altDes patients traités très précocement après l’infection présentent, près de six ans après l’arrêt du traitement, la particularité de contrôler parfaitement l’infection par le VIH. Les patients de la cohorte Anrs EP47 Visconti disposent d’un « réservoir » de VIH dans les cellules extrêmement faible, à un niveau similaire à celui de patients « HIV controllers ». Ces résultats suggèrent que le traitement antirétroviral devrait être initié très tôt après l’infection.

Depuis le début de l’épidémie, il y a 30 ans, on ne peut toujours pas guérir de l’infection VIH, ni spontanément ni grâce aux traitements. Ceux-ci doivent être pris à vie et, malgré leurs effets bénéfiques, ne peuvent éliminer complètement le virus. L’arrêt du traitement conduit dans la plupart des cas à une remontée rapide du nombre de virus dans le sang (charge virale), imposant alors la reprise des antirétroviraux.

L’obstacle majeur à l’éradication du VIH réside dans le fait qu’il a la capacité de se cacher dans les cellules qu’il infecte, les lymphocytes T CD4. Le virus peut ainsi rester des dizaines d’années dans un état « d’endormissement » dans ces cellules, rendant impossible sa reconnaissance et sa destruction par le système immunitaire ou par les traitements. Ce « réservoir » permanent de virus est susceptible de se réactiver à tout instant et de libérer de nouvelles particules virales infectieuses. L’un des grands objectifs de la recherche aujourd’hui s’appelle « Towards an HIV Cure » : il s’agit de tenter « d’éradiquer l’infection » ou tout au moins d’induire une « rémission », c'est à dire un état de contrôle stable et durable de l'infection qui permettrait aux personnes de vivre sans traitement et sans symptômes de la maladie, malgré la persistance d’infimes traces de virus dans leur organisme.

Un groupe particulier de patients répond à la définition de patients en état de « rémission fonctionnelle », et sont rassemblés au sein de la cohorte Anrs EP47 Visconti[1]. Quinze patients ont démarré un traitement antirétroviral très précocement, dans les dix premières semaines après leur infection. La durée médiane du traitement a été d’environ trois ans. La durée moyenne d’arrêt de traitement est de six ans. De façon inattendue, l’infection de ces patients reste contrôlée, avec une quantité de charge virale quasi-indétectable. Les chercheurs de la cohorte Anrs EP47 Visconti (équipes du Pr Christine Rouzioux (Hôpital Necker, unité EA3620 Cnrs), du Dr Gianfranco Pancino et du Dr Asier Saez-Cirion (Institut Pasteur), du Pr Brigitte Autran (Hôpital Pitié-Salpêtrière, unité Inserm U945), du Dr Alain Venet (Faculté de médecine Paris-Sud, Unité Inserm 1012) et du service clinique du Dr Laurent Hocqueloux (CHR Orléans), cherchent à comprendre quels mécanismes sont à l’oeuvre dans ce contrôle de l’infection à long terme après l’arrêt des traitements. Ils ont d’abord montré que ces patients ont un profil différent de celui des « HIV controllers », ces patients qui restent asymptomatiques et contrôlent la réplication virale pendant de nombreuses années en absence de traitement. Ils ne possèdent ni les facteurs génétiques ni les défenses immunitaires des HIV Controllers qui induisent un contrôle spontané de l’infection par les lymphocytes CD8 « tueurs » dès la rencontre avec le VIH.

En revanche, le réservoir viral des patients de la cohorte Anrs EP47 Visconti présente certaines similitudes avec celui des patients HIV Controllers. C’est ce que révèlent les chercheurs à la XIXe Conférence internationale sur le sida à Washington qui ont étudié onze patients de la cohorte. Le niveau de réservoir du virus est particulièrement bas et est de même taille que celui des HIV Controllers. On trouve en outre dans les deux groupes de patients un faible niveau de virus « dormant » dans les cellules T CD4 « naïves » (celles qui n’ont jamais rencontré d’antigène, et qui ont la particularité d’avoir la plus longue durée de vie, laquelle se compte en années). On observe en revanche un niveau plus élevé de virus « dormant » dans les cellules « mémoires » (qui, elles, ont déjà rencontré un antigène et sont éliminées plus rapidement). Ces observations suggèrent que le traitement pris très tôt après l’infection limite l’extension de l’infection dans l’organisme et empêche la constitution de réservoirs viraux importants.

Les patients de la cohorte Anrs EP47 Visconti sont exceptionnels par leurs caractéristiques immunologiques et leurs capacités à contrôler le VIH. En effet, les données épidémiologiques, en particulier recueillies dans d’autres cohortes Anrs, en particulier la cohorte ANRS CO 06 Primo, estiment que le contrôle de l’infection après interruption d’un traitement commencé en primo-infection n’est observé que chez 10 % des patients. Ce phénomène n’est donc pour l’instant pas extrapolable à l’ensemble de la population infectée par le VIH. Mais ce que révèlent les patients de la cohorte nous permet de mieux comprendre la physiopathologie de l’infection à VIH, et son contrôle à long terme par le système immunitaire.

Ce type de recherche est une des priorités des organismes de recherche internationaux, comme l’Anrs et le NIH, qui sont engagés dans le plan stratégique international « Towards an HIV cure ». L’Anrs y a consacré 2,6 millions d’Euros en 2011.

Pour en savoir plus :

Bacchus C.1, Hocqueloux L.2, Avettand-Fenoel V.3, Saez-Cirion A.4, Mélard A.3, Descours B.5, Samri A.1, Blanc C.6, Autran B.1, Rouzioux C.3, Visconti and ALT Anrs study groups.

Distribution of the HIV reservoir in patients spontaneously controlling HIV infection after treatment interruption. IAS 2012 Abstract Number 16010 (A30).

Présenté le 26 juillet à 15h dans la session « HIV reservoirs: Where and How is the Virus Hiding? ».

1 - Laboratoire d’Immunologie cellulaire et tissulaire, Université Pierre et Marie Curie, Inserm UMR-S 945, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.

2 - Département des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital régional d’Orléans.

3 - Laboratoire de Virologie, Université René Descartes EA 3620, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris.

4 - Unité de régulation des infections rétrovirales, Institut Pasteur, Paris.

5 - Laboratoire de virologie moléculaire, Institut de génétique humaine, CNRS UPR 1142, Montpellier.

6 - Platerforme de cytométrie en flux (CyPS), Université Pierre et Marie Curie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.