alt3 questions à Francis Eustache, spécialiste en neuropsychologie à l’université de Caen

Francis Eustache, Spécialiste en neuropsychologie de la mémoire, il dirige des recherches sur la mémoire humaine et ses maladies en utilisant des évaluations cognitives et différentes techniques d’imagerie cérébrale à l’université de Caen (EPHE et Inserm). Il mène ses recherches dans l'unité de recherche de l'Inserm "Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine" à l'université de Caen-Normandie. En sa qualité de Président du Conseil Scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires, il a dirigé la publication de « Mémoire et traumatisme », ouvrage rédigé dans le cadre des travaux de recherche sur les attentats du 13 novembre 2015.


Quel est l’impact des émotions sur la mémoire ?

Les émotions ont un impact majeur sur la mémoire. S'il n'y a pas d'émotion, si la situation est neutre, il y a peu de mémoire qui se forme. Si l'émotion est forte, qu'elle soit positive ou négative, la mémoire enregistre à ce moment-là la situation. Mais cela est vrai jusqu’à un certain stade.

En effet, si l’émotion est trop forte par exemple dans une situation traumatique, cette émotion trop intense va perturber la mémoire.


Pourquoi en cas de très forte émotion la mémoire est-elle perturbée ?

En cas de très forte émotion, la mémoire peut être perturbée pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles est liée à l'activation du système nerveux autonome, qui régule les réponses physiologiques au stress. Lorsque nous sommes confrontés à des émotions intenses, notre corps sécrète des hormones comme l'adrénaline et le cortisol, ce qui peut influencer notre capacité à encoder et à se souvenir des événements.


Dans ces moments-là, notre attention peut être capturée par l'émotion elle-même, détournant notre focalisation de ce qui se passe autour de nous. Cela peut entraîner des lacunes ou des distorsions dans la manière dont nous traitons les informations, ce qui affecte ultérieurement la précision de notre mémoire.


Peut-on alors faire confiance à notre mémoire ?

En ce qui concerne la confiance en notre mémoire dans de telles circonstances, cela dépend. Dans certains cas, la mémoire peut être altérée ou fragmentée à cause de l'impact émotionnel, ce qui pourrait mener à des souvenirs déformés ou incomplets. Cependant, dans d'autres cas, les émotions intenses peuvent renforcer la mémorisation de certains événements particulièrement marquants.


Il est important de reconnaître que la mémoire n'est pas toujours parfaitement précise et qu'elle est sujette à des distorsions, surtout en période de forte émotion. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que chaque souvenir est totalement invalide.


altMémoire et traumatisme ouvrage rédigé dans le cadre des travaux de recherche sur les attentats du 13 novembre 2015, explique comment l’analyse des interactions entre mémoire individuelle et mémoire collective permet une compréhension renouvelée du traumatisme psychique et de ses effets durables sur la mémoire, dans un monde où les échanges entre les individus sont profondément modifiés par les nouveaux moyens de communication. Cet ouvrage a été initié par l'Observatoire B2V des Mémoires.