Discours de Nora BERRA - Secrétaire d’Etat chargée de la Santé

Madame la Vice-présidente, et future Présidente de l’Institut national du cancer (Professeur Agnès BUZYN),
Mesdames et Messieurs,

Dans la lutte que notre pays mène contre le cancer, grande cause nationale qui mobilise le Président de la République et un nombre croissant de Français, cette campagne de sensibilisation intitulée « La recherche sur les cancers avance, changeons de regard », constitue pour moi un moment particulièrement fort dans notre action.

Je me félicite que l’Institut national du cancer et notre Ministère chargé de la Santé en aient pris conjointement l’initiative, dans le cadre de l’axe 5 du plan cancer 2009-2013 « Vivre pendant et après un cancer ». Notre objectif est bien d’améliorer la qualité de vie pendant et après la maladie, mais aussi de combattre toute forme d’exclusion qui puisse lui être liée.

L’enjeu de cette campagne qui concerne l’ensemble des personnes atteintes d’un cancer et leur entourage, mais aussi l’ensemble des citoyens, c’est de favoriser tout d’abord un regard moins distant, moins fataliste de la société sur les cancers, et sur les personnes qui en sont touchées.

C’est aussi de provoquer une prise de conscience de l’opinion, en mettant mieux en avant les progrès accomplis, grâce aux avancées de la recherche et des soins. L’image du cancer ne doit plus être liée à celle de la mort. Même si des évolutions se font jour, la perception du cancer reste en effet dominée par des représentations qui l’inscrivent le plus souvent dans le registre de la souffrance, et de la mort. 61% des Français sont d’accord pour dire que le cancer est la pire des maladies. 42% des Français ne préfèrent pas penser au cancer car ils en ont peur, 37% pensent que le cancer est un sujet tabou dans notre société.

Nous vivons aujourd’hui dans une société paradoxale où la mort, proche ou lointaine, envahit nos écrans de télévision, alors que les personnes malades, les personnes âgées, les personnes en fin de vie sont comme tenues à distance, voire à l’écart.

C’est sans doute parce que le cancer inspire toujours la crainte, et qu’il reste le plus souvent perçu comme synonyme de mort. Près de 70% de Français citent en effet le cancer en premier, parmi les trois maladies qu’ils jugent les plus graves. Et 65% considèrent que le cancer n’est pas une maladie comme une autre.

Qui, en effet, a envie d’entendre qu’il y a chaque année 357 500 nouveaux cas de cancer en France, et que ce nombre a plus que doublé en 30 ans ?
Qui a envie d’entendre que, chaque année, le cancer est responsable de 146 500 décès ?

Rien, dans la vie sociale, ne prépare les familles ni les malades à affronter ces situations très dures, où le principe de la vie elle-même est mis en danger. Rien ne les aide non plus à y faire face. Or, ce n’est par parce qu’on apprend un jour qu’on est malade d’un cancer que la vie doit s’arrêter, que le rire doit disparaître. Mieux aborder sa maladie, c’est avoir d’abord un regard différent sur celle-ci. C’est aussi, pour l’entourage d’un
malade, et pour l’ensemble de la société, porter un regard différent sur lui, et aussi sur sa maladie.

Prendre acte des progrès de la recherche pour dépasser cette image fataliste.
L’objectif de l’axe 5 du plan cancer 2009-2013, dans lequel s’inscrit cette campagne de sensibilisation, c’est d’encourager cette révolution individuelle et collective, pour donner encore plus l’envie de vaincre cette maladie, pour unir les personnes autour de l’espérance, et de la vie.

La meilleure preuve que les progrès accomplis ces dernières années dans le domaine des traitements et de la qualité de la prise en charge sont réels, c’est que de plus en plus de cancers sont guéris.
Les avancées de la recherche et l’accélération du transfert des découvertes au bénéfice des malades ouvrent en effet des perspectives prometteuses. Rappelons-le, plus de 60% des cancers sont désormais curables. Cette perspective de guérison constitue donc un moyen concret de changer ce regard que je viens d’évoquer, et que continue de porter la société sur cette maladie.

Evolution des parcours de soins
En effet, les parcours de soins, eux aussi, ont beaucoup évolué. Ils se sont adaptés à la situation personnelle de chacun.
La grande majorité des personnes atteintes d’un cancer bénéficie de soins à l’hôpital tout en continuant à vivre chez elles, ce qui constitue une approche plus positive et sans doute plus efficace du traitement, désormais mieux adapté au parcours de vie de chacun.

La complexité de ces parcours de soins en cancérologie et la multiplicité des acteurs de soins ont entraîné une coordination renforcée, que je souhaite saluer, car elle permet de mieux accompagner les malades pendant et après la phase aigüe de leur traitement.

Dans le cadre du plan cancer, une expérimentation a été lancée dans 35 sites pilotes. Son objectif général est d’expérimenter la mise en place d’un parcours personnalisé pendant et après le cancer, pour les nouveaux patients adultes pris en charge dans les établissements de santé.

Cet objectif se décline en trois actions :
1/ Personnaliser, d’abord, les parcours de soins, par une coordination accrue des soins entre l’hôpital et les médecins traitants, notamment grâce aux infirmiers coordonnateurs de soins.

Ainsi, dès l’annonce du diagnostic, chaque patient se voit proposer un programme personnalisé de soins (PPS).
2/ Développer, ensuite, l’accompagnement social des personnes atteintes, en généralisant les actions d’évaluation sociale pour détecter les risques de fragilité. Il s’agit d’intégrer au programme personnel de soins un volet social, pour améliorer la prise en compte des besoins des personnes.

3/ Améliorer, enfin, l’accompagnement de l’après-cancer, par la mise en place d’un programme personnalisé de l’après-cancer (PPAC), pour organiser la surveillance par le médecin traitant, et assurer la prévention du risque de second cancer.

Mieux soigner, mieux prendre en charge les cancers, c’est donc prendre conscience des progrès accomplis ces dernières décennies, pour en avoir moins peur !

Car ces représentations négatives associées aux cancers ont des conséquences sur la vie sociale des personnes touchées.
Elles provoquent encore trop souvent un malaise, voire une prise de distance de l’entourage, des difficultés de réinsertion professionnelle qui viennent s’ajouter aux difficultés liées à la maladie elle-même. Nous ne pouvons nous satisfaire du constat que 47,6% des Français considèrent que, « quand on a un cancer, on est souvent mis à l’écart » (baromètre cancer 2010), ce qui traduit la forte perception d’une relégation sociale des personnes malades. Je suis d’ailleurs frappée de constater que ce sentiment s’est même renforcé durant les 6 dernières années, puisque c’étaient 43,2% de nos concitoyens, soit 10% de moins qui, en 2005, partageaient ce sentiment d’exclusion. Dans le contexte actuel de baisse de la mortalité et d’amélioration des taux de survie – taux de survie à 5 ans supérieur à 50%, tous cancers confondus, qui atteint et dépasse 80% pour certains types de cancer -, de plus en plus de personnes vivent déjà et vivront après un diagnostic de cancer.

Il est donc essentiel de favoriser ce changement de regard, et de créer les conditions d’une meilleure insertion sociale des personnes touchées. C’est pourquoi la question du retour à l’emploi, quand on a été traité pour un cancer, est une priorité, qui s’inscrit dans la mesure 29 du plan cancer 2009-2013. Les malades doivent être mieux informés de leurs droits. Les ruptures professionnelles peuvent être évitées par une meilleure coordination entre les médecins traitants, les médecins conseils, les médecins du travail, et les entreprises elles-mêmes.

La convention AERAS (s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) a été renouvelée en février dernier, et améliorée. Elle va permettre désormais aux pouvoirs publics, à des représentants de la banque et de l’assurance, à des malades et à des consommateurs, de proposer des solutions pour faciliter l’accès à l’assurance emprunteur, et au crédit des personnes présentant ou ayant présenté un risque aggravé de santé.

Tous ces dispositifs innovants, tous ces millions d’euros que notre pays mobilise en faveur du plan cancer, pour faire progresser la recherche et les soins, ne serviraient à rien si chacun d’entre nous ne change pas d’état d’esprit dans sa manière de regarder le cancer, et ceux qui en sont atteints. Cette campagne constitue une rupture très forte dans la manière dont on parle de cette maladie : elle sensibilise tous nos concitoyens, elle permet également aux malades de témoigner et de s’exprimer. Elle interpelle chacun d’entre nous pour être plus proche, plus humain, plus rayonnant, plus solidaire avec les personnes malades. C’est pourquoi la campagne qui s’ouvre aujourd’hui est une étape cruciale dans la lutte contre les cancers.

Je suis reconnaissante et fière que l’Institut national du cancer et le Ministère de la Santé, qui sont inscrits au coeur de la recherche et des soins, manifestent ensemble la volonté de mieux prendre en compte la place et les droits des patients dans la lutte contre cette maladie.


La dimension humaine, la proximité, la reconnaissance, la solidarité, l’attention de l’ensemble de la société, sont de toute évidence des facteurs clefs, pour mieux lutter contre cette maladie, pour en guérir.

Ces valeurs constituent aussi le socle d’une société humaniste, où la maladie de chacun devient le souci de tous.