Servane Delamasure (Credit Photo : DR)LAURÉATS : Servane Tauszig-Delamasure (centre Léon-Bérard de Lyon, CNRS UMR 5238).
TRAVAIL RÉCOMPENSÉ :« Le récepteur à dépendance TrkC, une ruse pour éliminer une tumeur ».

Contrairement aux cellules normales, qui ne se divisent que lorsqu’elles reçoivent un stimulus particulier, les cellules tumorales, elles, peuvent se multiplier indéfiniment. Pour cela, elles réussissent à contourner de façon machiavélique les différents mécanismes de défense mis en place par l’organisme. L’un de ces mécanismes repose sur une catégorie bien particulière de récepteurs, les « récepteurs à dépendance ». S’ils se trouvent privés de leur ligand, ces récepteurs ont la particularité d’induire le « suicide » de la cellule, telle une grenade qui explose quand on la dégoupille… Pour éviter d’« exploser », les cellules tumorales sont parvenues à produire elles-mêmes les « ligands-goupilles » de ces « récepteurs-grenades ». C’est ce qu’ont découvert, il y a quelques années, Patrick Mehlen du laboratoire apoptose, cancer et développement, au centre de lutte contre le cancer Léon- Bérard, à Lyon, et ses collègues.
Autodestruction. Ainsi, les cellules cancéreuses bloquent le déclenchement du signal de « suicide » par le récepteur et gagnent leur autonomie pour proliférer et migrer vers d’autres organes afin de former des métastases. « Nous avons eu l’idée d’utiliser ces récepteurs comme arme antitumorale, explique Servane Tauszig-Delamasure, chercheuse CNRS dans le même laboratoire. Si l’on prive les récepteurs de leur ligand, les cellules cancéreuses sur lesquelles ces récepteurs se trouvent s’autodétruisent. » La scientifique et ses collègues travaillent plus particulièrement sur le récepteur TrkC, présent sur certaines cellules cancéreuses, et son ligand, la neurotrophine 3 (NT-3). Agir à ce niveau représente une piste prometteuse pour traiter notamment les neuroblastomes, ces cancers qui affectent le système nerveux du jeune enfant. Les chercheurs ont démontré qu’une molécule « leurre » capable de séparer le récepteur TrkC de son ligand peut entraîner l’autodestruction des cellules cancéreuses chez des modèles animaux. De plus, l’idée des scientifiques s’applique à d’autres cancers, notamment à certains cancers du sein métastatiques, qui expriment aussi la neurotrophine 3. Un premier essai réalisé sur la souris en collaboration avec l’institut Curie, à Paris, s’est révélé positif : il a montré que la molécule ciblant le couple TrkC/NT-3 retarde le développement tumoral.