Le Médiateur : un élément clé de la régulation de l'expression des gènes



Une équipe du CEA-iBiTec-S[1] vient de résoudre l'une des questions fondamentales sur les mécanismes de l'expression des gènes : quel est l'acteur cellulaire responsable du positionnement sur l'ADN de l'enzyme clé de la transcription des gènes, l'ARN polymérase ? Ces chercheurs viennent en effet de montrer, in vivo, que c'est un complexe multiprotéique appelé « Médiateur de l'activation de la transcription» qui se charge de cette tâche. Le Médiateur positionne l'enzyme ARN polymérase sur l'ensemble des gènes à transcrire grâce à des interactions moléculaires directes avec cette enzyme. Il joue ainsi un rôle central dans l'expression harmonieuse des gènes d'un organisme. Un dérèglement de son fonctionnement peut conduire à un déséquilibre cellulaire, ce qui suggère son implication dans certaines pathologies du développement ou cancers. Les résultats de cette étude ont été publiés en ligne le 18 mars par la revue Science.


On sait aujourd'hui que dans une cellule, seule une fraction des gènes contenus dans le génome est exprimée pour donner les protéines qui vont assurer les fonctions cellulaires. Les gènes exprimés varient selon le type de cellule, le stade de développement, l'environnement cellulaire ou le stress. Mais comment se fait cette expression différentielle ? Quels en sont les acteurs ? Par quels mécanismes ? Autant de questions qui attisent la curiosité de la communauté scientifique depuis de nombreuses années. Sur le plateau de Saclay, une équipe du CEA s'attache ainsi à décrypter les mécanismes fondamentaux de l'expression des gènes, et notamment de la transcription, la première étape de cette expression. Si la plupart de ces acteurs sont désormais connus, leur mode d'action n'est toujours pas complètement compris.

Chez les eucaryotes[2], la transcription requiert une machinerie extrêmement complexe comportant trois formes d'ARN polymérases, enzymes chargées de transcrire l'ADN en ARN. La production d'ARN messagers, à partir desquels les protéines vont être fabriquées, est faite par l'ARN polymérase II qui va les transcrire en lisant les gènes, régions particulières de l'ADN du génome. Pour faire cette transcription, l'ARN polymérase II fonctionne de concert avec plusieurs facteurs protéiques ayant chacun des rôles précis. En amont, des protéines appelées activateurs de la transcription sont capables de reconnaître les gènes qui doivent être transcrits, selon le type cellulaire ou les conditions environnantes. En aval, une demi-douzaine de complexes multiprotéiques, dits facteurs généraux de la transcription, sont indispensables pour positionner l'ARN polymérase sur les gènes. Cependant ils ne sont pas suffisants et l'acteur cellulaire responsable de la mise en place de l'enzyme restait à ce jour encore inconnu. Si une machine multiprotéique complexe, appelée « Médiateur de l'activation de la transcription », était soupçonnée d'intervenir dans ce processus, son rôle moléculaire précis n'était pas connu.


Avec leur travaux effectués in vivo chez la levure, les chercheurs du CEA-iBiTec-S viennent d'apporter la confirmation de cette hypothèse : c'est bien le Médiateur qui positionne l'ARN polymérase II sur l'ADN, et ceci en interagissant directement avec elle. Il intervient ainsi pour la transcription du génome. En son absence aucune transcription n'est possible. Déjà connu pour interagir avec les activateurs, le Médiateur joue ainsi un rôle de pont entre le signal déclenchant la transcription et sa réalisation.

Figure : le Médiateur interagit d'une part avec un activateur de la transcription (Act) et d'autre part avec l'ARN polymérase II pour la positionner sur l'ADN.


Avec ces résultats, les chercheurs lèvent donc le voile sur l'un des mécanismes fondamentaux de l'expression des gènes. Mais ces travaux ont également une implication sur la compréhension de certaines  pathologies. En effet, des mutations dans les différents composants du Médiateur ont récemment été observées dans certains cancers et maladies génétiques sans qu'une relation causale n'ait été mise en évidence. Les résultats des chercheurs du CEA-iBiTec-S suggèrent que, dans ces cancers, les mutations du Médiateur peuvent avoir pour effet d'altérer la régulation de la transcription et de provoquer l'expression de gènes responsables de la prolifération anormale des cellules cancéreuses.