| 23 Août 2011
« Au-delà  des faits, sur lesquels nous devons laisser  la Justice se prononcer, les récents  évènements à Bayonne ont réveillé le questionnement intime de chacun d’entre  nous sur la fin de vie.
   Je  veux dire sincèrement à ceux qui militent pour la légalisation de l'euthanasie  active que j'entends leurs arguments et que je comprends la douleur des familles  et de ceux qui voient souffrir ceux qu'ils aiment. Comment ne pas envisager  qu'une fin de vie, marquée par la souffrance profonde, puisse être si pénible et  si dégradante que certains considèrent qu’elle ne s’apparente plus à une  vie ? Comment ne pas comprendre que la prise en charge appliquée pour  maintenir vivant un individu devenu incapable d'assurer seul ses fonctions  vitales apparaisse, aux yeux de certains, comme un « acharnement »  absurde et indigne ? Et, dès lors, comment accepter qu’aujourd’hui, en  France, on n’autorise pas l'euthanasie et qu’il soit  illégal de mettre fin directement à la  vie d'un individu par le geste d'un tiers, y compris d'un médecin ?    Ces  questions sont légitimes… mais elles traduisent une méconnaissance du cadre  légal qui existe déjà dans notre pays.   La  Loi Léonetti du 22 avril 2005  a en effet rendu illégal l’acharnement thérapeutique, en  donnant au médecin le droit d’interrompre ou de ne pas entreprendre des  traitements jugés « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que  le maintien artificiel de la vie». Cette décision ne peut être prise qu’avec le  consentement absolu du patient et de ses proches, et qu’après discussion avec  l’équipe médicale. Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, une  procédure collégiale est obligatoire, après concertation des proches et de  l’équipe de soins et sur l’avis motivé d’au moins un médecin consultant. La loi  oblige aussi le médecin à assurer dans tous les cas la continuité des soins et  l’accompagnement de la personne.    Au-delà  de l’absence d’acharnement thérapeutique, les soins palliatifs visent non  seulement à soulager les malades de leur souffrance physique et psychologique  mais également à accompagner leurs proches. La culture palliative intègre  l’environnement du patient. La lutte contre la douleur a elle-même fait l’objet  de 3 plans successifs, dont l’ensemble de la chaîne hospitalière s’est emparée.  L’amélioration de sa prise en charge et de son traitement constitue aujourd’hui  un critère d’évaluation prioritaire des établissements de  santé.   Alors  qu’elle donne les clés de la résolution de la très grande majorité des  difficultés rencontrées en fin de vie, une trop grande majorité de Français  ignore l’existence de la loi Léonetti prohibant l’acharnement thérapeutique.  Ceci est d’autant plus paradoxal qu’une écrasante majorité d’entre eux estime  que les soins palliatifs sont une réponse nécessaire à la souffrance des  personnes en fin de vie, leur permettant de vivre plus sereinement la fin de  leur vie et de mourir dans la dignité.    Je  suis convaincue que cette méconnaissance de la réalité des soins palliatifs joue  en faveur de l’euthanasie, qui est alors perçue comme la seule solution pour ne  pas souffrir et échapper à la « toute-puissance » du pouvoir médical.  C’est cette méconnaissance que je souhaite combattre car elle nous détourne en  vérité des vraies questions –et donc des vraies réponses.   A  partir du moment où nous sommes capables de répondre efficacement aux  problématiques liées à la souffrance et à la dignité, le sujet n’est pas, en  effet, celui de l’euthanasie mais bien celui de l’offre de soins palliatifs  qualitative que notre pays doit être capable de proposer à chaque patient en fin  de vie.  Aujourd'hui,   la France  bénéficie de 5900 places en soins palliatifs, soit presque 2000 de plus qu'en  2007 : ce sont les résultats du Plan pour les soins palliatifs engagé en  2008 par le Président de  la République. Ce nombre reste  évidemment à améliorer et nous y travaillons avec force. Mais  au-delà des Plans, des chiffres, et du déploiement technique des moyens, c’est  un choix philosophique qui se pose et qui questionne tout simplement notre  vision de la société et de l’humanité : ne devons-nous pas nous battre pour  développer une culture palliative digne de ce nom, au lieu de vouloir nous  arroger le droit de donner la mort ? Je le crois  profondément. »