altAlors que l' UFC-Que choisir publie aujourd’hui une cartographie de l’offre médicale*, commune par commune, qui montre à quel point il peut être difficile pour les Français d'avoir accès à proximité de chez eux à un praticien qui ne pratique pas trop de dépassements d’honoraires, la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) refuse toujours au site Fourmi Santé de faire des liens vers leur site ameli-direct et de réutiliser les données pourtant publiques des tarifs des médecins.

Portail grand public de comparaison de prix des soins de ville en France, Fourmi santé a été lancé en mai 2011 avec un objectif simple : diminuer l'opacité dans le domaine des tarifs pratiqués en santé pouvant conduire à des écarts de tarifs importants.

En santé, ce n'est pas nouveau, il existe une réelle complexité des bases et des taux de remboursement de la sécurité sociale ou les variantes dans l’offre des assurances complémentaires santé et des mutuelles, l'écart des tarifs pratiqués pour les médicaments non-remboursés par l'Assurance Maladie, les dépassements d'honoraires, l'écart des tarifs de l'offre en optique etc...

Régulièrement les médias d'investigation comme le Monde en avril 2012, ou aujourd'hui UFC-Que choisir publient des cartes accablantes montrant le difficile accès aux soins. Ces cartographies font le buzz pendant les phases de négociations, mais rien n'est fait au quotidien pour aider les Français à travers la mise en place d'un réel service à pouvoir comparer les tarifs des médecins et les coûts de l'offre de soins. Pire, des initiatives comme celle du site de Fourmi Santé qui devraient être encouragées, sinon aidées par les pouvoirs publics sont entravées!

Alors que le budget santé des Français s’est envolé (52 % de hausse entre 2001 et 2008, quand une personne consacrait 407 euros à se soigner en 2001, elle en consacrait 618 euros en 2008**), le désengagement croissant de l'Assurance Maladie dans les soins de ville devient perceptible par les Français et l'opacité ne peut plus perdurer. Pendant la campagne présidentielle, des sondages montraient que 2/3 des Français considéraient trop cher ce qu’ils avaient à payer pour se soigner (vagues de déremboursements, honoraires et soins dentaires élevés, mutuelles en hausse).

L'exemple des dépassements d'honoraires est édifiant sur la question de la transparence.

L'ordre des médecins considère que les médecins du secteur 2 peuvent fixer leurs tarifs librement avec un écart possible allant de une fois à quatre fois ce que rembourse la Sécurité sociale***. Effectivement, en fonction de la région, type de clientèle, spécialité, diplômes etc, on peut comprendre que les tarifs varient.

Il semble donc primordial que cette information soit disponible pour que les patients puissent comparer les tarifs en amont de la consultation et choisir ce qui correspond le mieux à leur besoin et leur budget.

Le seul endroit où ils peuvent aujourd'hui se renseigner sur ces tarifs est le site de l'Assurance Maladie (www.ameli-direct.ameli.fr), alors que l'Assurance Maladie ne rembourse pas ses dépassements d'honoraires.

Attention cependant, la comparaison et la recherche d’informations n'est pas facile à faire, car il faut aller chercher médecin par médecin, pour voir les tarifs. Le site Ameli-direct ne permet pas de façon ergonomique de comparer les professionnels de santé entre eux, aucune géolocalisation n’est proposée, pas de critères avancés de recherche, pas d'application mobile, etc.

Fort de ce constat, et du fait que la Sécurité sociale ne va pas à juste titre dépenser des sommes folles pour valoriser ces données et y inclure des données en lien avec le remboursement des mutuelles et complémentaires santé qui ne fait pas partie de son champ d'action, le site Fourmi Santé a décidé en avril 2012 de lancer un véritable outil de comparaison de tarifs de médecins avec simulation de reste à charge d'abord en ligne (http://www.youtube.com/watch?v=0deM533FK8Q). Une version mobile était prévue. Il est à noter que le modèle économique de Fourmi Santé est clair, puisque nous disposons de comparateurs de tarifs de produits sur le modèle de l'intermédication au clic, d'une offre de contenu en rapport avec l'information économique de santé grand public et d'outils de simulations de reste à charge et de devis pour les professionnels de la complémentaire santé. Nous disposons également d'espaces publicitaires google bien identifiés sur le site grand public.

La suite, nous la connaissons. Le service est resté en ligne 4 mois, car bien que La CADA reconnaît le caractère public des informations figurant sur le site de l’Assurance Maladie, et que Fourmi Santé a fait part de son traitement de données sur les tarifs de médecins à la CNIL pour lequel une déclaration a été faite et un récépissé reçu, l'Assurance Maladie par le biais d'avocats a mis en demeure Fourmi Santé de cesser l'exploitation des données et les liens sur son site sous 72h sous peine de poursuites au tribunal.

Un comble pour une administration, qui en plus ne rembourse pas ces dépassements d'honoraires, d'entraver l'accès à ces informations et de menacer de procès une TPE!

Les arguments de la CNAMTS, sont que ces données leur appartiennent, que nous devrions avoir l'accord de tous les médecins pour réutiliser des données déjà publiques sur un site, que nous ne mettions que les tarifs des consultations, alors que les propres données affichées par la CNAMTS ne sont elles-mêmes pas exhaustives pour chaque médecin, que nous n'affichions pas la source des données, alors que par ailleurs ils nous reprochent de les mentionner et de faire un lien vers le site ...

Bref, une argumentation bancale mais Fourmi Santé, une TPE, après avoir répondu après la première mise en demeure, ne peut se permettre de payer une armada d'avocats pour aller au procès contre la CNAMTS, une administration publique.

Fourmi Santé a alerté à différentes reprises le cabinet de la Ministre des Affaires Sociales et le cabinet de la Ministre déléguée aux  PME, à l'innovation et à l'économie numérique mais ces lettres sont restées sans réponse de leur part.

Est-ce normal de laisser une administration, garder la main mise sur des données qui intéressent les Français et dont la large diffusion pourrait permettre aux Français de faire des économies et de réduire les dépassements d'honoraires abusifs qui seraient donc plus visibles?

Quel est le véritable intérêt de la CNAMTS dans cette affaire pour menacer une TPE d'actions judiciaires rapides et s'assurer ainsi qu'elle ne fera pas le poids, alors que cette TPE ne fait que rendre accessible au grand public cette information et aide à la diffusion des données mises en place par la CNAMTS?

La valorisation de services autour de données publiques permet la mise en place d'initiatives à valeur ajoutée et donc de croissance et de création d'emplois. Est ce que le sujet de l'ouverture des données publiques (OPEN DATA) est purement une récupération politique?

Fourmi Santé avait été primé pour son comparateur de tarifs des médecins en mai 2012 par la mission ETALAB créée sous l'autorité du Cabinet du Premier Ministre de l'époque, M. Fillon. Le nouveau premier ministre a fait signer une charte sur l'engagement de ses ministres à participer à cette ouverture de données, mais aujourd'hui rien.

Malgré les effets d'annonce et les déclarations d'intention des uns et des autres, rien n'est fait !

Ni Etalab,  dont le président M. Séverin Naudet est clairement marqué à droite, ni le cabinet de M. Ayrault ne se sont saisis de cette affaire, maintenant les élections sont passées. Fourmi Santé qui continue à exister puisque les médecins ne représentent qu'un onglet du site, a quand même dû faire marche arrière sur le sujet de transparence dans les honoraires des médecins et est toujours en attente d'une réponse claire des pouvoirs publics sur ce sujet. Une pétition a été lancée qui a reçu déjà plus de 800 signatures.

Il faut arrêter de faire croire aux Français que tout est fait pour les aider à préserver leur pouvoir d'achat.

Sources:

* UFC-Que choisir : http://www.quechoisir.org/sante-bien-etre/systeme-de-sante/communique-acces-aux-soins-l-ufc-que-choisir-presente-la-carte-de-l-intolerable-fracture-sanitaire

** UFC-Que choisir : http://www.lefigaro.fr/conso/2010/09/28/05007-20100928ARTFIG00485-le-budget-sante-des-menages-s-est-envole-depuis-2001.php

*** Ordre National des Médecins : http://www.conseil-national.medecin.fr/article/acces-aux-soins-recommandations-du-cnom-1185

 

Barbara N’Gouyombo

Barbara N'Gouyombo, ingénieur diplômée de Telecom Bretagne, possède également un Master en Entrepreneuriat de London Business School.

Elle a travaillé au Japon, et a crée très tôt des petites entreprises à Londres et en France dans le domaine de la e-santé. Lauréate de prix d'innovation et création d'entreprise en 2008(Cartier). Barbara N'Gouyombo est l'auteure de la  note "Réussir le DMP" en tant qu'expert-associé en santé au think tank Institut Montaigne  en 2010. Aujourd'hui, elle dirige le site www.fourmisante.com, premier portail de maîtrise du budget santé en France.

 

Le site Fourmi santé :

Soignez vous près de chez vous et gérez mieux votre budget santé

Créé en en janvier 2011, le site Internet FOURMI SANTE est une plateforme de services ayant pour vocation de pouvoir comparer l'offre de soins ambulatoires, principales dépenses à l'origine du reste à charge santé pour les Français aujourd'hui.

www.fourmisante.com se propose de fournir une information agrégée (base de données, géolocalisation, tarifs…) permettant aux internautes de se renseigner, de comparer des tarifs en optique, parapharmacie, médicaments et de calculer notamment le reste à charge lors des consultations des professionnels de santé mais également pouvoir comparer de manière géolocalisée les tarifs des actes (radiologie, dentaires...). Les patients peuvent ainsi trouver le professionnel ou le produit de santé dans la zone géographique souhaitée ou sur internet, et maîtriser leur budget santé.

Ce site a connu un engouement réel dès sa mise en ligne (120 000 visiteurs uniques mensuels) et a été en mai 2012, le lauréat Dataconnexions du prix Open Data  mis en place par Etalab, récompensant les meilleurs services de réutilisation de données publiques.