altLa start-up Honing Biosciences, fondée par deux chercheurs CNRS, développe des technologies permettant de réguler le transport de protéines dans des cellules médicaments, afin d'optimiser leur efficacité et de réduire leur éventuelle toxicité pour l'organisme du patient. Sa première cible : les cellules CAR-T, des lymphocytes modifiés utilisés dans l'immunothérapie du cancer du sang.

La thérapie cellulaire, qui consiste à apporter des cellules à l'organisme pour soigner un organe ou un tissu, est une voie prometteuse pour le traitement de nombreuses maladies (maladies dégénératives, métaboliques, certains cancers). Mais réguler l'action de ces cellules, afin d'éviter des effets indésirables, voire toxiques, est un défi majeur pour le développement de ces thérapies innovantes. La start-up Honing Biosciences, fondée en septembre dernier par Franck Perez avec l'aide de Sebastian Amigorena, tous deux chercheurs CNRS1, a pour objectif de mettre au point des méthodes qui permettent de contrôler le transport au sein des cellules-médicaments des protéines responsables de l'action thérapeutique.

«Au départ, nous avions développé une méthode de régulation du transport des protéines afin d'étudier et de mieux comprendre les mécanismes fondamentaux. C'est en discutant avec nos collègues spécialistes de l'immunothérapie que nous avons réalisé qu'il était possible de réguler le transport des protéines dans des cellules-médicaments », explique Franck Pérez, responsable de l'équipe Dynamique de l'organisation intra-cellulaire1, et co-fondateur de Honing Biosciences. La première cible visée par la start-up, ce sont les cellules CAR-T, des lymphocytes modifiés utilisés dans l'immunothérapie du cancer du sang.

L'immunothérapie avec des cellules CAR-T (CAR pour Chimeric antigen receptor) repose sur des cellules immunologiques du patient, génétiquement modifiées pour cibler des cellules cancéreuses, puis réinjectées au malade. Le traitement s'est révélé efficace, mais il peut induire des effets indésirables et même dangereux, quand l'action des protéines des cellules CAR-T n'est pas régulée. C'est aujourd'hui le principal obstacle au déploiement de cette immunothérapie2.

Franck Perez a réutilisé la technique de contrôle qu'il avait développée pour des études fondamentales, baptisée Rush (Retention using selective hook). Elle consiste à retenir une protéine dans un compartiment de la cellule, puis à la relâcher en ajoutant simplement de la biotine, une vitamine déjà produite naturellement par l'organisme. Cette approche a permis de développer une méthode de modulation de l'efficacité thérapeutique des cellules-médicament (CellTune). Honing Biosciences, en collaboration avec les laboratoires de l'Institut Curie, adapte cette technique aux cellules CAR-T. Deux brevets3 ont été déposés et des tests réalisés in vitro. La start-up doit maintenant valider sa technologie in vivo dans des tests précliniques.

En parallèle, Honing Biosciences va démarrer des études sur l'application de sa technique de régulation à d'autres types de thérapie cellulaire. Enfin, la start-up va proposer sa plateforme technologique à des partenaires, entreprises ou laboratoires, qui souhaiteraient l'utiliser pour leurs propres recherches. Une première levée de fonds, en cours de finalisation, permettra de financer l'activité sur les deux premières années. Ensuite, une nouvelle levée de fonds sera envisagée, notamment pour entamer la phase d'essais cliniques.

1 La technologie exploitée par Honing provient de deux laboratoires hébergés à l’Institut Curie : le laboratoire Compartimentation et dynamique cellulaires (Sorbonne Université/CNRS/Institut Curie) et le laboratoire Immunité et Cancer (Institut Curie/Inserm/Université Paris Descartes)

2 Deux traitements seulement, commercialisés par Novartis et Gilead (Kite Pharma), ont été autorisés aux États-Unis, en Mai et Octobre 2017, et en Europe, en Aout 2018. Les traitements ont lieu dans des services hospitaliers spécialisés afin de pallier les effets indésirables.

3 Brevets : EP17306452 “DAP10/12 based cars adapted for rush”, déposé le 20/10/2017, en copropriété Institut Curie/Inserm/CNRS et EP17306453 ”Hook fusion protein for regulating the cellular trafficking of a target protein”, déposé le 20/10/2017, en copropriété Institut Curie/CNRS.