« Au-delà des faits, sur lesquels nous devons laisser la Justice se prononcer, les récents évènements à Bayonne ont réveillé le questionnement intime de chacun d’entre nous sur la fin de vie.


Je veux dire sincèrement à ceux qui militent pour la légalisation de l'euthanasie active que j'entends leurs arguments et que je comprends la douleur des familles et de ceux qui voient souffrir ceux qu'ils aiment. Comment ne pas envisager qu'une fin de vie, marquée par la souffrance profonde, puisse être si pénible et si dégradante que certains considèrent qu’elle ne s’apparente plus à une vie ? Comment ne pas comprendre que la prise en charge appliquée pour maintenir vivant un individu devenu incapable d'assurer seul ses fonctions vitales apparaisse, aux yeux de certains, comme un « acharnement » absurde et indigne ? Et, dès lors, comment accepter qu’aujourd’hui, en France, on n’autorise pas l'euthanasie et qu’il soit illégal de mettre fin directement à la vie d'un individu par le geste d'un tiers, y compris d'un médecin ?


Ces questions sont légitimes… mais elles traduisent une méconnaissance du cadre légal qui existe déjà dans notre pays.

La Loi Léonetti du 22 avril 2005 a en effet rendu illégal l’acharnement thérapeutique, en donnant au médecin le droit d’interrompre ou de ne pas entreprendre des traitements jugés « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie». Cette décision ne peut être prise qu’avec le consentement absolu du patient et de ses proches, et qu’après discussion avec l’équipe médicale. Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, une procédure collégiale est obligatoire, après concertation des proches et de l’équipe de soins et sur l’avis motivé d’au moins un médecin consultant. La loi oblige aussi le médecin à assurer dans tous les cas la continuité des soins et l’accompagnement de la personne.


Au-delà de l’absence d’acharnement thérapeutique, les soins palliatifs visent non seulement à soulager les malades de leur souffrance physique et psychologique mais également à accompagner leurs proches. La culture palliative intègre l’environnement du patient. La lutte contre la douleur a elle-même fait l’objet de 3 plans successifs, dont l’ensemble de la chaîne hospitalière s’est emparée. L’amélioration de sa prise en charge et de son traitement constitue aujourd’hui un critère d’évaluation prioritaire des établissements de santé.


Alors qu’elle donne les clés de la résolution de la très grande majorité des difficultés rencontrées en fin de vie, une trop grande majorité de Français ignore l’existence de la loi Léonetti prohibant l’acharnement thérapeutique. Ceci est d’autant plus paradoxal qu’une écrasante majorité d’entre eux estime que les soins palliatifs sont une réponse nécessaire à la souffrance des personnes en fin de vie, leur permettant de vivre plus sereinement la fin de leur vie et de mourir dans la dignité.


Je suis convaincue que cette méconnaissance de la réalité des soins palliatifs joue en faveur de l’euthanasie, qui est alors perçue comme la seule solution pour ne pas souffrir et échapper à la « toute-puissance » du pouvoir médical. C’est cette méconnaissance que je souhaite combattre car elle nous détourne en vérité des vraies questions –et donc des vraies réponses.


A partir du moment où nous sommes capables de répondre efficacement aux problématiques liées à la souffrance et à la dignité, le sujet n’est pas, en effet, celui de l’euthanasie mais bien celui de l’offre de soins palliatifs qualitative que notre pays doit être capable de proposer à chaque patient en fin de vie.


Aujourd'hui, la France bénéficie de 5900 places en soins palliatifs, soit presque 2000 de plus qu'en 2007 : ce sont les résultats du Plan pour les soins palliatifs engagé en 2008 par le Président de la République. Ce nombre reste évidemment à améliorer et nous y travaillons avec force.


Mais au-delà des Plans, des chiffres, et du déploiement technique des moyens, c’est un choix philosophique qui se pose et qui questionne tout simplement notre vision de la société et de l’humanité : ne devons-nous pas nous battre pour développer une culture palliative digne de ce nom, au lieu de vouloir nous arroger le droit de donner la mort ? Je le crois profondément. »