altCréation de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951 , traité sur l’énergie atomique (1957) : les fondations même de l’Europe reposent sur l’énergie. En 2007, le traité de Lisbonne (article 194) entérine l'émergence, au niveau européen, d'une politique énergétique autonome. Mais, dans le même temps, le paragraphe 2 de l'article 194 du traité précise que la législation européenne n'affecte pas "le droit d'un Etat membre de déterminer les conditions d'exploitation des ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique".

Ce paradoxe ne fait que refléter à la fois l’extrême diversité des ressources énergétiques en Europe, mais également la dépendance énergétique des Etats membres en terme d'approvisionnement.
Cinq ans après le traité de Lisbonne,  on ne peut que constater la très grande hétérogénéité des stratégies énergétiques dans les 27 Etats membres. Or, si l’Europe veut être un acteur économiquement compétitif, si l’Europe veut préserver la qualité sociale et environnementale de vie de sa population, elle doit définir sa stratégie à moyen et long termes pour préserver sa sécurité énergétique au meilleur coût et pour assurer son indépendance énergétique.

C’est la raison pour laquelle Euro-CASE, fédération de 21 Académies nationales – soit 6 000  membres aux compétences et expériences variées  - scientifiques, ingénieurs, technologues, économistes…-, a décidé de mettre à l’ordre du jour de sa conférence annuelle 2012 « L’indépendance énergétique de l’Europe ». Elle présente ici ses conclusions et ses propositions.


Face à la complexité à la fois du mix énergétique et de la demande énergétique, tant au niveau des territoires que des individus, Euro-CASE constate  le manque de cohérence de la politique énergétique européenne. Euro-CASE souligne l’urgence de rechercher cette cohérence et d’organiser collectivement une gestion énergétique soutenable. Pour ce faire, Euro-CASE émet trois recommandations principales en direction des instances politiques nationales et européennes.

1. Euro-CASE souligne que l’Europe va fonctionner dans les prochaines décennies avec un mix énergétique dont la complexité s’accroît, impliquant la mise en place de multiples infrastructures de connexion qui sont autant d’investissements lourds et à long terme. Les énergies renouvelables, notamment, impliquent des connexions nouvelles. La mise en place de tels réseaux de connexion est structurante pour la société qu’elle modifie en profondeur et se heurte  par là-même à des problèmes d’acceptabilité. Ces infrastructures doivent, de plus, être connectées aux réseaux mondiaux (« grids » internationaux).
Aujourd’hui, l’Europe ne dispose d’aucun outil lui permettant d’évaluer les différentes énergies de manière relative et intégrée. Face à la diversité de ce mix énergétique et à la complexité des interconnexions, il est urgent que soit conduite une analyse approfondie du système énergétique européen, de façon à déterminer les avantages comparatifs des différentes énergies qui seront produites au sein de l’espace européen.  Cet audit devra examiner le système énergétique européen dans toutes ses composantes  : coûts, émissions de gaz à effet de serre, politiques industrielles… Il devra permettre de déterminer, à l’intérieur du mix énergétique européen - énergies renouvelables intermittentes, bio, fossiles conventionnelles et non conventionnelles-, quelles sont les sources les plus intéressantes qui doivent être développées et produites en Europe. Il devra prendre en compte la quantité, les investissements nécessaires, l’impact environnemental, la création d’emplois, l’impact sur la compétitivité industrielle.
Face aux incohérences du système actuel, il est inéluctable et urgent de mettre en place cet audit de la politique énergétique européenne, d’autant plus que se développent de nouveaux agendas nationaux qui risquent d’approfondir ces incohérences. Euro-CASE soutient la nécessité d’un tel audit et est déterminé à y participer.

2. L’Efficacité énergétique est un des leviers majeurs pour réduire la dépendance énergétique de l’Europe. Elle passe par le développement d’une demande intelligente. En effet, l’un des problèmes majeurs à résoudre est celui des pics de consommation et des périodes de sur-production d’énergie. C’est en agissant sur la demande d’énergie que l’on parviendra d’une part à absorber les périodes de sur-production - via des stocks d’énergie décentralisés, y compris sous forme de chaleur (réseaux de chaleur) et, d’autre part, à  lisser les pics de consommation, qui entraînent par ailleurs des coûts d’investissement très lourds.  Pour favoriser une demande intelligente, ce sont les villes qui ont le bon niveau de granularité, pour  « consommer moins et mieux une énergie à prix compétitif », c’est à dire de façon plus efficace,  en émettant moins de gaz à effet de serre.
Euro-CASE recommande donc de soutenir le développement de la demande intelligente de tous les acteurs de la Cité : pour ce faire, il faut créer des territoires intelligents, capables de développer les systèmes techniques pour stocker l’énergie – le développement des énergies renouvelables font de l’équilibre des réseaux un véritable challenge technologique ; il faut mettre en place des compteurs intelligents, permettant d’intervenir sur la demande et de lisser les pics de consommation ;  enfin, il faut former et informer des consommateurs avisés (« smart consumers »), de façon à ce qu’ils soient en mesure de participer à l’élaboration d’une demande intelligente.

3. La recherche de l’efficacité énergétique est une opportunité extraordinaire de développement économique et d’innovation technologique. Mais toute innovation technologique est une construction socio-économique et culturelle. Toute innovation, surtout lorsqu’elle constitue une rupture – technologique, organisationnelle-, fait l’objet d’a priori. En matière d’énergie, les ressentis exprimés par les citoyens européens sont très variables d’un pays à l’autre, quels que soient les énergies en jeu: nucléaire, charbon, gaz de schiste, photovoltaïque… Or, une stratégie énergétique européenne, quelle qu’elle soit, suppose non seulement l’accord des citoyens , mais, on l’a vu, leur contribution active. C’est pourquoi il vaudrait mieux mesurer, en amont de toute décision politique, l’adhésion ou le rejet , en somme, les a priori des citoyens par rapport à telle ou telle technologie.
Euro-CASE recommande donc de lancer une grande enquête sur les attentes des citoyens en matière d’énergie qui devrait permettre de déterminer quels efforts restent à faire en matière d’information et de formation pour que les citoyens se forgent une appréciation personnelle plus construite des choix énergétiques. Euro-CASE, en tant qu’organisation indépendante, souhaite prendre toute sa place dans cette enquête.

Euro_CASE
Euro-CASE (European Council of Academies of Applied Sciences, Technologies and Engineering) dont l’Académie des technologies assure et héberge le Secrétariat General, a pour mission de poursuivre, d’encourager et de promouvoir l’excellence dans les domaines de l’ingénierie, des sciences appliquées et des technologies. 21 Académies nationales y sont représentées par environ 6 000 membres: scientifiques, ingénieurs et technologues, aux compétences et expériences variées et complémentaires.

L’indépendance, la neutralité et la structure unique d’Euro-CASE en font un partenaire reconnu et apprécié  par les principales institutions nationales et européennes, en particulier la Commission et le Parlement Européens.