altClaire Laurant-Berthoud, docteur en anthropologie, a côtoyé pendant plus de 25 ans des sages-femmes traditionnelles mexicaines. La précision et la richesse de leurs connaissances, construites à partir de traditions multiculturelles et d’expériences de terrain, n’a cessé de l’étonner…

Quels furent vos premiers contacts avec les sages-femmes mexicaines et comment avez-vous pu les aborder ?

Claire Laurant-Berthoud : Mes premières rencontres avec des sages-femmes d’origine indienne eurent lieu en juillet 1983 sur le marché de Sonora, au centre de Mexico, dans le cadre de mes études d’anthropologie. Ma première informatrice a été une sage-femme d’origine nahua (aztèque), personnage d’un grand charisme. Elle venait de la montagne en portant ses ballots de plantes et beaucoup de gens lui demandaient conseil sur leurs problèmes de santé. J’ai connu de plus en plus de sages-femmes que j’interviewais, j’allais cueillir les plantes avec elles, j’assistais à leurs consultations : j’ai ainsi rassemblé énormément de données et d’anecdotes sur leur savoir-faire et leur façon de vivre. J’ai suivi très régulièrement 5 informatrices pendant 20 ans et une vingtaine de façon plus sporadique. Ce panel est assez important pour faire une somme des pratiques générales avec des origines culturelles très variées : Indiennes, métis, descendantes de colons, urbaines, rurales, migrantes d’autres régions du Mexique…



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Ballots de plantes pour le marché de Sonora, Mexico


D’où tiennent-elles leur savoir ? Comment font-elles leur apprentissage ?

La plupart des sages-femmes ont dans leur ascendance un thérapeute traditionnel qui leur a transmis son savoir. Elles ont été petites-filles, filles ou nièces de thérapeutes. Elles ne sont d’ailleurs pas uniquement sages-femmes : elles sont aussi herboristes, rebouteuses, guérisseuses… Chacune a sa spécialité thérapeutique. Leur savoir s’est construit au cours des siècles mais il est dynamique, toujours en cours d’élaboration. Les sages-femmes sont héritières de médecines savantes comme celle des Aztèques, qui avaient une connaissance très avancée des effets thérapeutiques des plantes. Elles ont aussi hérité de la médecine populaire d’origine hippocratique introduite lors de la Conquête. Leur pratique est un mélange des deux héritages, dans une dynamique construite. Elles s’adaptent au contexte actuel : par exemple, elles ont élaboré des médications contre le sida et savent soigner les problèmes d’infertilité, très présents au Mexique. Elles ont une extraordinaire expérience de terrain dans un contexte où les ressources thérapeutiques sont maigres. Certaines ont fait leur premier accouchement à l’âge de 9 ans ! Elles apprennent autant par la tradition que par expérience.

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