Monsieur le Directeur Général
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, tout d’abord, de saluer votre sens de l’engagement, parce qu’en vous voyant tous réunis autour de l’objectif commun de lutter contre le VIH/SIDA sous toutes les formes (sanitaire, social, sociétal), la première chose qu’il paraît nécessaire de rappeler, c’est votre mobilisation sans faille, votre implication quotidienne au service d’une cause à la fois historique mais malheureusement encore actuelle.

Oui je salue votre engagement, car c’est un véritable engagement de travailler avec AIDES, 1ère association française de lutte contre le SIDA, créée il y a plus d’un quart de siècle et reconnue très rapidement d’utilité publique.

C’est un véritable engagement de soutenir les personnes infectées et affectées par le VIH/SIDA, et de mobiliser des centaines de volontaires pour que le sida reste une priorité de santé publique.

C’est un véritable engagement d’être au coeur de la bataille, d’influer sur le cours des choses, de participer comme vous le faites aux politiques publiques, tout en gardant la liberté d’esprit nécessaire pour innover quand cela devient nécessaire.

Oui, c’est un véritable engagement, car cela demande de la persévérance et de la ténacité, j’ai presque envie de dire une sorte de foi, pour bouger les administrations, et bousculer les idées reçues. Cela requiert de l’ingéniosité, pour diversifier ses sources de financement en faisant appel aux dons privés, par la stratégie de collecte de rue, comme cela suppose également de la créativité pour s’adapter aux évolutions de l’épidémie, en s’intéressant aussi à l’hépatite C, ou en poussant l’idée des TROD pour dépister les publics les plus exposés.

Vous savez toute l’importance que j’attache au combat que vous menez, et ce, bien avant que je sois en charge de la santé de mes concitoyens. Puisque, comme pour vous, la lutte contre le sida, contre la maladie elle-même, mais aussi contre ses effets sur notre société a toujours été au coeur de mon engagement et de mon éthique personnelle de médecin et de militante associative.

²Les enjeux de la lutte contre le VIH, ceux qui nous mobilisent aujourd’hui, vous et moi, chacun à notre niveau, ils sont inscrits dans le marbre du plan national de lutte contre le VIH/IST 2010-2014.

Deux leviers majeurs vont concourir à transformer ce plan en mesures opérationnelles.

· Le premier, c’est le financement du plan. Vous le savez, des arbitrages ont été pris dans un contexte très contraint budgétairement, comme ma prédécesseur s’y était  engagée.
Le coût du plan sur la période est de 953 millions d’euros. Il intègre les dépenses de l’Etat et de l’Assurance maladie, mais n’inclut pas la prise en charge hospitalière et les antirétroviraux, qui relèvent d’autres lignes budgétaires déjà existantes.

· Le deuxième levier qui favorisera la déclinaison effective de ce plan, c’est le comité de suivi et de prospective que j’ai installé la semaine dernière.

Ce Comité a une vocation interministérielle : et c’est important pour la cohérence globale des actions, et pour respecter une vocation pluridisciplinaire, en associant les experts, les professionnels, les sociétés savantes et les associations reconnues dans le domaine du VIH et des IST.
Ce Comité sera chargé du suivi de la mise en oeuvre des mesures et actions inscrites dans le plan. A ce titre, il doit veiller, en particulier, à la programmation et à la  cohérence de ses actions.

Mais, ce qui me semble aussi très important, c’est que ce Comité pourra également me proposer des éléments d'orientation et de stratégie sur la lutte contre le VIH/SIDA et les IST, que j’attends avec intérêt. Parce que je souhaite qu’il puisse également jouer un rôle prospectif.
Parlons du plan maintenant, notre feuille de route commune.

Dans ses grands principes, il s’inscrit naturellement dans la continuité des plans précédents, en mettant tout particulièrement l’accent sur les dimensions suivantes :
information et éducation, en population générale et auprès des publics cibles, promotion du préservatif, masculin ou féminin, dans tous types de relations sexuelles, accompagnement social, lutte contre les discriminations et solidarité avec les personnes vivant avec le VIH.

Néanmoins, il peut être qualifié d’historique, parce qu’il marque un tournant, à plus d’un titre. Il prend en compte la dynamique de l’épidémie, concentrée sur certaines populations, et sur certains territoires, l’importance des comorbidités associées, qui facilitent la transmission du VIH, comme les IST, ou qui aggravent le pronostic vital, comme les hépatites. Il intègre également des problématiques émergentes, comme le vieillissement du fait du traitement, et le désir de procréation.

Je me réjouis également que ce plan national se soit aussi nourri des expériences partagées avec les acteurs que vous êtes. J’en veux pour preuve les nouvelles orientations et les solutions proposées (comme, par exemple, le dépistage par tests rapides), dans lesquelles les communautés concernées deviennent véritablement des parties  prenantes.

- Ce plan national prend également en considération les spécificités des départements d’Outre Mer, notamment par l’élaboration d’un plan complémentaire DOM.

- Il fait appel, pour combattre le VIH et les IST, à des concepts et stratégies recommandés au plan international. Je pense bien sûr à la stratégie de « prévention combinée »,
qui associe information, prévention comportementale, dépistage et traitement précoce, pour agir à la fois sur l’infection au plan individuel et sur sa transmission au niveau collectif.

- Il promeut le dépistage de l’infection à chlamydiae pour les populations à forte prévalence de cette infection ;

- Il renforce les stratégies de dépistage, dans la perspective d’un dépistage plus précoce, en vue d’une prise en charge elle-même plus précoce, que ce soit auprès de la population générale (en dehors de toute notion d’exposition à un risque), ou auprès de populations à haute prévalence et haut risque de transmission.

- Ce plan favorise la prise en charge globale et pluridisciplinaire des personnes atteintes, ainsi que l’approche de santé sexuelle. Celle-ci a en effet l’avantage d’appréhender, au sein d’une approche globale des questions de santé liées à la sexualité, le risque VIH avec d’autres risques (IST, contraception, grossesses non désirées, violences) ;

- Il vise enfin au renforcement des capacités individuelles et collectives à se protéger des groupes populationnels les plus exposés. Se protéger, c’est également protéger son partenaire, chacun étant responsable de son propre comportement ;

Six mois après son annonce, ce plan voit déjà certaines mesures engagées, ou sur le point de l’être :

· L’INPES a lancé en février un appel à projets, pour un montant de 500 000 €, reprenant 3 orientations importantes du plan :
- optimiser la prévention VIH/IST chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes,
- améliorer le niveau d’information de la population Trans et promouvoir la santé sexuelle auprès de cette population,
- enfin, renforcer la prévention à la Réunion et à Mayotte.

· Par ailleurs, je peux vous dire aujourd’hui que l’appel à projet de la DGS en direction des femmes (notamment les plus exposées, dont les usagères de drogues, les migrantes, les femmes prostituées) est lancé et mis en ligne sur le site du ministère de la Santé pour un montant de 265.000 €. La date limite du dépôt des dossiers est le 20 juillet.

· La campagne d’incitation au dépistage a été réalisée en décembre 2010 par l’INPES.
A cet égard, je vous informe qu’on observe une hausse des prescriptions des tests par les médecins généralistes, sur la période allant de fin 2010 à mars 2011, par rapport à la même période l’année dernière : même s’il faut attendre que ces tendances se confirment dans le temps pour dire que l’incitation au dépistage a porté ses fruits, c’est un signal encourageant.

· Par ailleurs, l’appel à projets pour le soutien d’une activité de dépistage communautaire utilisant des TROD sera publié dans une dizaine de jours. Ces projets seront financés
dans le cadre des 3,5 millions € du Fond National de Prévention d’Education d’Information en Santé (FNPEIS), et nous ne pouvons que nous en féliciter. J’y reviendrai plus en détail.

· De même, les dispositifs d’hébergement créés dans le champ du VIH et le dispositif d’aide à domicile aux personnes atteintes du VIH viennent de faire l’objet d’une évaluation. L’étude sur l’hébergement a été mise en ligne très récemment. En 2011, il est prévu la création et l’extension de près de 200 places d’appartements de coordination thérapeutique, dans le cadre du plan maladies chroniques. 50 autres places destinées à accueillir en priorité des personnes sortant de prison seront également proposées, dans le cadre du plan santé justice.

· La nouvelle convention AERAS (S'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) de 2011 vient d’être renouvelée et améliorée, ce qui constitue une avancée pour les personnes qui présentent un risque aggravé de santé.
Si ce premier bilan d’étape me semble encourageant, je n’ignore pas les problèmes qui se posent aux acteurs de la lutte contre le VIH, avec qui j’ai déjà eu l’occasion de m’entretenir à ce sujet. A cet égard, je tiens à apporter quelques éléments de précision qui me semblent importants :

Vous avez été nombreux à vous interroger sur la baisse des financements aux associations, certains y voyant un désengagement de l’État sur la question du VIH.
Dans un contexte de crise et de déficits publics sans précédent, notre ministère a dû, comme tous les autres, participer à l’effort collectif de réduction des dépenses publiques. C’est pourquoi les interventions de la DGS ont fait l’objet d’une baisse systématique, quels que soient les domaines considérés.

Pour le VIH/SIDA, cette baisse s’est traduite par plus d’efforts pour les associations ayant les subventions les plus importantes et pouvant diversifier leurs sources de financements. Ainsi, les associations, dont le montant de la subvention 2010 était supérieur ou égal à 130.000 euros (5 au total) ont subi une diminution de 14 % de leurs subventions.

Les associations, dont le montant de la subvention 2010 était inférieur à 130 000 euros (près d’une trentaine), ont subi quant à elles une diminution de 2 % de leurs  subventions.

J’ai tout entendu concernant ces baisses : désintérêt, sanction… des termes que je ne peux accepter au regard de la mobilisation de mon ministère.
Notamment parce qu’il existe d’autres sources de financement des actions de lutte contre le VIH/SIDA, à travers les appels à projets que je viens d’évoquer.

A ce propos, je reviens sur la mise en place d’offres de dépistage communautaire par TROD :
- depuis la publication de l’arrêté du 9 novembre, les structures associatives peuvent réaliser un dépistage par TROD, sous réserve d’une habilitation délivrée par l’ARS.

À ce jour, les différentes remontées informelles d’informations dont je dispose font état de la délivrance de 4 habilitations à l’association AIDES : en Haute Normandie, Nord-Pas de Calais, Languedoc Roussillon, Aquitaine.

Plusieurs autres dossiers d’habilitations sont en cours d’instruction en Ile de France (4 à 5), et en Guyane (2).

Comme je vous l’ai dit, l’appel à projets sera lancé dans les jours qui viennent, en partenariat avec la CNAMTS. Les associations auront un mois pour y répondre.
Pour mémoire, les projets candidats devront :
- répondre à un besoin de santé publique locorégional documenté (publics prioritaires) ;
- être portés par des structures de prévention ou associatives ayant une compétence reconnue dans le champ du VIH ;
- s’inscrire en complémentarité de l’offre de dépistage déjà existante ;
- s’intégrer dans une stratégie allant de la promotion de la prévention à l’accès aux soins.

Un comité de sélection étudiera les projets candidats. Ceux qui auront été retenus en seront informés début septembre.
Voilà ce que je pouvais dire à ce stade, pour les projets associatifs autour des TROD. Sachez que je réfléchis également à la possibilité d’associer les médecins à ce dispositif, notamment ceux qui travaillent en réseau ou en contact avec des populations ou des territoires particulièrement touchés par le VIH.

Concernant la question des personnes étrangères, j’ai plusieurs fois eu l’occasion de rappeler que l’évolution du dispositif de l’AME n’empêchera pas les personnes majeures en situation irrégulière qui n’y sont pas éligibles de bénéficier tout de même de la prise en charge des soins urgents.

Je vous rappelle que ces « soins urgents » incluent les soins destinés à éviter la propagation d’une pathologie à la collectivité, telle que le sida ou la tuberculose.

Par ailleurs, l’évolution du dispositif « étrangers malades » prévoit désormais que la carte de séjour temporaire n’est plus délivrée qu’en cas d’absence du traitement dans le pays d’origine. Cependant, des « circonstances humanitaires exceptionnelles appréciées par l’autorité administrative après avis du directeur de l’ARS » peuvent être prises en compte et donner l’accès à une carte de séjour temporaire.

Je le redis avec force, sur ce sujet qui ne dépend pas que de la santé, je veillerai à ce que le ministère dont j’ai la charge joue pleinement son rôle de protecteur de la santé, dans les limites du cadre fixé par la loi.

Une instruction du 29 juillet 2010 a déjà été envoyée aux ARS à ce sujet. Elle a pour but de mettre en place une organisation des services capables de permettre le meilleur traitement possible des dossiers d’étrangers gravement malades sur tout le territoire. Je vous rappelle que le secret médical pour ces patients est garanti.
Cette instruction a été suivie le 30 mars 2011 d’un document intitulé « Questions les plus fréquentes posées par les médecins des ARS ». Celui-ci a vocation à être enrichi, au vu d’interrogations nouvelles ou d’évolutions du cadre légal susceptibles d’intervenir.

À ma demande, une nouvelle instruction de la DGS auprès des médecins des ARS en charge de ces dossiers est en cours de préparation.

Un mot, pour conclure, au sujet du VIH/SIDA à l’international, sur lequel vous êtes également très engagés :

· Lors de la récente réunion de haut niveau de l’ONU sur le VIH/SIDA (juin 2011), les chefs d’État et de gouvernement et représentants des États Membres de l’ONU se sont fixés l’objectif de réduire de 50 % d’ici à 2015 le taux de transmission du VIH par voie sexuelle et par usage de drogue injectable, mais aussi de stopper la contamination du nouveau-né par la mère, et d’assurer un traitement antiviral à 15 millions de personnes.

· Ces objectifs confirment le fait que le VIH reste placé au plus haut de l’agenda de santé publique international. A cet égard, la France a rappelé à New-York son engagement à placer la lutte contre le VIH/SIDA comme une priorité internationale.

· Concrètement, la France est l’un des tous premiers contributeurs au niveau mondial (2ème contributeur au Fonds mondial VIH/Paludisme/tuberculose, 1er contributeur à UNITAID). La France s’est ainsi engagée à allouer 60 millions d’euros supplémentaires par an au Fonds Mondial, ce qui porte sa contribution à 360 millions d’euros par an.

· Au-delà de la contribution à ces fonds et aux organisations internationales, la France soutient plusieurs approches innovantes pour le financement de la coopération internationale en matière de santé publique sur le VIH/SIDA : qu’il s’agisse de la généralisation de la taxe internationale sur les billets d’avion, ou du « Patent Pool »  (communauté de brevets) d’UNITAID, qui est une formule innovante dans le domaine des traitements antirétroviraux, permettant de favoriser l’accès universel.
Mais, nous le savons tous ici, malgré les efforts déjà entrepris dans la lutte contre le sida, il nous reste beaucoup à faire.

Permettez-moi de conclure en remerciant chacun d’entre vous de son implication personnelle. En vous plaçant sous la bannière de « AIDES », votre combat de 27 années pour  faire pièce à « AIDS » n’a jamais fléchi. Je voudrais vous en féliciter très sincèrement. Certes, vos attentes à l’égard de l’État sont grandes, à la mesure des souffrances que  cause le SIDA à tant de personnes auxquelles vous apportez votre soutien. Sachez que je suis à votre écoute, que le Gouvernement connaît pleinement la force de votre engagement et de vos compétences. Et je sais pouvoir compter sur vous, comme vous pourrez compter sur moi, pour mettre en oeuvre ce plan national de lutte contre le SIDA que je viens de vous exposer.

Je vous souhaite de fructueux travaux.