altConférence invitée

Réalités et projets de vie des sans-abri : lorsque le corps devient l’ultime ressource
par Gisèle DAMBUYANT-WARGNY (IRIS - EHESS, CNRS, INSERM, Université Paris 13, Bobigny,        e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. )

Dans notre société, les plus démunis sont dénués de tout, particulièrement ceux qui sont installés dans l'espace public. Pour les individus à la rue, les ressources sont rares : sans travail, sans argent, sans famille, sans abri, ce qui laisse alors le corps comme seule et ultime ressource utilisée et utilisable. Dans cette réalité la gestion de ce corps possède alors une utilisation spécifique de « surexploitation » pour s'adapter au monde de survie, tant physique que social, dans lequel ils évoluent. Mais cette réalité quotidienne s'inscrit dans des trajectoires difficiles, le plus souvent dès l'enfance, qui laissent peu de place aux projets d'avenir. Comment alors penser les prises en charges médicales et sociales indispensables mais qui doivent s'adapter en fonction de l'évolution de la personne ? Car accompagner ces personnes si fragilisées nécessite de questionner la place et le rôle de chacun pour permettre de faire évoluer la précarité dans notre société.

Communications

SDF : aspect psychopathologique et comportement par Alain MERCUEL (Service d’appui « Santé mentale et exclusion sociale », CH Sainte Anne, Paris, e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. )

Des facteurs de risque conduisent à l’exclusion. Cumulés, ils projettent les personnes dans la rue, qu’elles soient indemnes de pathologies mentales ou non. Dès lors la souffrance psychique s’installe insidieusement ou vient aggraver une maladie préexistante. Jamais heureux, ceux qui vivent sans abri adoptent au fil des années des stratégies de survie et des défenses psychiques parfois efficaces. D’autres moins « compliants » à la rue s’effondrent tant sur le plan physique que psychique. Des dispositifs spécifiques d’accès aux soins et aux droits se sont développés, dans une démarche proactive auprès d’eux, afin de leur proposer diverses solutions de sortie de rue par le soin, l’abri, l’habitat, les droits. Parmi ces dispositifs, le secteur de psychiatrie s’est très partiellement adapté à ce public mais a permis cependant, de déployer des équipes spécialisées en psychiatrie et précarité. Ces dernières tentent, par toutes les médiations possibles, d’aider les personnes en souffrance psychique à la rue de retrouver un état psychique leur permettant de faire un choix de parcours de sortie de rue puis un choix de vie digne.

La santé des sans-abri par Olivier CHA (Hôpital Saint-Antoine, Polyclinique médicale Baudelaire, Paris, e-mail : Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. )

La population des personnes sans domicile fixe est difficile à définir et son nombre est complexe à évaluer. On comptabilise en France presque quatre millions de mal logés, 85 000 sans-abri. La majorité d’entre eux n’est pas visible dans l’espace public. Un tiers travaille, un quart vit avec des enfants, un autre tiers est âgé de dix-huit à vingt-neuf ans. Rupture de tout lien social et hébergement totalement absent sont des constantes. Il n’y a  pas de pathologies spécifiques aux sans-abri. En revanche l’épidémiologie diffère de celle de la population générale. Par exemple le taux d’incidence de la tuberculose est trente fois plus élevé. Les prises en charge médicales sont beaucoup trop tardives. En conséquence on observe nombre de limitations fonctionnelles, séquelles d’accidents graves, hospitalisations trois fois plus fréquentes. Une maladie chronique est présente chez 45 % d’entre eux. Leur espérance de vie est de 47,6 ans, soit 30 à 35 ans de moins que les chiffres habituellement avancés pour la France. Pour être efficace la prise en charge médicale est intimement liée au règlement de la question sociale et de l’hébergement.