’Etat.

Dans le contexte de maîtrise budgétaire que nous connaissons, l’Etat doit être certes un gestionnaire plus que jamais rigoureux, puisqu’il agit avec des moyens publics, et qu’il est le garant des deniers publics. Cependant, je ne crois pas qu’il puisse se contenter de ce rôle de bonne gestion, même si cette mission qui lui incombe est essentielle. Sa vocation, c’est d’être un visionnaire, de gérer le présent en prévoyant constamment l’avenir. Pour prévoir cet avenir, il doit pour cela, en permanence, joindre à l’action l’évaluation de cette action.

C’est pourquoi les plus grandes réformes, comme celle issue des travaux du conseil National de la Résistance et mise en oeuvre par Pierre Laroque il y a 60 ans, ont permis la protection sociale de tous les Français. Mais elles doivent continuer à s’adapter aux évolutions de la société.

Le système de santé n’a ainsi pas attendu la RGPP pour se réformer. Depuis 20 ans, il n’a cessé de se réformer, de la création des Agences Régionales d’Hospitalisation par Alain Juppé, en passant par la tarification à l’activité pour les établissements de santé, et enfin, avec la mise en oeuvre récente des Agences Régionales de Santé.

L’esprit de la RGPP est d’abord d’améliorer le service rendu aux usagers, en revoyant notre organisation. Les économies en sont la conséquence, et non pas l’objectif. C’est bien cette vision de la RGPP qui nous anime. C’est pourquoi le rôle de régulation de l’Etat, le rapprochement de ses compétences et de celles de l’Assurance maladie ont été confortés par la mise en oeuvre d’une autorité déconcentrée au niveau régional, au plus près des besoins de nos concitoyens.

Mon propos, aujourd’hui, est de vous rendre compte de la réforme récente et actuelle de notre système de santé, dont le Président de la république a fait une de ses priorités. Mais je veux avant tout vous en rappeler le sens. L’enjeu, aujourd’hui, est double : car il s’agit à la fois d’apporter aux usagers plus de qualité et de sécurité, et de rendre notre système de santé plus efficace, plus performant. Et cela passe par une confiance accrue dans notre système, et la confiance, par plus de démocratie.

En effet, l’année 2011 est celle des patients et de leurs droits. Et je me considère moins comme la Ministre de la Santé que comme la Ministre des patients et de leurs droits. Il ne s’agit pas, en réformant, pour reprendre la formule de BERGSON, de « plaquer du mécanique sur du vivant », mais bien d’adapter des processus administratifs et techniques aux besoins des personnes.

I / La mise en oeuvre de la loi HPST et la création des ARS C’est précisément le but que nous avons recherché en mettant en oeuvre la loi Hôpital Patient Santé Territoire de juillet 2009, et en créant les Agences Régionales de Santé.

Tout d’abord, en modernisant les établissements de santé, nous avons voulu favoriser l’accès de tous à des soins de qualité, développer les grands enjeux de santé publique, et mieux répondre aux besoins de santé des Français.

Désormais, l’hôpital s’inscrit dans une offre de soins encore plus territoriale en s'adaptant à son environnement. Il doit prendre sa place dans les filières de soins, en relation avec les autres acteurs de santé.
Pour atteindre cet objectif, il a modifié son organisation interne, avec un pilotage médico-administratif accru.

Le deuxième point, c’est l’organisation de notre système de santé, qui passe par la création des ARS. En un an, les ARS se sont imposées. Elles constituent désormais l’institution administrative régionale unique dépendant des ministères chargés de la santé et de la solidarité, et de l’assurance maladie.

En effet, et c’est une originalité française que je souhaite souligner, l’ARS a réussi à regrouper sept structures administratives en une seule (ARH, DRASS, DDASS, URCAM, GRSP, MRS, CRAM). Les ARS ont donc bien
permis de décloisonner les compétences et les outils en matière d’administration de la santé en région.

Nous associons les usagers à la gouvernance du système, avec les conférences régionales de la Santé et de l’autonomie.
L’objectif de l’État, des pouvoirs publics, dans ce contexte, est véritablement de faire participer l’usager du système de santé à la gouvernance du système sanitaire : car il est l’usager des soins, l’usager du médicament. Il aspire donc légitimement à devenir l’acteur de sa propre santé, et c’est à l’Etat de faire de cette aspiration une réalité.

L’ARS permet d’avoir un pilotage de l’ensemble du système de santé : les cliniques privées, les hôpitaux, les professionnels de santé libéraux, les maisons de retraite qui doivent travailler ensemble… ce qui répond aux besoins et aux demandes des patients d’aujourd’hui.

Le parcours de soins du patient devient plus cohérent, continu, et simple, mais aussi beaucoup plus diversifié qu’avant : on va du public au privé, de l’hôpital à la maison de retraite.
Ainsi, à titre d’exemple, pour remédier aux questions de désertification médicale et de permanence des soins, les ARS vont mobiliser plusieurs outils touchant tant à la formation qu’aux aides à l’installation et à l’exercice regroupé.

1/ Les ARS s’appliquent à revaloriser la profession de médecin :
- Elles favorisent la régulation territoriale des flux de formation : nous avons mis en oeuvre la répartition quinquennale des postes d’internes par spécialité et par région.
- Nous avons fait évoluer le numerus clausus, en doublant le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre leurs études depuis 10 ans ; ils sont passés ainsi de 3 700 en 1999 à 7 400 en 2011. Les places supplémentaires sont affectées en priorité dans les zones sous dotées, comme l’ouest, le nord-ouest et le nord-est.
- Nous avons veillé aussi à mieux répartir les étudiants entre les différentes spécialités, avec un objectif de rééquilibrage entre les régions. Les flux d’internes seront ainsi progressivement adaptés aux besoins démographiques.
- Nous avons pris des mesures pour revaloriser la médecine générale, reconnue comme une spécialité comme une autre, grâce à une meilleure structuration de la filière universitaire et à la généralisation des stages en médecine libérale.

2/ Nous avons ajouté à ces dispositions des mesures incitatives à l’installation en expérimentant des aides à l’activité dans les zones sous denses. Ces aides ont permis, dans une certaine mesure, de stabiliser l’offre, voire de l’améliorer, même si cet effet reste limité, notamment dans les zones d’habitat rural très dispersé.

3/ Nous avons amélioré les conditions d’exercice des professionnels : je pense à l’exercice médical en cabinet secondaire, aux incitations financières en zone déficitaire, à la mise en place de structures d’exercice regroupé et coordonné avec les maisons de santé pluridisciplinaires.

C’est l’objectif, notamment, avec la création de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) : cette nouvelle société donne un cadre juridique nouveau aux professionnels de santé médicaux et  paramédicaux qui souhaitent travailler ensemble.

Pour aider à cette création, un service unique d’aide à l’installation des professionnels de santé a été mis en place par les ARS, depuis le 1er juillet.
Nous allons aussi inciter les médecins retraités à poursuivre leur activité, en particulier dans les zones qui manquent de médecins. Nous avons ainsi voulu favoriser le cumul emploi-retraite.

Nous allons enfin, mettre en place des mesures de simplification administrative, pour redonner du temps au médecin.
Vous le voyez, notre but est de renforcer l’attractivité de la médecine libérale de 1er recours, parce que tous les Français souhaitent avoir un médecin près de chez eux.

II / La réforme du médicament
La deuxième réforme que nous sommes en train de finaliser est celle du médicament.
Le drame du Mediator a en effet montré des défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament. Pour y répondre, une vaste concertation a eu lieu avec tous les acteurs des produits de santé au sein des assises du médicament. Ces travaux et les différents rapports qui nous ont été remis partagent le même objectif : notre police du médicament doit mieux assurer la sécurité des patients, et ainsi restaurer la confiance.

1/ Tout d’abord, nous avons décidé de lutter contre les conflits d’intérêt, et pour la transparence des décisions dans les différentes institutions en charge de la sécurité sanitaire des Français.
Désormais, un formulaire unique de déclaration publique d’intérêts (DPI) devra être rempli par les acteurs de la santé, qu’il s’agisse des experts externes et internes ou des associations de patients. Chaque agence sanitaire disposera d’une cellule de déontologie. L’ensemble des DPI pourra êtreconsulté sur une base de données publique.

Les règles de transparence seront strictement appliquées : quand, dans une réunion, un expert présent a un lien d’intérêt, les décisions et les avis pris lors de cette réunion doivent être frappés de nullité.
Toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients seront désormais publiques. Chaque industriel aura la responsabilité de publier sur son site internet, en annexe de ses comptes, l’intégralité de ces informations. Si les obligations de déclaration ne sont pas respectées, des sanctions seront appliquées.
Des personnes qualifiées, comme les représentants d’associations de patients, seront intégrées dans les commissions, et les débats seront rendus publics. Le nombre de membres au sein des commissions sera réduit, pour éviter une dilution des responsabilités, et ils seront renouvelés régulièrement. L’expertise interne sera également renforcée, tant quantitativement que qualitativement.

Le financement de l’Afssaps, qui s’appellera désormais l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sera désormais directement assuré par les subventions de l’Etat, qui percevra les taxes et les redevances de l’industrie pharmaceutique.

2/ Ensuite, nous avons voulu sécuriser le parcours du médicament, au bénéfice du patient.
Cela vaut dès l’autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) qui est donnée pour chaque médicament, et cela vaut tout au long de la vie du médicament. Ainsi, pour l’attribution de l’AMM nous voulons disposer de données comparatives avec le médicament de référence s’il existe. Et cette exigence nous allons la porter au niveau européen.

En attendant, au plan national, nous allons adopter dès à présent des règles plus exigeantes : pour être remboursé, le produit devra démontrer qu’il est au moins aussi bon que celui qui est déjà sur le marché, et remboursable.

Enfin, pour les médicaments présentant un Service Médical Rendu Insuffisant (SMRI), de nouvelles règles seront applicables : aucune prise en charge par la collectivité, donc pas de remboursement, sauf s’il y a un avis contraire du ministre, mais cet avis devra alors être motivé.

La notification d’un effet indésirable d’un médicament donnera lieu à un retour systématique. En outre, un dispositif de médiation sera mis en place au sein de chaque institution.
Sur chaque boîte de médicament seront inscrits le numéro vert d’appel et le site internet de l’Agence nationale de sécurité du médicament auxquels les patients peuvent s’adresser.

3/ Le troisième pilier de cette réforme, c’est la volonté de veiller à la meilleure information des patients et à une meilleure formation et information des professionnels de santé.
Un portail public du médicament sera créé afin d’offrir une information publique, indépendante et de qualité, et des campagnes d’information sur le médicament seront régulièrement lancées.

Il faut aussi renforcer la connaissance du médicament dans les formations initiales, mais également au cours de la formation continue.
La formation continue des médecins libéraux et des hospitaliers sera pour partie financée par un prélèvement provenant de l’industrie pharmaceutique.

Pour redonner au politique tout sa place dans le pilotage de la politique du médicament, un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire sera créé : il se réunira chaque semaine en comité opérationnel avec un représentant du ministre, et en comité stratégique tous les trimestres sous la présidence du ministre lui-même.
Nous soumettrons ce projet de loi au Parlement à l’automne. C’est une réforme d’ampleur, dans un seul et unique objectif, protéger le patient : la santé de chacun est l’affaire de tous.

III / Passage de notre système de santé à l’âge numérique
Enfin, je ne peux terminer ce propos sans évoquer un projet de réforme qui me tient tout particulièrement à coeur. Il concerne aussi bien l’avenir et la pérennité de notre système de santé que l’implication de plus en plus grande de l’usager de santé dans son rôle d’acteur de sa propre santé : il s’agit du nécessaire passage de notre système de santé à l’ère du numérique.

En effet, du point de vue de la santé publique, les technologies de l’information et de la communication offrent des outils incomparables pour faciliter la continuité et la permanence des soins, et répondre aux défis de la dépendance.

Celles-ci constituent également, du point de vue économique, une chance pour notre pays de constituer des filières industrielles innovantes et créatrices de valeur ajoutée dans le domaine de l’e-Santé.
Les principaux ingrédients d’une stratégie globale sont en voie d’être réunis avec, notamment, la relance du dossier médical personnel (DMP), qui sera un outil décisif pour la coordination des soins et l’amélioration des relations entre médecine de ville et médecine hospitalière.

Mais l’atout essentiel de ces technologies de l’information et de la communication, c’est de développer l’information et la participation des citoyens. Cela répond à la fois à des droits fondamentaux des citoyens, qui ont été réaffirmés dans le cadre « 2011, année des patients et de leurs droits » et à des impératifs cliniques et économiques, de façon à favoriser un recours raisonné au système de soins.

Mesdames et Messieurs, comme vous le voyez, l’organisation de notre système de soins n’a cessé d’évoluer depuis 20 ans, avec un objectif premier, celui du service rendu à l’usager.
Cet objectif demeure bien évidemment pour les années à venir et va de pair avec une gestion rigoureuse des deniers publics.

Je sais que c’est une préoccupation que partagent les responsables politiques et les responsables administratifs.
Notre responsabilité commune est de développer cette culture, et de ne jamais perdre, dans la conduite de la réforme, l’occasion de rappeler le sens de celle-ci.

Je vous remercie.